UNQUANTE-TROISILME ANNEE,
Prix du Numéro : 25 centimes
VENDREDI ltr FÉVRIER 1884
ABONNEMENTS
PARIS
Trois mois. 18 fr.
Six mois. 36 —
Un an. 72 —
^es abonnements partent des im et n de chaque mois
DIRECTION
Politique, Littéraire et Artistique
PIERRE VÉRON
Rédacteur en Chef.
BUREAUX
PE LA RÉDACTION ET DE L’ADMINISTRATION
Rue de la Victoire, 20
ABONNEMENTS
DÉPARTEMENTS
Trois mois. 20 fr.
Six mois. 40 —
Un an. 80 —
Vabonnement d un an donne droit à la prime gratis
DIRECTION
Politique, Littéraire et Artistique
PIERRE VÉRON
Rédacteur en Chef.
ANNONCES
ADOLPHE EWIG, fermier de la publicité
Rue Joquelet, 11
BULLETIN POLITIQUE
C’était à prévoir.
La grrrande discussion économique se terminera
Par un insignifiant ordre du jour témoignant une
s°Uicitude platonique.
Que pouvait-on espérer de mieux? La Chambre
actuelle étant donnée, on n’y devait pas attendre la
Soudaine révélation d’un économiste de génie trou-
vant en une séance le remède à tous les maux.
En sera-t-il de même pour une autre question
sociale d'une capitale importance, mai?, il faut bien
le dire aussi, d’une difficulté très complexe? Nous
Voulons parler de la recherche de la paternité.
M. Germain Casse vient de terminer son rapport
Sur la proposition Rivet. Ce rapport conclut à la
Prise en considération.
« A quoi bon, dit-il, chercher dans les autres
Pays des exemples pour nous décider à changer
Dotre législation? Il nous suffit de jeter les yeux
autour de nous. Quand, ii y a quelques années, ou
Parlait de la recherche de la paternité, c’est par des
railleries qu’on accueillait ses défenseurs. Aujour-
d’hui. c’est une métamorphose, Le journal, le livre,
roman, le théâtre se sont emparés de la ques-
tion, et, à la façon dont on la traite, à l’adhésion
Qu’elle trouve chez des hommes les plus divisés
d’opinions en philosophie, en religion, en politique,
économie sociale, il semble qu’elle soit mûre
Pour la discussion dans un Parlement républicain. »
Et il invoque quelques-uns des motifs qui vien-
®ent à l’appui du projet.
_ L’abord la contradiction choquante qui veut que
*°n soit père pour la grossesse et non plus père
P°Ur la naissance ; que l’on soit recherché quand il
s’agit d'aliments à donner à l’enfant adultérin, et
à l'enfant incestueux, sans que l’on puisse
eLe désigné comme le père de cet enfant. Si la
Preuve de la paternité est impossible, comme on le
Pvétend, lorsqu’il s’agit de l’enfant qui vent rentrer
possession de son état civil complet, pourquoi
Admettre, quand il s’agit d’obliger l’homme à des
dommages-intérêts et à des aliments ?
^L Germain Casse ajoute :
« Ne voyez-vous pas un scandale dans cette jus-
lce sommaire de la temme abandonnée et dans ces
| ^fiuittements auxquels, malgré la loi, les tribunaux
jury sont contraints par la voix de l’opinion ?
oc n’est pas seulement la femme qui se venge
Qui trouve grâce. C’est aussi la femme qui, folle de
erreur en face de l’avenir qui se dresse menaçant
evant elle, étouffe ce nouveau-né qu’elle n’aurait
Pas mieux demandé à aimer, si elle avait trouvé une
Protection efficace dans la loi. »
loi le rapporteur établit une certaine confusion.
L abaudon de la femme, alors même qu’elle n’est
Pas roère, entraîne tout aussi bien des vengeances
qile> tout aussi bien, le jury pourra excuser par la
‘ uite, si bon lui semble.
Le véritable intérêt de la question n’est pas du
°té d.e la femme, mais du côté de l'enfant.
Lr, du côté de la femme, au contraire, surgiront
des difficultés que M. Germain Cassé ne se dissi-
mule pas lui-même, car il s’exprime en ces termes :
« Messieurs, votre commission n’avait pas à exa-
miner le fond même de la proposition de M. Rivet,
ni à rechercher si ie droit nouveau, qu’elle tend à
créer, est contenu dans de sages limites, si la
femme ne va pas acquérir une puissance redou-
table, dont elle abusera souvent, si, en un mot, la
recherche de la paternité est entourée de toutes les
précautions si nécessaires pour écarter l’erreur,
l’injustice, ou le chantage. Ce sera l’œuvre de la
commission que vous chargerez d’étudier toutes les
questions multiples que soulève un si grave pro-
blème, si toutefois vous adoptez les conclusions de
ce rapport. »
Il y a loin de la coupe aux lèvres, surtout pour
peu que l’affaire suive la même marche que le réta-
blissement du divorce.
Tout récemment le Sénat vient de se prononcer
contre la recherche de la paternité. Il est probable
qu’il ne voudra pas se dédire, à supposer que la
Chambre arrive à un vote affirmatif, ce qui n’est pas
bien certain.
On n’en doit pas moins être reconnaissant envers
la généreuse initiative de M. Gustave Rivet. Le
débat qu’elle provoquera sera fécond eu enseigne-
ments.
t
Je parlais du Sénat. On continue à y faire une
singulière besogne.
La commission chargée d’examiner la loi sur les
incompatibilités parlementaires a définitivement dé-
cidé que les ambassadeurs et ministres plénipoten-
tiaires qui feront partie du Parlement ne pourront
voter pendant la durée de leurs fonctions.
En outre, la commission a commencé à s’occuper
des officiers généraux et supérieurs, mais sans
prendre aucune résolution. Elle doit entendre sur ce
point le général Gampenon, ministre de la guerre.
Si la commission des incompatibilités s’imagine
qu’elle donne là des preuves d’une sagacité rare,
elle est vraiment bien naïve.
Elle démontre, au contraire, l’absurdité des
exceptions qu’elle veut établir en faveur de certains
privilégiés,
Voyez un peu ! De par sa décision, les ambassa-
deurs et les ministres plénipotentiaires, membres de
l’une des deux Chambres, ne pourront voter pen-
dant toute la durée de leurs fonctions, même s’ils
sont de passage à Paris.
C’est-à-dire que, pendant toute ia durée de ces
fonctions-là, les électeurs qui les auront nommés
cesseront d’être représentés dans le Parlement.
N’est-ce pas monstrueux, cette combinaison ?
N’y aurai-t-il pas forfaiture véritable à conserver un
mandat qu’on ne pourra pas exercer ?
La commission démontre tout simplement que le
cumul doit être proscrit en bloc, qu’il est immoral,
qu’il trahit les droits du pays au profit des ambi-
tions personnelles et des cupidités particulières.
Le mot de la fin n’est pas non plus dépourvu de
charme.
Elle est adorable, cette commission qui, voulant
s’éclairer, compte demander l’avis du général Gam-
penon.
Chacun sait que le général Campenon est lui-
même en état de cumul. C’est comme si on avait
consulté le renard qui avait la queue coupée sur
l’utilité de cet appendice.
Excellente commission ! Gomment, diable, tes
membres peuvent-ils se regarder sans rire ?
Pierre Véron.
LES BRUITS DE PARIS
I
SUCCESSION OUVERTE
Entendons-nous,
Si la succession est ouverte* c’est par le zèle des
potiniers, et non par la mort de celui dont l’héritage
est en cause.
Celui-là continue, Dieu merci, à se porter à mer-
veille.
Toutefois, le dernier insuccès de la Comédie-
Française a — comme c’était à prévoir — donné un
nouvel essor aux bruits déjà plusieurs fois colportés
d’une retraite prochaine de M. Perrin.
Qu’y a-t-il de vrai?
Rien, peut-être.
Cependant les cancaniers font déjà circuler plu-
sieurs noms de remplaçants éventuels.
En hisloriographe fidèle de l’actualité, nous les
redirons.
Inutile d’ajouter la formule s. g. d. g.
D’abord — et c’est naturel après les félicitations
dont les rapports officiels ont comblé le directeur
actuel de l’Odéon — d’abord M. de La Rounat.
Il serait superflu d'ajouter une appréciation.
On a vu M. de La Rounat à l’œuvre. Le public a
donc en mains les éléments pour se faire une opi-
nion.
Après M. de La Rounat, M. de Lapommeraye.
Notre charmant confrère accepterait-il ? That is
the question.
Très occupé par son cours, par ses feuilletons,
par ses conférences, il s’est fait une situation indé-
pendante.
Il ne serait sans doute pas bien désireux de la
troquer contre les tribulations et tracasseries sans
nombre qui attendraient le nouvel administrateur
au seuil de son cabinet.
Cette royauté constitutionnelle, où il faut régner
sans avoir l’air de gouverner, est terrible.
Puis la Comédie-Française traversera bientôt
une crise inévitable.
L’ancienne troupe sera décimée par les retraites.
Et alors...
Ou avait parlé un moment, jadis, deM. Edouard
Lockroy.
Le choix serait certes sympathique.
Mais, pour M. Lockroy, le refus ne serait pas dou-
teux.
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BULLETIN POLITIQUE
C’était à prévoir.
La grrrande discussion économique se terminera
Par un insignifiant ordre du jour témoignant une
s°Uicitude platonique.
Que pouvait-on espérer de mieux? La Chambre
actuelle étant donnée, on n’y devait pas attendre la
Soudaine révélation d’un économiste de génie trou-
vant en une séance le remède à tous les maux.
En sera-t-il de même pour une autre question
sociale d'une capitale importance, mai?, il faut bien
le dire aussi, d’une difficulté très complexe? Nous
Voulons parler de la recherche de la paternité.
M. Germain Casse vient de terminer son rapport
Sur la proposition Rivet. Ce rapport conclut à la
Prise en considération.
« A quoi bon, dit-il, chercher dans les autres
Pays des exemples pour nous décider à changer
Dotre législation? Il nous suffit de jeter les yeux
autour de nous. Quand, ii y a quelques années, ou
Parlait de la recherche de la paternité, c’est par des
railleries qu’on accueillait ses défenseurs. Aujour-
d’hui. c’est une métamorphose, Le journal, le livre,
roman, le théâtre se sont emparés de la ques-
tion, et, à la façon dont on la traite, à l’adhésion
Qu’elle trouve chez des hommes les plus divisés
d’opinions en philosophie, en religion, en politique,
économie sociale, il semble qu’elle soit mûre
Pour la discussion dans un Parlement républicain. »
Et il invoque quelques-uns des motifs qui vien-
®ent à l’appui du projet.
_ L’abord la contradiction choquante qui veut que
*°n soit père pour la grossesse et non plus père
P°Ur la naissance ; que l’on soit recherché quand il
s’agit d'aliments à donner à l’enfant adultérin, et
à l'enfant incestueux, sans que l’on puisse
eLe désigné comme le père de cet enfant. Si la
Preuve de la paternité est impossible, comme on le
Pvétend, lorsqu’il s’agit de l’enfant qui vent rentrer
possession de son état civil complet, pourquoi
Admettre, quand il s’agit d’obliger l’homme à des
dommages-intérêts et à des aliments ?
^L Germain Casse ajoute :
« Ne voyez-vous pas un scandale dans cette jus-
lce sommaire de la temme abandonnée et dans ces
| ^fiuittements auxquels, malgré la loi, les tribunaux
jury sont contraints par la voix de l’opinion ?
oc n’est pas seulement la femme qui se venge
Qui trouve grâce. C’est aussi la femme qui, folle de
erreur en face de l’avenir qui se dresse menaçant
evant elle, étouffe ce nouveau-né qu’elle n’aurait
Pas mieux demandé à aimer, si elle avait trouvé une
Protection efficace dans la loi. »
loi le rapporteur établit une certaine confusion.
L abaudon de la femme, alors même qu’elle n’est
Pas roère, entraîne tout aussi bien des vengeances
qile> tout aussi bien, le jury pourra excuser par la
‘ uite, si bon lui semble.
Le véritable intérêt de la question n’est pas du
°té d.e la femme, mais du côté de l'enfant.
Lr, du côté de la femme, au contraire, surgiront
des difficultés que M. Germain Cassé ne se dissi-
mule pas lui-même, car il s’exprime en ces termes :
« Messieurs, votre commission n’avait pas à exa-
miner le fond même de la proposition de M. Rivet,
ni à rechercher si ie droit nouveau, qu’elle tend à
créer, est contenu dans de sages limites, si la
femme ne va pas acquérir une puissance redou-
table, dont elle abusera souvent, si, en un mot, la
recherche de la paternité est entourée de toutes les
précautions si nécessaires pour écarter l’erreur,
l’injustice, ou le chantage. Ce sera l’œuvre de la
commission que vous chargerez d’étudier toutes les
questions multiples que soulève un si grave pro-
blème, si toutefois vous adoptez les conclusions de
ce rapport. »
Il y a loin de la coupe aux lèvres, surtout pour
peu que l’affaire suive la même marche que le réta-
blissement du divorce.
Tout récemment le Sénat vient de se prononcer
contre la recherche de la paternité. Il est probable
qu’il ne voudra pas se dédire, à supposer que la
Chambre arrive à un vote affirmatif, ce qui n’est pas
bien certain.
On n’en doit pas moins être reconnaissant envers
la généreuse initiative de M. Gustave Rivet. Le
débat qu’elle provoquera sera fécond eu enseigne-
ments.
t
Je parlais du Sénat. On continue à y faire une
singulière besogne.
La commission chargée d’examiner la loi sur les
incompatibilités parlementaires a définitivement dé-
cidé que les ambassadeurs et ministres plénipoten-
tiaires qui feront partie du Parlement ne pourront
voter pendant la durée de leurs fonctions.
En outre, la commission a commencé à s’occuper
des officiers généraux et supérieurs, mais sans
prendre aucune résolution. Elle doit entendre sur ce
point le général Gampenon, ministre de la guerre.
Si la commission des incompatibilités s’imagine
qu’elle donne là des preuves d’une sagacité rare,
elle est vraiment bien naïve.
Elle démontre, au contraire, l’absurdité des
exceptions qu’elle veut établir en faveur de certains
privilégiés,
Voyez un peu ! De par sa décision, les ambassa-
deurs et les ministres plénipotentiaires, membres de
l’une des deux Chambres, ne pourront voter pen-
dant toute la durée de leurs fonctions, même s’ils
sont de passage à Paris.
C’est-à-dire que, pendant toute ia durée de ces
fonctions-là, les électeurs qui les auront nommés
cesseront d’être représentés dans le Parlement.
N’est-ce pas monstrueux, cette combinaison ?
N’y aurai-t-il pas forfaiture véritable à conserver un
mandat qu’on ne pourra pas exercer ?
La commission démontre tout simplement que le
cumul doit être proscrit en bloc, qu’il est immoral,
qu’il trahit les droits du pays au profit des ambi-
tions personnelles et des cupidités particulières.
Le mot de la fin n’est pas non plus dépourvu de
charme.
Elle est adorable, cette commission qui, voulant
s’éclairer, compte demander l’avis du général Gam-
penon.
Chacun sait que le général Campenon est lui-
même en état de cumul. C’est comme si on avait
consulté le renard qui avait la queue coupée sur
l’utilité de cet appendice.
Excellente commission ! Gomment, diable, tes
membres peuvent-ils se regarder sans rire ?
Pierre Véron.
LES BRUITS DE PARIS
I
SUCCESSION OUVERTE
Entendons-nous,
Si la succession est ouverte* c’est par le zèle des
potiniers, et non par la mort de celui dont l’héritage
est en cause.
Celui-là continue, Dieu merci, à se porter à mer-
veille.
Toutefois, le dernier insuccès de la Comédie-
Française a — comme c’était à prévoir — donné un
nouvel essor aux bruits déjà plusieurs fois colportés
d’une retraite prochaine de M. Perrin.
Qu’y a-t-il de vrai?
Rien, peut-être.
Cependant les cancaniers font déjà circuler plu-
sieurs noms de remplaçants éventuels.
En hisloriographe fidèle de l’actualité, nous les
redirons.
Inutile d’ajouter la formule s. g. d. g.
D’abord — et c’est naturel après les félicitations
dont les rapports officiels ont comblé le directeur
actuel de l’Odéon — d’abord M. de La Rounat.
Il serait superflu d'ajouter une appréciation.
On a vu M. de La Rounat à l’œuvre. Le public a
donc en mains les éléments pour se faire une opi-
nion.
Après M. de La Rounat, M. de Lapommeraye.
Notre charmant confrère accepterait-il ? That is
the question.
Très occupé par son cours, par ses feuilletons,
par ses conférences, il s’est fait une situation indé-
pendante.
Il ne serait sans doute pas bien désireux de la
troquer contre les tribulations et tracasseries sans
nombre qui attendraient le nouvel administrateur
au seuil de son cabinet.
Cette royauté constitutionnelle, où il faut régner
sans avoir l’air de gouverner, est terrible.
Puis la Comédie-Française traversera bientôt
une crise inévitable.
L’ancienne troupe sera décimée par les retraites.
Et alors...
Ou avait parlé un moment, jadis, deM. Edouard
Lockroy.
Le choix serait certes sympathique.
Mais, pour M. Lockroy, le refus ne serait pas dou-
teux.