QUARANTE-SEPTIÈME ANNÉE
Prix du Numêï.© î 2S eautioaes
MERCREDI 18 SEPTEMBRE 1878
ABONNEMENTS
PARIS
Trois mois.. is fr.
Six mois. 36 —
Un an. 72 —
Les abonnements parlent MS I» n le de chaque mois
DIRECTION
Politique, Littéraire et Artistique
PIERRE VÉRON
Réducteur en CSieff.
BUREAUX
de la rédaction et de l’administration
Rue de la Victoire, 20
ABONNEMENTS-
DÉPARTEMENTS
Trois mois.s. 20 rt.
Six mois. 40 —
Un an. 80 —
L’abonnement d un an donne droit à la prime gratis.
DIRECTION
Politique, Littéraire et Artistique
PIERRE VÉRON
Rédacteur en Chef
ANNONCES
ADOLPHE EWiG, fermier de la publicité
Rue Fléchier, 2.
LE CHARIVARI
BULLETIN POLITIQUE
L’hisloire du commissariat général de M. Krantz
sera bien curieuse à étudier, comme échantillon de
ce que la mauvaise foi des partis peut oser contre
un adversaire politique.
Depuis le premier jour, toute la gent réaction-
naire n’a pas cessé de poursuivre de ses attaques
l'honorable organisateur de l’Exposition.
Mais c’est surtout en ces derniers temps que la
chose a pris des proportions véritablement phéno-
ménales.
Vous avez entendu les imprécations et anathèmes
dont M. Krantz a été chargé, à propos de l’ajourne-
meut de la distribution des récompenses.
Or, il appert d’une lettre du commissaire général
qu’il n’a pas encore été consulté à ce sujet.
Là-desssus on se rabat sur le retard apporté à la
publication des listes de récompenses. M. Krantz
n’était pas du jury qui les décerne; par consé**
quant les listes n’ont jamais été entre ses mains, et
il n’a eu ni à les publier, ni à les céler.
Vous croyez sans doute que ces explications satis-
faisantes vont faire taire les dénigrements.
Allons donc !... Un journal s’écrie avec amertume
qu’il faut qu’un homme soit bien mal élevé pour
donner ainsi des démentis publics !
Un chef-d’œuvre 1 ..
A propos de l’Exposition, le ministère se préoc-
cupe fort de savoir si l’on pourra conserver une
partie des constructions actuelles.
A dire le vrai, nous ne pensons pas que de long-
temps on revoie à Paris une Exposition univer-
selle.
Il y a pléthore.
En dix ans, le monde n’a pas le temps d’accomplir
uÉe exhibition nouvelle. On est, par conséquent,
c°üdatnné aux redites de la science et de l’indus*
trie.
G est ce dont on s’est aperçu cette fois où le vrai
neui a presque partout brillé par son absence.
Je crois, en conséquence, que ce siècle-ci ne re-
verra plus d’épreuves de de genre.
Et on aura raison de s’abstenir.
Mais ce n est pas un motif pour détruire ce qui a
coûté si cher à édifier. Il y aura mille façons d’uti-
liser ces construction^ du moins en partie.
Rien de plus facile que de trouve)? un champ de
manœuvres.
Si le projet de M. Teisserenc de Bort, qui donne-
rait satisfaction à des observations fréquemment
formulées par le public et par la presse, finit par
être réalisé, on laisserait en jardin tout le parc du
Champ de Mars jusqu’au vestibule d’honneur ; on
démonterait et on enlèverait les annexes, les han-
gars et la galerie des beaux-arts ; le centre du pa-
lais deviendrait un vaste square, et les galeties
françaises ainsi que le vestibule d’honneur devien-
draient (Tes musées^oû nosùnagnifîques collections,
actuellement enfermées dans desjmagasins, trouve-
raient un abri, tandis que la galerie du travail et les
sections étrangères seraient abandonnées à Fadmi-
nistration militaire.
De toute façon, rien n’est plus sauvagement niais
que de jeter par terre, après six mois, ce qui a
coûté des millions et des millions.
La revente des matériaux se fait toujours dans
des conditions ruineuses.
Le seul obstacle sérieux, c’est la rue des Nations,
chaque pays pouvant emporter les débris de ses
façades.
Mais n’est-il pas évident que, moyennant une
indemnité relativement peu importante, nos hôtes
aimeraient mieux nous laisser ce durable souvenir
de leur passage que de démonter à grand frais et
de faire voyager à frais plus grands encore leurs
spécimens pittoresques d’architecture indigène.
Donc, on pourra s’arranger.
Qu’on n’hésite pas.
S’il faut en croire VÉvénement, le gouvernement
serait décidé à interdire à l’avenir les congrès dans
le genre de celui que les cléricaux viennent d’orga-
niser à Chartres.
On considère, en effet, que ces réunions, qui se
composent d’ennemis déclarés de nos institutions,
dissimulent une association illégale, interdite par le
droit public.
L’illégalité est flagrante. L’égalité devant le code
est violée manifestement par cette tolérance illimi-
tée faisant pendant à des rigueurs plus ou moins
opportunes.
On pouvait, avant la déclaration de guerre de
M. de Mun, essayer, comme l’a fait M. de Ségur,
de nier le but politique poursuivi par l’association.
On ne le peut pins.
Mais, malgré cela, nous ne croirons à l’interdic-
tion qu’après avoir lu l’arrêté à Y Officiel.
On est tellement habitué à voir les gouvernements
se laisser engluer et berner par le cléricalisme.
On a toujours pour lui des condescendances si
inexplicables.
Et pourtant on devrait savoir qu’on a affaire à un
ennemi qui n’avance que si on recale et qui recule
si l’on avance.
Pierre Véron.
LETTRlîS A MES CONTEMPORAINS
A Monsieur de Mun, apôtre en chambre.
Monsieur,
On vous fait, depuis quelques jours, les hon-
neurs d’une publicité qui comble tous vos vœux.
Il apparaît, en effet, que votre but est de devenir
chef de parti. Soyez heureux. On a l’air de prendre
tout a fait au sérieux l’importance qu’il vous plaît
de vous donner.
Veuillot descendant à toute vitesse la pente de la
décrépitude, M. Dupanloup étant tombé dans le
troisième dessous de la sénilité, le barde Lorgeril
s’obstinant de plus en plus à mettre raisin où il fau-
drait mettre raison, l’instant est propice pour l’am-
bition.
Vous choisissez, on vous doit rendre cette justice,
votre moment avec adressé.
Vous êtes un opportuniste, vous aussi.
Mais, monsieur, quand on aspire à l’honneur de
devenir chef de parti, la première condition est d’a-
voir le courage de ses opinions, et vous ne semblez
pas avoir celui des vôtres.
Vous vous retranchez jusqu’ici derrière les ter-
mes vagues de la phraséologie jésuitique.
Vous parlez, par exemple, de porter le drapeau
de la contre-révolution ; mais vous ne définissez
pas ce que, pour vous, contre-révolution veut dire.
Allons I voyons ! A bas les masques ! Montrez
votre pensée à nu.
Nous vivons en République, monsieur. C’est la
forme légale du gouvernement, et quiconque ne
s’incline pas est factieux.
Votre intenlion est-elle de faire du catholicisme
une faction ?
R serait plus digne alors de dire oui ou de dire
non.
Contre-révolutionnaire est un terme d’une trop
complaisante élas ticité. En faites-vous le synonyme
d ’antirépublicain ?
On se le demande.
J’écris on, parce que, pour mon compte, je crois
savoir à quoi m’en tenir. Mais j’ai dû lire à travers
les lignes et interpréter surtout votre silence.
Vous répondrez probablement que, la République
étant révisable, vous avez le droit de préparer le
picrate qui la. fera sauter.
C’est le sens mauvais donné par la gent conser-
vatrice au verbe réviser.
Soit. Je veux reconnaître que vous avez, en qua-
lité de député, le droit de donner momentanément
l’exemple du manque de respect envers la loi.
C’est une théorie qui se soutient.
Je l’accepte temporairement.
Mais après, monsieur?
Nous ne sommes plus séparés que par un court
espace de temps de la date où la République de-
viendra définitive.
Vous le savez, par conséquent vous devez avoir
adopté une règle de conduite pour cette échéance.
Supposons — vous voyez que je suis modéré, car
je donne la certitude pour une simple hypothèse
— supposons la faculté de révision épuisée. La Ré-
publique est au-dessus des controverses.
Quelle posture prendra votre ardeur contre-révo-
lutionnaire?
Comptez-vous mener à la sédition tous les gens
d’église et tous les cléricaux qui semblent disposés
à vous emboîter le pas ?
Oh I n’allons pas encore nous réfugier derrière
l’équivoque.
La sédition revêt diverses formes.
Je ne doute pas que vous n’ayez nulle envie de
prendre les armes, de revêtir votre ex-cuirasse,
de brandir votre ex>sabre et de crier: Dieu le veut\
en construisant une barricade.
Mais ce n’est pas la seule façon dont on peut être
séditieux, monsieur; il y a la guerre de ruses, d’em-
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PIERRE VÉRON
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Un an. 80 —
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PIERRE VÉRON
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ANNONCES
ADOLPHE EWiG, fermier de la publicité
Rue Fléchier, 2.
LE CHARIVARI
BULLETIN POLITIQUE
L’hisloire du commissariat général de M. Krantz
sera bien curieuse à étudier, comme échantillon de
ce que la mauvaise foi des partis peut oser contre
un adversaire politique.
Depuis le premier jour, toute la gent réaction-
naire n’a pas cessé de poursuivre de ses attaques
l'honorable organisateur de l’Exposition.
Mais c’est surtout en ces derniers temps que la
chose a pris des proportions véritablement phéno-
ménales.
Vous avez entendu les imprécations et anathèmes
dont M. Krantz a été chargé, à propos de l’ajourne-
meut de la distribution des récompenses.
Or, il appert d’une lettre du commissaire général
qu’il n’a pas encore été consulté à ce sujet.
Là-desssus on se rabat sur le retard apporté à la
publication des listes de récompenses. M. Krantz
n’était pas du jury qui les décerne; par consé**
quant les listes n’ont jamais été entre ses mains, et
il n’a eu ni à les publier, ni à les céler.
Vous croyez sans doute que ces explications satis-
faisantes vont faire taire les dénigrements.
Allons donc !... Un journal s’écrie avec amertume
qu’il faut qu’un homme soit bien mal élevé pour
donner ainsi des démentis publics !
Un chef-d’œuvre 1 ..
A propos de l’Exposition, le ministère se préoc-
cupe fort de savoir si l’on pourra conserver une
partie des constructions actuelles.
A dire le vrai, nous ne pensons pas que de long-
temps on revoie à Paris une Exposition univer-
selle.
Il y a pléthore.
En dix ans, le monde n’a pas le temps d’accomplir
uÉe exhibition nouvelle. On est, par conséquent,
c°üdatnné aux redites de la science et de l’indus*
trie.
G est ce dont on s’est aperçu cette fois où le vrai
neui a presque partout brillé par son absence.
Je crois, en conséquence, que ce siècle-ci ne re-
verra plus d’épreuves de de genre.
Et on aura raison de s’abstenir.
Mais ce n est pas un motif pour détruire ce qui a
coûté si cher à édifier. Il y aura mille façons d’uti-
liser ces construction^ du moins en partie.
Rien de plus facile que de trouve)? un champ de
manœuvres.
Si le projet de M. Teisserenc de Bort, qui donne-
rait satisfaction à des observations fréquemment
formulées par le public et par la presse, finit par
être réalisé, on laisserait en jardin tout le parc du
Champ de Mars jusqu’au vestibule d’honneur ; on
démonterait et on enlèverait les annexes, les han-
gars et la galerie des beaux-arts ; le centre du pa-
lais deviendrait un vaste square, et les galeties
françaises ainsi que le vestibule d’honneur devien-
draient (Tes musées^oû nosùnagnifîques collections,
actuellement enfermées dans desjmagasins, trouve-
raient un abri, tandis que la galerie du travail et les
sections étrangères seraient abandonnées à Fadmi-
nistration militaire.
De toute façon, rien n’est plus sauvagement niais
que de jeter par terre, après six mois, ce qui a
coûté des millions et des millions.
La revente des matériaux se fait toujours dans
des conditions ruineuses.
Le seul obstacle sérieux, c’est la rue des Nations,
chaque pays pouvant emporter les débris de ses
façades.
Mais n’est-il pas évident que, moyennant une
indemnité relativement peu importante, nos hôtes
aimeraient mieux nous laisser ce durable souvenir
de leur passage que de démonter à grand frais et
de faire voyager à frais plus grands encore leurs
spécimens pittoresques d’architecture indigène.
Donc, on pourra s’arranger.
Qu’on n’hésite pas.
S’il faut en croire VÉvénement, le gouvernement
serait décidé à interdire à l’avenir les congrès dans
le genre de celui que les cléricaux viennent d’orga-
niser à Chartres.
On considère, en effet, que ces réunions, qui se
composent d’ennemis déclarés de nos institutions,
dissimulent une association illégale, interdite par le
droit public.
L’illégalité est flagrante. L’égalité devant le code
est violée manifestement par cette tolérance illimi-
tée faisant pendant à des rigueurs plus ou moins
opportunes.
On pouvait, avant la déclaration de guerre de
M. de Mun, essayer, comme l’a fait M. de Ségur,
de nier le but politique poursuivi par l’association.
On ne le peut pins.
Mais, malgré cela, nous ne croirons à l’interdic-
tion qu’après avoir lu l’arrêté à Y Officiel.
On est tellement habitué à voir les gouvernements
se laisser engluer et berner par le cléricalisme.
On a toujours pour lui des condescendances si
inexplicables.
Et pourtant on devrait savoir qu’on a affaire à un
ennemi qui n’avance que si on recale et qui recule
si l’on avance.
Pierre Véron.
LETTRlîS A MES CONTEMPORAINS
A Monsieur de Mun, apôtre en chambre.
Monsieur,
On vous fait, depuis quelques jours, les hon-
neurs d’une publicité qui comble tous vos vœux.
Il apparaît, en effet, que votre but est de devenir
chef de parti. Soyez heureux. On a l’air de prendre
tout a fait au sérieux l’importance qu’il vous plaît
de vous donner.
Veuillot descendant à toute vitesse la pente de la
décrépitude, M. Dupanloup étant tombé dans le
troisième dessous de la sénilité, le barde Lorgeril
s’obstinant de plus en plus à mettre raisin où il fau-
drait mettre raison, l’instant est propice pour l’am-
bition.
Vous choisissez, on vous doit rendre cette justice,
votre moment avec adressé.
Vous êtes un opportuniste, vous aussi.
Mais, monsieur, quand on aspire à l’honneur de
devenir chef de parti, la première condition est d’a-
voir le courage de ses opinions, et vous ne semblez
pas avoir celui des vôtres.
Vous vous retranchez jusqu’ici derrière les ter-
mes vagues de la phraséologie jésuitique.
Vous parlez, par exemple, de porter le drapeau
de la contre-révolution ; mais vous ne définissez
pas ce que, pour vous, contre-révolution veut dire.
Allons I voyons ! A bas les masques ! Montrez
votre pensée à nu.
Nous vivons en République, monsieur. C’est la
forme légale du gouvernement, et quiconque ne
s’incline pas est factieux.
Votre intenlion est-elle de faire du catholicisme
une faction ?
R serait plus digne alors de dire oui ou de dire
non.
Contre-révolutionnaire est un terme d’une trop
complaisante élas ticité. En faites-vous le synonyme
d ’antirépublicain ?
On se le demande.
J’écris on, parce que, pour mon compte, je crois
savoir à quoi m’en tenir. Mais j’ai dû lire à travers
les lignes et interpréter surtout votre silence.
Vous répondrez probablement que, la République
étant révisable, vous avez le droit de préparer le
picrate qui la. fera sauter.
C’est le sens mauvais donné par la gent conser-
vatrice au verbe réviser.
Soit. Je veux reconnaître que vous avez, en qua-
lité de député, le droit de donner momentanément
l’exemple du manque de respect envers la loi.
C’est une théorie qui se soutient.
Je l’accepte temporairement.
Mais après, monsieur?
Nous ne sommes plus séparés que par un court
espace de temps de la date où la République de-
viendra définitive.
Vous le savez, par conséquent vous devez avoir
adopté une règle de conduite pour cette échéance.
Supposons — vous voyez que je suis modéré, car
je donne la certitude pour une simple hypothèse
— supposons la faculté de révision épuisée. La Ré-
publique est au-dessus des controverses.
Quelle posture prendra votre ardeur contre-révo-
lutionnaire?
Comptez-vous mener à la sédition tous les gens
d’église et tous les cléricaux qui semblent disposés
à vous emboîter le pas ?
Oh I n’allons pas encore nous réfugier derrière
l’équivoque.
La sédition revêt diverses formes.
Je ne doute pas que vous n’ayez nulle envie de
prendre les armes, de revêtir votre ex-cuirasse,
de brandir votre ex>sabre et de crier: Dieu le veut\
en construisant une barricade.
Mais ce n’est pas la seule façon dont on peut être
séditieux, monsieur; il y a la guerre de ruses, d’em-