VENDREDI 19 AVRIL 1878
QUARANTE-SEPTIEME ANNEE Prix du Numéro : 25 centimes
ABONNEMENTS
P^JUS
Trois mois... 18 fr.
Six mois. 36 —
Un an. 72 —
Les abonnements partent des iu et i s de chaque mois.
DIRECTION
Politique, Littéraire et Artistique
PIERRE VÉRON
Rédacteur en Chef.
BUREAUX
de la rédaction et de l'administration
Bue Rossinl, 50.
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DÉPARTEMENTS
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L'abonnement d’un an donne droit à la prime gratte*
Y DIRECTION
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ANNONCES
ADOLPHE EWIG, FERMIER DE LA PUBLICITÉ
Bue Tailiiout^ 10*
BULLETIN POLITIQUE
Le Français n’a pas songé à une chose.
C’est qu’il travaille tout simplement à convaincre
de haute trahison son cher duc.
Que fait le Français, tous les jours ? Il outrage et
bafoue la République.
Hier encore, il s’écriait en ricanant, à propos des
excursions générales de la commission d’enquête :
« A ce propos, nous rappellerons qu’on n’a pas
encore pu savoir combien les frais de ces tournées
coûtent, au Trésor. Les journaux radicaux, qui
nous ont tant vanté les vertus économiques du ré-
gime républicain, devraient bien nous le dire, par
amour de la République. »
Ou sait de quelle façon le Français parle du ré-
gime républicain; non pas seulement en étranger,
mais en ennemi.
Et le Français n’est que le couli ienl. du duc de
Broglie dont il redit les pensées et reflète les désirs.
Il en résulte que M. de Broglie est convaincu, de
par les aveux de sa feuille, convaincu de n’avoir ac-
cepté d’être le ministre de la République que pour
l’étrangler.
Et cet homme s’étonnera si on lui demande
compte, devanL une justice quelconque, de ses si-
nistres projets 1
Déjà 1... Diantre ,1 on ne perd pas de temps.
Au dire de XItalie, il est question déjà d’étudier
la cause de la béatification de Pie IX. Au Vatican,
on a reçu à ce sujet un grand nombre de lettres de
l’Italie et de l’étranger qui relatent des miracles
opérés par le pontife défunt. Vous savez que l’acte
par lequel le pape déclare que l’âme d’une personne
qui a vécu saintement jouit dans le sein de Dieu du
bonheur éternel, ne peut avoir lieu que cinquante
ans après la mort de la personne. La béatification
précède la canonisation.
î'ious serions fort désireux qu’on sortît des géné-
1 aUtés et qu’on nous donnât quelques renseigne-
menis un peu pr£cis sur ieg prétendus miracles opé-
rés par le feu papGt
Lst-ce sérieusement qu’on veut exploiter cette
tombe au profit des jongleurs cagots?
Voyons... Donnez au moins un échantillon à exa-
miner.
Pie IX, s il avait le don des miracles, aurait bien
dû l’appliquer à la résurrection de ce Lazare re-
belle à toute tentative qui s’appelle le Pouvoir tem-
porel.
Etrange anomalie !
On veut canoniser aujourd’hui celui de tous les
papes qui a contribué le plus à la dégringolade de
la papauté !
C’est Pie IX qui l’a compromise en donnant le
branle aux idées libérales ;
C’est Pie tX qui l’a rendue odieuse par le Sylla-
lus ;
C’est Pie IX qui l’a rendue ridicule par P-Infailli-
lilitè.
Tant de services demandaient, en effet, une ré-
compense.
On entend chaque jour des anglophiles fervents
vous dire :
— L’Angleterre!... Mais elle est invulnérable !
A ceux-ci est dédié cet extrait d’un journal qui
cependant est sympathique à Albion :
« Les Irlandais causent de vives inquiétudes au
gouvernement anglais. Des meetings de fenians ont
été découverts par la police. Les députés irlandais,
qui se sont séparés des home rulers, ont été avertis
que les plus terribles représailles seraient exercées
contre eux.
» Le fenianisme reparaîtra dès que la guerre aura
été déclarée entre la guerre et la Russie. »
Le fenianisme, un !
Les Indes, deux !
Le Canada, trois !
Pour un invulnérable, voilà déjà pas mal de
talons d’Achille.
Emprunté aux Délais :
«En présence de la décision prise par le gouver-
nement de l’empereur d’Allemagne de n’envoyer à
Paris, pour l’Exposition universelle, aucun tableau
d’artiste allemand représentant un épisode de la
guerre de 1870-71, il devait paraître convenable
d’éliminer, par réciprocité, de notre Exposition^
tous les tableaux ou dessins inspirés par la guerre
franco-allemande.
» Nous croyons savoir, en effet, que le conseil
des ministres, appelé à se prononcer sur cette
question, a décidé qu’un arrêté serait pris dans ce
sens, conformément au sentiment déjà exprimé
d’une manière toute spontanée par le jury d’ad-
mission au Salon actuel »
A approuver sans restrictions aucunes.
Chauvins, nos artistes donneraient à rire. Autre-
ment la France a assez pleuré sans eux.
De toute façon, ces souvenirs doivent être mis
hors cause* au moins pour cette année.
Pierre Véron.
—-«*——-
L’HOROSCOPE
On m’avait vanté son extrême lucidité, et l’on
m’avait surtout recommandé, si je voulais tout
connaître — présent et avenir — du sort réservé à
celle qui m’intéressait, de ne pas oublier d’appor-
ter une mèche de cheveux de la personne sur qui
j’avais conçu de justes soupçons.
Ce n’est pas sans difficultés et, le dirais-je? sans
commettre un sacrilège que j’étais parvenu à me
procurer la touffe désirée. Ou verra plus loin de
quelle nature étaient les poils que je m’étais pro-
curés.
A peine eus-je remis dans les mains de la som-
nambule le talisman chevelu, qu’elle se rejeta vive-
ment en arrière, comme prise d’un violent dégoût,
et qu’elle s’écria :
— C’est là le plus sérieux ennemi de la Répu-
blique I
Et elle continue :
« Tous les autres sont des farceurs, capables
seulement de reprendre la monotone ritournelle,
sifflée vingt fois, de la famille et de la 'propriété;
des bateleurs qui prêtent à rire à la foule, mainte-
nant qu’ils ont reçu le coup de pied qui a crevé
leurs chausses; des matamores de théâtres forains,
qui sont gais à voir rouler leurs yeux furibonds et
à faire tournoyer de faux gourdins bourrés de paille
d’écurie.
» Tous ces gens-là sont de vils intrigants et
n’exerceront plus d’influence ; ils le comprennent
déjà si bien qu’ils vont tous s’affubler du masque
du seul ennemi véritablement à redouter, dont vous
m’avez remis en mains quelques cheveux étranges.»
Et la somnambule se frotla vivement les doigts,
comme si elle était en proie à une désagréable dé-
mangeaison.
Puis elle reprit :
« A des signes visibles pour moi, je puis prédire
que tous les partis désagrégés, il ne restera bientôt
en présence de la personne qui vous est chère, la
République, qu’un seul parti redoutable : le cléri-
calisme 1 Et les badingouins en sont tellement con-
vaincus que les voilà qui s’empiffrent d’hosties avant
d’entrer chez le mastroquet, et qu’ils ont remplacé
le gourdin par un cierge. »
Je l’interrompis, lui demandant si cette coalition
monstrueuse, abritée sous un dais, serait assez
puissante pour me ravir la préférée de mes pensées
et se partager se.s dépouilles.
Et la lucide prophétesse d’éclater de rire à ces
mots :
— Ah! ah ! partager scs dépouilles! Combien peu
vous conuaissez votre éternel ennemi ! Le parti clé -
rical n’entend partager les dépouilles de la Répu-
blique avec personne. C’est un parti pratique avant
tout ; il saura s’accommoder, s’il le faut, aux temps
et aux circonstances, et, pour plaire à la fiancée, il
retournera à propos sa chasuble.
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BULLETIN POLITIQUE
Le Français n’a pas songé à une chose.
C’est qu’il travaille tout simplement à convaincre
de haute trahison son cher duc.
Que fait le Français, tous les jours ? Il outrage et
bafoue la République.
Hier encore, il s’écriait en ricanant, à propos des
excursions générales de la commission d’enquête :
« A ce propos, nous rappellerons qu’on n’a pas
encore pu savoir combien les frais de ces tournées
coûtent, au Trésor. Les journaux radicaux, qui
nous ont tant vanté les vertus économiques du ré-
gime républicain, devraient bien nous le dire, par
amour de la République. »
Ou sait de quelle façon le Français parle du ré-
gime républicain; non pas seulement en étranger,
mais en ennemi.
Et le Français n’est que le couli ienl. du duc de
Broglie dont il redit les pensées et reflète les désirs.
Il en résulte que M. de Broglie est convaincu, de
par les aveux de sa feuille, convaincu de n’avoir ac-
cepté d’être le ministre de la République que pour
l’étrangler.
Et cet homme s’étonnera si on lui demande
compte, devanL une justice quelconque, de ses si-
nistres projets 1
Déjà 1... Diantre ,1 on ne perd pas de temps.
Au dire de XItalie, il est question déjà d’étudier
la cause de la béatification de Pie IX. Au Vatican,
on a reçu à ce sujet un grand nombre de lettres de
l’Italie et de l’étranger qui relatent des miracles
opérés par le pontife défunt. Vous savez que l’acte
par lequel le pape déclare que l’âme d’une personne
qui a vécu saintement jouit dans le sein de Dieu du
bonheur éternel, ne peut avoir lieu que cinquante
ans après la mort de la personne. La béatification
précède la canonisation.
î'ious serions fort désireux qu’on sortît des géné-
1 aUtés et qu’on nous donnât quelques renseigne-
menis un peu pr£cis sur ieg prétendus miracles opé-
rés par le feu papGt
Lst-ce sérieusement qu’on veut exploiter cette
tombe au profit des jongleurs cagots?
Voyons... Donnez au moins un échantillon à exa-
miner.
Pie IX, s il avait le don des miracles, aurait bien
dû l’appliquer à la résurrection de ce Lazare re-
belle à toute tentative qui s’appelle le Pouvoir tem-
porel.
Etrange anomalie !
On veut canoniser aujourd’hui celui de tous les
papes qui a contribué le plus à la dégringolade de
la papauté !
C’est Pie IX qui l’a compromise en donnant le
branle aux idées libérales ;
C’est Pie tX qui l’a rendue odieuse par le Sylla-
lus ;
C’est Pie IX qui l’a rendue ridicule par P-Infailli-
lilitè.
Tant de services demandaient, en effet, une ré-
compense.
On entend chaque jour des anglophiles fervents
vous dire :
— L’Angleterre!... Mais elle est invulnérable !
A ceux-ci est dédié cet extrait d’un journal qui
cependant est sympathique à Albion :
« Les Irlandais causent de vives inquiétudes au
gouvernement anglais. Des meetings de fenians ont
été découverts par la police. Les députés irlandais,
qui se sont séparés des home rulers, ont été avertis
que les plus terribles représailles seraient exercées
contre eux.
» Le fenianisme reparaîtra dès que la guerre aura
été déclarée entre la guerre et la Russie. »
Le fenianisme, un !
Les Indes, deux !
Le Canada, trois !
Pour un invulnérable, voilà déjà pas mal de
talons d’Achille.
Emprunté aux Délais :
«En présence de la décision prise par le gouver-
nement de l’empereur d’Allemagne de n’envoyer à
Paris, pour l’Exposition universelle, aucun tableau
d’artiste allemand représentant un épisode de la
guerre de 1870-71, il devait paraître convenable
d’éliminer, par réciprocité, de notre Exposition^
tous les tableaux ou dessins inspirés par la guerre
franco-allemande.
» Nous croyons savoir, en effet, que le conseil
des ministres, appelé à se prononcer sur cette
question, a décidé qu’un arrêté serait pris dans ce
sens, conformément au sentiment déjà exprimé
d’une manière toute spontanée par le jury d’ad-
mission au Salon actuel »
A approuver sans restrictions aucunes.
Chauvins, nos artistes donneraient à rire. Autre-
ment la France a assez pleuré sans eux.
De toute façon, ces souvenirs doivent être mis
hors cause* au moins pour cette année.
Pierre Véron.
—-«*——-
L’HOROSCOPE
On m’avait vanté son extrême lucidité, et l’on
m’avait surtout recommandé, si je voulais tout
connaître — présent et avenir — du sort réservé à
celle qui m’intéressait, de ne pas oublier d’appor-
ter une mèche de cheveux de la personne sur qui
j’avais conçu de justes soupçons.
Ce n’est pas sans difficultés et, le dirais-je? sans
commettre un sacrilège que j’étais parvenu à me
procurer la touffe désirée. Ou verra plus loin de
quelle nature étaient les poils que je m’étais pro-
curés.
A peine eus-je remis dans les mains de la som-
nambule le talisman chevelu, qu’elle se rejeta vive-
ment en arrière, comme prise d’un violent dégoût,
et qu’elle s’écria :
— C’est là le plus sérieux ennemi de la Répu-
blique I
Et elle continue :
« Tous les autres sont des farceurs, capables
seulement de reprendre la monotone ritournelle,
sifflée vingt fois, de la famille et de la 'propriété;
des bateleurs qui prêtent à rire à la foule, mainte-
nant qu’ils ont reçu le coup de pied qui a crevé
leurs chausses; des matamores de théâtres forains,
qui sont gais à voir rouler leurs yeux furibonds et
à faire tournoyer de faux gourdins bourrés de paille
d’écurie.
» Tous ces gens-là sont de vils intrigants et
n’exerceront plus d’influence ; ils le comprennent
déjà si bien qu’ils vont tous s’affubler du masque
du seul ennemi véritablement à redouter, dont vous
m’avez remis en mains quelques cheveux étranges.»
Et la somnambule se frotla vivement les doigts,
comme si elle était en proie à une désagréable dé-
mangeaison.
Puis elle reprit :
« A des signes visibles pour moi, je puis prédire
que tous les partis désagrégés, il ne restera bientôt
en présence de la personne qui vous est chère, la
République, qu’un seul parti redoutable : le cléri-
calisme 1 Et les badingouins en sont tellement con-
vaincus que les voilà qui s’empiffrent d’hosties avant
d’entrer chez le mastroquet, et qu’ils ont remplacé
le gourdin par un cierge. »
Je l’interrompis, lui demandant si cette coalition
monstrueuse, abritée sous un dais, serait assez
puissante pour me ravir la préférée de mes pensées
et se partager se.s dépouilles.
Et la lucide prophétesse d’éclater de rire à ces
mots :
— Ah! ah ! partager scs dépouilles! Combien peu
vous conuaissez votre éternel ennemi ! Le parti clé -
rical n’entend partager les dépouilles de la Répu-
blique avec personne. C’est un parti pratique avant
tout ; il saura s’accommoder, s’il le faut, aux temps
et aux circonstances, et, pour plaire à la fiancée, il
retournera à propos sa chasuble.