gUAKAM’E-SEPTiEME AMINEE Prix du Numéro : 25 centimes LUNDI 21 AVRIL 1878
ABONNEMENTS
s-uys
Trois mois... 18 fr.
Six mois. 36 —
Un an. 72 —
Z„ abonnements ‘parlent des e-r et n de chaque mois.
DIRECTION
Politique, Littéraire et Artistique
PIERRE VÉRON
Rédacteur en Chef.
BUREAUX
DE LA RÉDACTION BT DE L’ADMINISTRATION
Bise RossimÊ, 20.
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DÉPARTEMENTS
Trois mois. 20 fr.
Six mois. 40 —
Un an. 80 —
Vabonnement d’un an donne droit à la prime gratte*
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■ Politique, Littéraire et Artistique
PIERRE VÉRON
Rédacteur eu Chef.
ANNONCES
ADOLPHE EW1G, FERMIER DE LA PUBLICITÉ
ESsïc Taifbcut^ 10*
LÉ CHARIVARI
Les ateliers étant fermés aujourd’hui jour de Pâques
le Charivari ne paraîtra pas demain lundi.
BULLETIN POLITIQUE
L’Exposition sera ouverte le 1er mai, avec la so-
lennité que comporte cet événement international.
Grande déconvenue pour les journaux qui avaient
pris à tâche de discréditer la grande tête pacifique
dont Paris va être le théâtre.
Il n’y a plus à réfuter les diatribes de ceux qui
ont fait si ouverlement des vœux impies pour que
leur pays subît à la fois une humiliation et un
désastre.
La lime a cassé les dents du serpent. C’est bien.
Il convient cependant de mettre en lumière la
bonne foi des ennemis de la République.
Vous savez ce qu’ils ont entassé de calomnies, de
dénigrements et d’insinuations malveillantes contre
l’Exposition. Procédons, pour faire justice de tout
cela, par voie de simple hypothèse.
Supposons les élections du mois d’octobre ayant
donné raison au 16 mai ; supposons M. de Broglie,
M. de Fourtou et leurs complices restés au pouvoir
et gouvernant lâ France.
La date fixée pour l’Exposition arrive. L’inaugu-
ration va avoir lieu. Que se passe-t-il ?
Tout juste le contraire de ce que nous voyons.
A l’heure qu’il est, si les hommes de la coalition
monarchiste n’avaient pas été honteusement chas-
sés par le suffrage universel, s’ils nous tenaient en-
core sous leur joug humiliant, ces mêmes journaux
réactionnaires, qui n’ont ni assez d’injures ni assez
de sarcasmes pour décrier et bafouer l’œuvre du
Champ-de-Mars, n’auraient ni assez de dithyram-
bes ni assez d’enthousiasmes pour la célébrer.
Ou les entend d’ici chanter leur Te Deum, et vous
liriez aujourd’hui même, dans leurs feuilles, des
articles écrits sur ce mode lyrique :
« Quelques jours seulement nous séparent de
1 ouverture du grand tournoi international. Nous
s°himes heureux de pouvoir nous féliciter haute-
ment des résultats obtenus, grâce à l’activité d’un
gouvei'nement fort et tU|_éiaire. La belle fête qui va
avoir lieu prouvera que, grâce au 16 mai, l’Europe
rassurée sympathie avec la. France régénérée.
» Des princes de diverses maisons royales ou
impériales honoreront de leur présence la séance
qui inaugureia en grande pompe le palais du Tro-
cadéro. Preuve que les puissances et leurs augustes
souverains ont confiance dans le ministère qui a
préservé notre pays du péril social.
» C’est un admirable spectacle que de voir notre
patrie ainsi relevée montrer ce que peut une nation
qui s’honore par son dévouement à la cause de
l’ordre...»
Il y en aurait ainsi des colonnes et des colonnes.
Cette Exposition, qu’ils feignent de trouver rui-
neuse, ils la trouveraient sublime.
Et M. de Broglie, paon toujours prêt à faire la
roue, aurait déjà commandé pour la circonstance
un habillement galonné sur toutes les coutures.
Et le Français s’apprêterait, à applaudir à l’admi-
rable discours que son président du conseil place-
rait dans la bouche du chef de l’Etat.
Et les autres Excellences se rengorgeraient d’a-
vance à l’idée de parader dans la tribune d’hon-
neur.
Et les autres journaux de l’ordre moral prépare-
raient leurs battoirs pour remplir en conscience
leurs fondions de claqueurs officieux.
Et tout ce qui paraît odieux semblerait parfait; et
tout ce qui irrite ces messieurs les comblerait
d’aise.
Changement à vue uniquement motivé par ce
simple fait que la fête se donnerait au bénéfice de
leur vanité.
Il n’y aurait rien, d’ailleurs, de changé au pro-
gramme ; l’Exposition serait ce qu’elle est. Seule-
ment ils seraient les vainqueurs au lieu d’être les
vaincus.
Eh bien 1 je le leur dis en vérité, c’est jouer un
rôle piteux que de montrer ainsi la ficelle de leurs
ressentiments.
Chaque fois que paraît un de leurs articles hai-
neux contre l’Exposition, le public se fait cette ré-
flexion bien simple que l’Exposition avait été adop-
tée, comme sienne, parle Seize-Mai, alors qu’il es-
pérait pouvoir y présider; que, par conséquent,
l’entreprise, proclamée funeste aujourd’hui, était
considérée alors comme patriotique.
C’est la situation d’un monsieur qui aurait, au
su de tous, demandé la main d’une fille à marier,
et qui, ayant été repoussé honteusement, s’en irait
partout crier :
•—Mademoiselle X... ! Mais c’est un. monstre de
laideur !
Et pourquoi donc alors l'auriez-vous épousée?
Il n’est pas d’attitude plus sottement grotesque
que l’attitude des renards qui déblatèrent contre
les raisins sur lesquels ils n’ont pu mettre le grap-
pin. Nos adversaires ne s’en aperçoivent pas, tant
mieux.
Rien, de cette façon, ne manquera au triomphe de
l’Exposition, pas même les insulteurs réglemen-
taires.
Pierre Véron,
--
A Monsieur le directeur du Français.
Monsieur,
Votre excellente et véridique feuille s’est déjà
occupée de la situation difficile faite aux nouveaux
préfets dans les départements restés fidèles aux
grands principes de conservation sociale.
Vos correspondants ont peint en traits de flamme
les avanies, les affronts que ces hideux fonction-
naires ont eus à subir de la part de leurs adminis-
trés haut placés. '
C’est à qui ne leur rendra pas leur coup de cha-
peau, refusera leurs invitations, leur fermera la
porte au nez, éternuera dans leur assiette et leur
poussera le coude quand ils boivent, pour mouche-
ter leur plastron d’ignobles taches de vin.
Votre estimable journal a retracé exactement ce
tableau vengeur !
Mais toutes ces piqûres douloureuses ne sont rien
auprès de l’exécution effrayante dont notre préfet a
été la victime et moi l’exécuteur providentiel !
D’abord, 11 iaut vous dire que ce triste sire avait
lancé dans la plus haute société de la ville vingt-
quatre invitations à dîner pour une solennelle pen-
daison de crémaillère.
Immédiatement un complot fut ourdi Le marquis
de Portenville, en sa qualité de pèlerin de Frohs-
dorf, — qualité qui équivaut chez nous à celle de
pèlerin de la Mecque pour les mahométans, — réu-
nit les vingt-quatre invités chez lui, et leur fil jurer
sur une mèche de cheveux du Roy qu’aucun d’eux
ne se présenterait chez le fonctionnaire républi-
cain. Ce qui fut fait aussitôt avec un ensemble que
les chœurs de notre grand théâtre n’observent pas
toujours dans la Bénédiction des poignards, du chef-
d’œuvre de Meyerbeer.
— Seulement, ajouta Portenville, comme il faut
absolument que nous soyons au courant de l’effet
produit par notre abstention, nous allons tirer au
sort pour savoir lequel de nous assistera au .ban-
quet préfectoral.
Le sort me désigna. A sept heures sonnant, vêtu
d’une simple redingote, cravaté de noir et légère-
ment crotté, j’entrais chez l’amphitryon.
Il me reçut avec une cordialité affectée et me fit
même compliment de ma mise démocratique, ajou-
tant qu’il allait se mettre à son aise comme moi. En
effet, il ôta sans vergogne sa cravate blanche, son
habit, et se mit à causer en manches de chemise, les
mains dans ses poches, avec une aisance parfaite.
Le quart d’heure de grâce écoulé, un laquais vint
annoncer que M. le préfet était servi.
Etonné qu’il n’attendît pas plus longtemps les
vingt-trois autres convives, je lui en manifestai ma
surprise.
— Inutile, me dit le malotru. Nous dînerons par-
faitement sans eux. Faute de 23 moines l’abbaye ne
chôme pas. A table, ma vieille branche !
Je commençais déjà à être assez interloqué ; mais
mon ahurissement augmenta encore à la vue d’une
toute petite table de deux couverts perdue dans la
vaste salle à manger. 11 était évident que nous
avions été trahis.
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lennité que comporte cet événement international.
Grande déconvenue pour les journaux qui avaient
pris à tâche de discréditer la grande tête pacifique
dont Paris va être le théâtre.
Il n’y a plus à réfuter les diatribes de ceux qui
ont fait si ouverlement des vœux impies pour que
leur pays subît à la fois une humiliation et un
désastre.
La lime a cassé les dents du serpent. C’est bien.
Il convient cependant de mettre en lumière la
bonne foi des ennemis de la République.
Vous savez ce qu’ils ont entassé de calomnies, de
dénigrements et d’insinuations malveillantes contre
l’Exposition. Procédons, pour faire justice de tout
cela, par voie de simple hypothèse.
Supposons les élections du mois d’octobre ayant
donné raison au 16 mai ; supposons M. de Broglie,
M. de Fourtou et leurs complices restés au pouvoir
et gouvernant lâ France.
La date fixée pour l’Exposition arrive. L’inaugu-
ration va avoir lieu. Que se passe-t-il ?
Tout juste le contraire de ce que nous voyons.
A l’heure qu’il est, si les hommes de la coalition
monarchiste n’avaient pas été honteusement chas-
sés par le suffrage universel, s’ils nous tenaient en-
core sous leur joug humiliant, ces mêmes journaux
réactionnaires, qui n’ont ni assez d’injures ni assez
de sarcasmes pour décrier et bafouer l’œuvre du
Champ-de-Mars, n’auraient ni assez de dithyram-
bes ni assez d’enthousiasmes pour la célébrer.
Ou les entend d’ici chanter leur Te Deum, et vous
liriez aujourd’hui même, dans leurs feuilles, des
articles écrits sur ce mode lyrique :
« Quelques jours seulement nous séparent de
1 ouverture du grand tournoi international. Nous
s°himes heureux de pouvoir nous féliciter haute-
ment des résultats obtenus, grâce à l’activité d’un
gouvei'nement fort et tU|_éiaire. La belle fête qui va
avoir lieu prouvera que, grâce au 16 mai, l’Europe
rassurée sympathie avec la. France régénérée.
» Des princes de diverses maisons royales ou
impériales honoreront de leur présence la séance
qui inaugureia en grande pompe le palais du Tro-
cadéro. Preuve que les puissances et leurs augustes
souverains ont confiance dans le ministère qui a
préservé notre pays du péril social.
» C’est un admirable spectacle que de voir notre
patrie ainsi relevée montrer ce que peut une nation
qui s’honore par son dévouement à la cause de
l’ordre...»
Il y en aurait ainsi des colonnes et des colonnes.
Cette Exposition, qu’ils feignent de trouver rui-
neuse, ils la trouveraient sublime.
Et M. de Broglie, paon toujours prêt à faire la
roue, aurait déjà commandé pour la circonstance
un habillement galonné sur toutes les coutures.
Et le Français s’apprêterait, à applaudir à l’admi-
rable discours que son président du conseil place-
rait dans la bouche du chef de l’Etat.
Et les autres Excellences se rengorgeraient d’a-
vance à l’idée de parader dans la tribune d’hon-
neur.
Et les autres journaux de l’ordre moral prépare-
raient leurs battoirs pour remplir en conscience
leurs fondions de claqueurs officieux.
Et tout ce qui paraît odieux semblerait parfait; et
tout ce qui irrite ces messieurs les comblerait
d’aise.
Changement à vue uniquement motivé par ce
simple fait que la fête se donnerait au bénéfice de
leur vanité.
Il n’y aurait rien, d’ailleurs, de changé au pro-
gramme ; l’Exposition serait ce qu’elle est. Seule-
ment ils seraient les vainqueurs au lieu d’être les
vaincus.
Eh bien 1 je le leur dis en vérité, c’est jouer un
rôle piteux que de montrer ainsi la ficelle de leurs
ressentiments.
Chaque fois que paraît un de leurs articles hai-
neux contre l’Exposition, le public se fait cette ré-
flexion bien simple que l’Exposition avait été adop-
tée, comme sienne, parle Seize-Mai, alors qu’il es-
pérait pouvoir y présider; que, par conséquent,
l’entreprise, proclamée funeste aujourd’hui, était
considérée alors comme patriotique.
C’est la situation d’un monsieur qui aurait, au
su de tous, demandé la main d’une fille à marier,
et qui, ayant été repoussé honteusement, s’en irait
partout crier :
•—Mademoiselle X... ! Mais c’est un. monstre de
laideur !
Et pourquoi donc alors l'auriez-vous épousée?
Il n’est pas d’attitude plus sottement grotesque
que l’attitude des renards qui déblatèrent contre
les raisins sur lesquels ils n’ont pu mettre le grap-
pin. Nos adversaires ne s’en aperçoivent pas, tant
mieux.
Rien, de cette façon, ne manquera au triomphe de
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occupée de la situation difficile faite aux nouveaux
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Vos correspondants ont peint en traits de flamme
les avanies, les affronts que ces hideux fonction-
naires ont eus à subir de la part de leurs adminis-
trés haut placés. '
C’est à qui ne leur rendra pas leur coup de cha-
peau, refusera leurs invitations, leur fermera la
porte au nez, éternuera dans leur assiette et leur
poussera le coude quand ils boivent, pour mouche-
ter leur plastron d’ignobles taches de vin.
Votre estimable journal a retracé exactement ce
tableau vengeur !
Mais toutes ces piqûres douloureuses ne sont rien
auprès de l’exécution effrayante dont notre préfet a
été la victime et moi l’exécuteur providentiel !
D’abord, 11 iaut vous dire que ce triste sire avait
lancé dans la plus haute société de la ville vingt-
quatre invitations à dîner pour une solennelle pen-
daison de crémaillère.
Immédiatement un complot fut ourdi Le marquis
de Portenville, en sa qualité de pèlerin de Frohs-
dorf, — qualité qui équivaut chez nous à celle de
pèlerin de la Mecque pour les mahométans, — réu-
nit les vingt-quatre invités chez lui, et leur fil jurer
sur une mèche de cheveux du Roy qu’aucun d’eux
ne se présenterait chez le fonctionnaire républi-
cain. Ce qui fut fait aussitôt avec un ensemble que
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toujours dans la Bénédiction des poignards, du chef-
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— Seulement, ajouta Portenville, comme il faut
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ment crotté, j’entrais chez l’amphitryon.
Il me reçut avec une cordialité affectée et me fit
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tant qu’il allait se mettre à son aise comme moi. En
effet, il ôta sans vergogne sa cravate blanche, son
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— Inutile, me dit le malotru. Nous dînerons par-
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