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Le charivari — 53.1884

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Mai
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https://doi.org/10.11588/diglit.23868#0479
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CINQUANTE-TROISIÈME ANNEE, Prix dit Numéro s m o^rtlmei IEUÜ1 i« MAI 1881

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PARIS

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Les abonnements partent des irr et 16 de chaque mois

DIRECTION

Politique, Littéraire et Artistique

PIERRE VÉRON

Rédacteur en Chef.

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DE LA RÉDACTION ET DE L’ADMINISTRATION

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DIRECTION

Politique, Littéraire et Artistique
PIERRE VÉRON

Rédacteur en Chef.

ANNONCES

ADOLPHE EWiG, fermier de la PUBLKîtâ

Rue Joquelet, 11

LE CHARIVARI

BULLETIN POLITIQUE

La politique a ses intermèdes folâtres. Le dernier
venu pourrait s’intituler : Un préfet sur le pavé, ce
qui ne ferait pas trop mal sur l’affiche du Palais-
Royal.

Je n’ai pas besoin de vous apprendre que le pré-
fet en question, c’est M. Poubelle, à qui Conseil gé-
néral et Conseil municipal refusent un domicile.

Personnellement M. Poubelle a-t-il lieu de s’en
désoler? Je ne le crois pas.

La préfecture de la Seine est un poste qui semble
depuis quelque temps prendre à tâche de confirmer
l’invention catholique du Purgatoire.

Ou place là les fonctionnaires pour leur faire ga-
gner par un certain temps d’épreuves un Paradis
quelconque.

Quel sera le Paradis de M. Poubelle ? Je l’ignore.
Mais évidemment il compte sur un dédommage-
ment, quand il aura bu assez longtemps à la coupe
de lie.

Sa situation, par conséquent, n’est pas pour na-
vrer.

Je suis convaincu que lui-même prend fort gaie-
ment son parti du vagabondage auquel ces mes-
sieurs du Conseil semblent vouloir le condamner.
Ses moyens lui permettraient, au besoin, de louer
une bonne chambre avec cabinet de toilette à l’Hô-
tel Continental.

Mais ce qui doit intéresser, c’est la prolongation
d’une équivoque ridicule, d’un imbroglio auquel il
serait grand temps de mettre fin.

Les autonomistes qui veulent faire de Paris un
Etat dans l’Etat motivent leur refus d’abriter M. Pou-
belle et leur intention de le laisser, au besoin, cou-
cher à la corde, sur ce fait qu’ils attendent un
Messie.

Quand on attend un Messie, vous comprenez qu’on
ne peut se dispenser de lui réserver un logement
convenable. Or, ce logement est celui-là même que
M. Poubelle devrait occuper à l’Hôtel-de-Ville.

D’où le double emploi.

Ce qu’il faudrait décider, par conséquent, c’est la
question du Messie lui-même.

De son vrai nom, il doit s’appeler le maire de Pa-
ris. Il y a toute une religion qui lui est dédiée par
les purs. Mais l’histoire est là pour démontrer que
les messies annoncés ne viennent pas toujours. La
preuve, c’est que les Israélites attendent encore le
leur, et que le nôtre est resté lui-même sujet à
controverses.

Pourquoi laisse-t-on traîner indéfiniment la solu-
tion de ce problème ? Pourquoi nos Chambres
ajournent-elles toujours, lanternent-elles toujours?

C’est leur faute, tout ce qui arrive. j

Les autonomistes, jusqu’à un certain point, sont
parfaitement dans leur droit. Ils tiennent un raison-
nement qui n’est pas dépourvu de logique.

Ils disent :

— Puisque rien n’est décidé, puisqu’il se peut j
fort bien que la loi future établisse la mairie de '

Paris, nous devons réserver tous les droits du maire,
y compris le droit de domicile.

Que leur répondre ? J’avoue que je ne vois pas
trop.

La porte n’est ni franchement fermée, ni résolu-
ment ouverte. C’est un entrebâillement dans lequel
on étrangle successivement tous les préfets qui
s’aventurent à passer la tête.

On ne peut cependant prolonger cette assez pi-
teuse comédie outre mesure.

O aboutir ! verbe jadis préconisé par Gambetta,
es-tu donc à jamais rayé du dictionnaire parlemen-
taire ?

Pierre Véron.

LA TRISTESSE DE JOHN BELL

OCCIDENTALE

Il était triste, John Bull. Effroyablement triste.

Si triste, que la pinte de bière était restée pleine
à côté de lui.

Il s’abreuvait dans la méditation et parfois de
gros soupirs sortaient de sa large poitrine.

Parfois aussi il frappait la table du poing.

Puis il retombait dans sa mélancolique songerie,
et recommençait à soupirer — comme un soufflet de
forge.

Jacques Bonhomme, qui le regardait de loin, s’ap-
procha.

# #■

— Holà ! ami John, tu parais aujourd’hui de bien
sombre humeur ?

— Aoh, yes !

— Holà! ami John Bull, ce n’est pas ton habitude
de laisser sans le vider le pot de porter, d’être in-
sensible aux agaceries du gin, voire même aux
charmes du roastbeef. Il doit y avoir là-dessous
quelque chose de grave.

— Aoh, yes ! de très grave, gémit John Bull.

# #

Jacques Bonhomme poursuivit :

— Ami John, je crois deviner la cause de ton tour-
ment.

Tu penses sans doute que le choléra s’avance ;
que, si l’on n’y prend garde, il va faire peut-être des
milliers de victimes.

Tu penses que ces victimes seront tombées par ta
faute si tu persistes dans ton parti-pris d’incurie, si
tu obliges les autorités égyptiennes à délivrer au
fléau un laissez-passer.

Et devant l’énormité d’une telle responsabilité,
devant la perspective d’un tel remords, l’anxiété
s’est emparée de toi !

— Aoh, nô 1 exclama John Bull. Moâ jamais de
remords quand j’agis dans mon intérêt.

# #

Jacques Bonhomme reprit :

— Alors, ami John, c’est un autre motif qui t’a
noirci les idées.

Je crois cette fois avoir mis le doigt sur la plaie.

Les nouvelles du Soudan t’humilient et t’écra-
sent.

Là-bas, de pauvres soldats, partis sur la foi de tes
promesses, sont abandonnés sans défense! On va
probablement les massacrer.

Et songeant à ce sang qui sera versé par ta faute,
sans que tu fasses rien pour l’empêcher de couler,
tu te demandes si tu ne vas pas être déshonoré à la
face de l’Europe, déshonneur qui t’épouvante et te...

— Aoh, nô!... interrompit John Bull. Tant pis
pour les soldats ! Moâ de l’avis du Daily News, bon
journal, bien anglais.

— Et quel est l’avis dn Daily News, bon journal,
bien anglais ?

— Son avis est que « si l’on ne peut pas sauver
les garnisons parles moyens pacifiques, c’est-à-dire
sans rien risquer, elles aient à se tirer d’affaire
toutes seules ».

— Mais c’est sauvage.

— Aoh, nô! c’est pratique, et je suis pratique
avant tout.

Jacques Bonhomme continua :

— Ami John, cette fois j’y suis, je crois.

Le sort des autres garnisons te laisse indifférent.

— Aoh yes !

— Mais il n’en saurait être de même du sort de
Gordon que tu as envoyé là-bas, de Gordon à qui tu
dois assistance.

Et prévoyant sans doute les complications dans
lesquelles cette assistance doit t’entraîner, tu te dé-
soles et tu t’alarmes.

— Aoh, nô ! Pas davantage.

Gordon fera comme il pourra. Lâcher Gordon est
prudent. S’il meurt, on enterrera Gordon. Yoilà
tout.

Pas cela qui cause tristesse à moâ... Pas cela !

* #

Jacques Bonhomme commençait à être au bout
des hypothèses.

Il le déclara à John Bull :

— Alors, ami John, j’avoue que je renonce à lire
dans ton cœur le motif de ce profond abattement.

— Vraiment... Pas pratique, Jacques Bonhomme...

Le motif pour lequel je suis sans soif ni faim...

— Oui.

— Toi vouloir le savoir ?

— Je le veux.

— Tu ne le devines pas ?

— Non.

— Il est pourtant assez cruel.

— Ah ! le fenianisme.

— Le fenianisme plus tard. Pour le moment...

— Pour le moment ?

— Moâ dans humeur noire parce que la conver-
sion va réduire mon revenu d’un demi pour cent.

— C’est juste. Moi qui n’y pensais pas !

— Aoh! Toi léger!... Moâ sérieux...

— Ami John, tu as raison. Nous ne serons ja-
mais faits pour nous entendre.

Paul Girard.
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