LE CHARIVARI
Il fait plaider que M. Corvin était grotesque et
qu’il n’avait pas même trouvé le sujet, puisqu’il
l’avait volé à uu auteur russe.
Ah dame, je n’ai pas d’illusion sur la tendresse
que se vouent les collaborateurs. Vous l’avez pu
voir par ce que je vous en disais tout à l’heure.
Mais ici tout de même la mesure est dépassée.
A qui M. Dumas persuadera-t-il qu’il s’est fait le
collaborateur d’une pièce grotesque, dont il n’y
avait rien à conserver?
Alors il aurait été bien plus simple de travailler
tout seul — comme jadis.
Car pendant longtemps M. Dumas a marché isolé,
et il est permis de supposer que s’il a pris le bras de
quelqu’un plus tard, c’est qu’il se sentait assez fati-
gué pour avoir besoin d'un appui.
Et non seulement on déclare que la pièce de M. de
Corvin était grotesque, mais encore que l’idée ne lui
en appartenait pas.
O témérité ! Mais c'était un détournement alors?
Et M. Dumas ne se faisait pas collaborateur ; il se
faisait compljeè. ,
Tout cela par pticë bonté d’âme, par philanthro-
pie transcendante ?
On ne le croyait vraiment pas Montyon à ce point,
surtout depuis l’alfaire Chéret.
Allons, allons! qui veut trop prouver ne prouve rien-
Je ne connais pas M. de Corvin ; j’estime à sa juste
valeur le talent de M. Dumas.
Mais ce n’est pas une raison pour que les vessies
deviennent des lanternes.
Règle générale et sans exception : toute les fois
qu’un auteur connu ou célèbre travaille avec un
ignoré, c’est que l’ignoré « avait quelque chose là ».
Il est maladroit de chercher à le nier, car on ne
persuade personne.
Certainement M. Dumas a dû faire beaucoup pour
les Danicheff. Mais les Danicheff existaient sans
M. Dumas.
Lorsque celui-ci a travaillé de son propre cru, il
n’a jamais eu la pensée de faire follement cadeau
d’une part de ses droits. S’il en a donné la moitié à
M. de Corvin pour la fameuse pièce de l’Odéon, c’est
que M. de Corvin avait fait l’enfant. M. Dumas s’est
contenté de l’habiller,
La morale de tout ceci, c’est qu’à la collaboration
peut s’appliquer la formule d’une vieille histoire :
— Pour manger une bonne dinde, disait un gour-
mand, il faut être deux : la dinde et soi.
Autant que possible, soyez deux pour faire une
bonne pièce : la pièce et vous.
SOPHOS.
LIVRES
La Femme impossible !... Que signifie ce titre,
agaçant pour la curiosité ?
Impossible n’est pas français, a-t-on dit.
Cependant il est des cas où il faut bien recourir à
cet euphémisme.
Femme impossible?... Comment vous ferais-je
bien comprendre ce que parler veut dire ?
Il vous est arrivé, — et même trop souvent, en ce
temps de Paris bouleversé, — il vous est arrivé de
vous heurter à un écriteau sur lequel se lisaient ces
mots :
Rue barrée.
Eh bien! l’héroïne du livre curieux de M. Ri-
chard Lesclide pourrait, à la rigueur, prendre pour
elle...
Bref, impossibilité il y a.
Sur ce sujet audacieux, l’auteur a trouvé moyen
d’écrire un livre intéressant et chaste.
Oui, ma foi.
Succès mérité.
Autre roman : l'Amant de cœur, de M. Edmond
Lepelletier.
Vous êtes prévenu tout de suite que vous allez
vous trouver en présence d’une peinture de mœurs
impitoyable.
L’amant de cœur ! Il s’appelle Armand ; il de-
vrait s’appeler Alphonse.
Sa devise : Quo non descendam ?
C’est cette dégriugoiade que le livre suit de chute
en chute, avec une intensité de descriptions fort
curieuses. Chaque chapitre vous met dans un autre
milieu, toujours parisien, toujours bien moderne.
Ici, c’est la Grenouillère aux grouillements inter-
lopes. Plus loin, les grands magasins des Tuileries,
décrits de main de maître. Plus loin encore, l’Elysée-
Montmartre.
Et l’action se déroule, violente, audacieuse, atta-
chante.
Rien de Berquin. Mais uu drame vrai, habilement
mis en scène,
On lira beaucoup XAmant de cœur.
p. v.
ffâ fwlül&ü lü ffl é? ff* 14? Décoration dn Nicham ponr ses Produits.
bKCmt üAodld FONTBQNNE, à DIJON
Le meilleur café est le Café Fouquet, 138, r. de Rivoli.
CHRONIQUE BU JOUR
A propos de la publication âes lettres de Gustave
Flaubert, un de nos confrères de la grande chronique
s’exprime en ces termes :
« Sincèrement était-il bien utile d’apprendre à l’uni-
vers que l’auteur de Madame Bovary suait sang et eau
pour arriver à exprimer sa pensée ? En tout cas les écri-
vains d’imagination, tant vilipendés par la petite
école qui se prétend héritière de Flaubert, sont bien
vengés par ceite confession. Chacun fait ce qu’il peut et
comme il peut, mais enfin parce que Flaubert peinait
comme un scieur de long pour écrire une phrase ou
trouver une idée, ce n’est peut-être pas une raison suf-
fisante pour décréter que la richesse des idées et la fa-
cilité du style sont des infirmités déplorables. »
On ne saurait mieux dire et — je ne parle pas, bien
entendu pour Flaubert, dont les efforts furent loin
d’ètre stériles — mais pour quelques-uns de ses indi-
gestes disciples. Si l’homme au sonnet, de Molière, nous
paraît à bon droit ridicule, je ne vois pas pourquoi
nous nous extasierons sur les Orontes à rebours.
Encore un grand U à l’horizon.
Un journal annonce qu’un nouveau groupe parle-
mentaire est en voie de formation sous ce titre : Union
radicale.
Si nous comptons bien, avec l’Union démocratique et
l’Union républicaine, cela fait trois Unions.
C’est peut-être beaucoup.
Un Anglais demandait hier à un homme d’esprit ce
que signifiait au juste ce mot.
— En politique ?
•— Yes.
— Eh bien, milord, VUnion est la division des mem-
bres d’un même parti.
L’Anglais a cru qu’on se moquait de lui, et pour-
tant...
Aujourd’hui, les guichets s’ouvrent pour l’emprunt
de trois cent cinquante millions francs.
Cassons notre tirelire !
L’Etat, pour favoriser les petits rentiers, a décidé l'ir-
réductibilité des coupures de 15 francs.
Espérons que nous ne verrons pas se renouveler le
stratagème signalé à la tribune par un ancien ministte.
A l’occasion de je ne sais plus quel emprunt, pour le-
quel la même mesure avait été prise, les gros bonnets
de la finance remirent aux receveurs généraux de lon-
gues listes de souscripteurs fictifs, dressées par leurs
commis.
Ceux-ci ne se mirent pas, du reste, en grands frais
d’imagination.
L’une de ces listes était tout bonnement la copie
d’une fable de La Fontaine.
Le premier souscripteur s’appelait M. Maitre, le se-
cond M. Corbeau et le dernier M. Saproie.
Allons 1 le retour du Roy n’est pas aussi proche que
certains cléricaux affectent de le dire.
Je n’en veux d’autre preuve que cette annonce mé-
lancolique que je relève dans un journal de province:
A LOUER
l’ancien couvent des capucins,, a cébet
S’adresser au portier.
Sic transit gloria... cœlil
L’exposition de Nice est en plein succès.
Les organisateurs redoublent, du reste, d’efforts pour
que ce sùccès-là soit de plus en plus justifié.
C’est ainsi qu’on a procédé samedi à l’inauguration
de l’éclairage électrique complet du palais et du parc
de l’Exposbion internationale de Nice.
La fête, favorisée par un temps vraiment printanier,
avait attiré un grand concours de visiteurs : plus de
7,400 entrées payantes.
All right 1
On va bien à Panama 1
Yoici des chiffres dont l’éloquence ne laisse rien à dé-
sirer :
Cube excuté en janvier : 580,000 mètres.
Cube en décembre 1883. 395.000 mèt.
— en janvier 1884. 580.000 »
AUGMENTATION. 185.000 met
Cube total fin décembre 1883. 2.437.034 mèt.
Cube de janvier 1884.. 580.000 »
Total général fin janvier 1884. 3.017.034 met.
On va bien à Panama I
Les enterrements politiques donnent lieu aux rensei-
gnements les plus contradictoires.
Dans les ménages parisiens, comme dans les pièces
de théâtre, les vieux procédés sont toujours ceux qui
réussissent le mieux.
Comédies de la rampe, comédies du foyer conjugal,
mêmes trucs, mêmes intrigues maintenant que jadis.
A quoi bon renouveler et inventer, puisque les nou-
velles générations de spectateurs, d’une part, et de
maris, d’autre part, ont toujours égale dose de con-
fiance et de crédulité ?
C’est probablement ce que se disait Albert Grimont,
l’inévitable ami du gros mari de la jolie petite Mm0
Hélène Pimordan, à l’issue d’une soirée imprudemment
prolongée dans un tête-à-tête qui leur avait fait ou-
blier l’heure. Albert avait renconiré, dans l’escalier, le
mari qui rentrait après l’extinction du gaz.
— Pardon, monsieur, avait dit ce dernier en le heur-
tant sans le reconnaître.
— Il n’y a pas de quoi, avait répondu Albert imitant
la voix d'un comique des Variétés dont la célébrité
vient du nez plus encore que du talent.
Du reste, M. Pimordan était trop préoccupé, ce soir-là’
pour voir ou pour entendre quoi que ce fût des choses
extérieures.
Mais le plus curieux, c’est, que l’objet de ses rbsor-
bantes et intimes préoccupations était précnément ce
farceur d’Albert Grimont qui venait de se dissimuler
ainsi dans l’ombre sur son passage.
Très bien, se dira-t-on, le reste se devine : encore
une scène de jalousie conjugale, aisément conjurée par
la femme coupable.
Vous n’y êtes pas.
M. Pimordan garda son air d’un au delà mystérieux,
mais nullement inquiétant pour madame, en lui sou-
haitant une bonne nuit, tandis qu’elle faisait mine de
dénouer sa ceinture pour la première fois de la soirée
dans l’intention fort innocente de se mettre au lit, tout
en bâillant encore d’une chaste solitude exemplaire-
ment subie en l’absence de son seigneur et maître.
Naturellement, lui, le mari, se sentit pris de quelque
remords en face de cette vertu patiente et douce dans
l’abandon où il la laissait presque tous les soirs. D’au-
tant plus qu’il était coupable de forfaiture au premier
chef, ayant à sa solde MUe Gélinotte, une petite blonde
aux yeux de fleur de lin qui avait eu déjà son histoire
comme les anciennes Républiques dont les doges, se
renouvelaient trop fréquemment.
Mais, pour M. Pimordan, Gélinotte était un ange,
désormais à l’abri de toute rechute.
Il en avait la conviction, la certitude.
Et cependant il était jaloux.
De là sa sombre humeur on rentrant au gynécée.
Quant à ses remords au sujet de sa femme, ils ne
firent que traverser son esprit.
Etait-ce sa faute à lui s’il était brûlé de passion pour '
la maîtresse et seulement pénétré de considération,
d’estirne et de calme affection pour l’épouse?
Il n’y a point crime à ne pas vaincre ce qui est in-
vincible. Et il aimait invinciblement sa Gelinotte, à qui
l’amour avait refait une virginité.
Gomment donc la jalousie pouvait-elle entamer cette
robuste assurance? Voici:
Ce diable d’Albert, qui n’était pas très inventif, n’a-
vait rien imaginé de mieux, pour détourner les soup-
çons à l’endroit de ses assiduités auprès de Mme Pimor-
dan, que la malice d’une liaison supposée avec une ho-
rizontale quelconque. Or, ne sachant rien des amours
de M. Pimordan, ce fut la fantaisiste Gélinotte qu’il
choisit pour chaperon, à l’iusu même de cette bonne
fille, qu’il savait seulement tout à fait hospitalière.
A son cercle, qui était aussi le cercle d’Albert, M.
Pimordan avait entendu quelques propos de nature à
lui donner l’éveil.
Quoiqu’il fût près de minuit, il était retourné chez
Gélinotte ; mais après trois coups de sonnette, aussi dis-
crètement espacés que son impatience le permettait, la
soubrette était venue lui ouvrir dans un coslume de
nuit que Racine eût qualifié de simple appareil et, le
faisant marcher sur la pointe du pied, lui avait entr’ou-
vert la porte de la chambre de sa maîtresse qui dormait
du sommeil d’une pensionnaire de la petite classe.
Tranquille de ce côté, il l’était moins sur le compie
de son ami Albert, dont les tentatives, si vaines qu’elles
fussent, lui semblaient une profanation. Il était cruel-
lement obsédé de l’idée que le sceptique coureur de
filles, comme il l’appelait à part soi, se posait d’avance
en séducteur auprès de Gélinotte.
Il fait plaider que M. Corvin était grotesque et
qu’il n’avait pas même trouvé le sujet, puisqu’il
l’avait volé à uu auteur russe.
Ah dame, je n’ai pas d’illusion sur la tendresse
que se vouent les collaborateurs. Vous l’avez pu
voir par ce que je vous en disais tout à l’heure.
Mais ici tout de même la mesure est dépassée.
A qui M. Dumas persuadera-t-il qu’il s’est fait le
collaborateur d’une pièce grotesque, dont il n’y
avait rien à conserver?
Alors il aurait été bien plus simple de travailler
tout seul — comme jadis.
Car pendant longtemps M. Dumas a marché isolé,
et il est permis de supposer que s’il a pris le bras de
quelqu’un plus tard, c’est qu’il se sentait assez fati-
gué pour avoir besoin d'un appui.
Et non seulement on déclare que la pièce de M. de
Corvin était grotesque, mais encore que l’idée ne lui
en appartenait pas.
O témérité ! Mais c'était un détournement alors?
Et M. Dumas ne se faisait pas collaborateur ; il se
faisait compljeè. ,
Tout cela par pticë bonté d’âme, par philanthro-
pie transcendante ?
On ne le croyait vraiment pas Montyon à ce point,
surtout depuis l’alfaire Chéret.
Allons, allons! qui veut trop prouver ne prouve rien-
Je ne connais pas M. de Corvin ; j’estime à sa juste
valeur le talent de M. Dumas.
Mais ce n’est pas une raison pour que les vessies
deviennent des lanternes.
Règle générale et sans exception : toute les fois
qu’un auteur connu ou célèbre travaille avec un
ignoré, c’est que l’ignoré « avait quelque chose là ».
Il est maladroit de chercher à le nier, car on ne
persuade personne.
Certainement M. Dumas a dû faire beaucoup pour
les Danicheff. Mais les Danicheff existaient sans
M. Dumas.
Lorsque celui-ci a travaillé de son propre cru, il
n’a jamais eu la pensée de faire follement cadeau
d’une part de ses droits. S’il en a donné la moitié à
M. de Corvin pour la fameuse pièce de l’Odéon, c’est
que M. de Corvin avait fait l’enfant. M. Dumas s’est
contenté de l’habiller,
La morale de tout ceci, c’est qu’à la collaboration
peut s’appliquer la formule d’une vieille histoire :
— Pour manger une bonne dinde, disait un gour-
mand, il faut être deux : la dinde et soi.
Autant que possible, soyez deux pour faire une
bonne pièce : la pièce et vous.
SOPHOS.
LIVRES
La Femme impossible !... Que signifie ce titre,
agaçant pour la curiosité ?
Impossible n’est pas français, a-t-on dit.
Cependant il est des cas où il faut bien recourir à
cet euphémisme.
Femme impossible?... Comment vous ferais-je
bien comprendre ce que parler veut dire ?
Il vous est arrivé, — et même trop souvent, en ce
temps de Paris bouleversé, — il vous est arrivé de
vous heurter à un écriteau sur lequel se lisaient ces
mots :
Rue barrée.
Eh bien! l’héroïne du livre curieux de M. Ri-
chard Lesclide pourrait, à la rigueur, prendre pour
elle...
Bref, impossibilité il y a.
Sur ce sujet audacieux, l’auteur a trouvé moyen
d’écrire un livre intéressant et chaste.
Oui, ma foi.
Succès mérité.
Autre roman : l'Amant de cœur, de M. Edmond
Lepelletier.
Vous êtes prévenu tout de suite que vous allez
vous trouver en présence d’une peinture de mœurs
impitoyable.
L’amant de cœur ! Il s’appelle Armand ; il de-
vrait s’appeler Alphonse.
Sa devise : Quo non descendam ?
C’est cette dégriugoiade que le livre suit de chute
en chute, avec une intensité de descriptions fort
curieuses. Chaque chapitre vous met dans un autre
milieu, toujours parisien, toujours bien moderne.
Ici, c’est la Grenouillère aux grouillements inter-
lopes. Plus loin, les grands magasins des Tuileries,
décrits de main de maître. Plus loin encore, l’Elysée-
Montmartre.
Et l’action se déroule, violente, audacieuse, atta-
chante.
Rien de Berquin. Mais uu drame vrai, habilement
mis en scène,
On lira beaucoup XAmant de cœur.
p. v.
ffâ fwlül&ü lü ffl é? ff* 14? Décoration dn Nicham ponr ses Produits.
bKCmt üAodld FONTBQNNE, à DIJON
Le meilleur café est le Café Fouquet, 138, r. de Rivoli.
CHRONIQUE BU JOUR
A propos de la publication âes lettres de Gustave
Flaubert, un de nos confrères de la grande chronique
s’exprime en ces termes :
« Sincèrement était-il bien utile d’apprendre à l’uni-
vers que l’auteur de Madame Bovary suait sang et eau
pour arriver à exprimer sa pensée ? En tout cas les écri-
vains d’imagination, tant vilipendés par la petite
école qui se prétend héritière de Flaubert, sont bien
vengés par ceite confession. Chacun fait ce qu’il peut et
comme il peut, mais enfin parce que Flaubert peinait
comme un scieur de long pour écrire une phrase ou
trouver une idée, ce n’est peut-être pas une raison suf-
fisante pour décréter que la richesse des idées et la fa-
cilité du style sont des infirmités déplorables. »
On ne saurait mieux dire et — je ne parle pas, bien
entendu pour Flaubert, dont les efforts furent loin
d’ètre stériles — mais pour quelques-uns de ses indi-
gestes disciples. Si l’homme au sonnet, de Molière, nous
paraît à bon droit ridicule, je ne vois pas pourquoi
nous nous extasierons sur les Orontes à rebours.
Encore un grand U à l’horizon.
Un journal annonce qu’un nouveau groupe parle-
mentaire est en voie de formation sous ce titre : Union
radicale.
Si nous comptons bien, avec l’Union démocratique et
l’Union républicaine, cela fait trois Unions.
C’est peut-être beaucoup.
Un Anglais demandait hier à un homme d’esprit ce
que signifiait au juste ce mot.
— En politique ?
•— Yes.
— Eh bien, milord, VUnion est la division des mem-
bres d’un même parti.
L’Anglais a cru qu’on se moquait de lui, et pour-
tant...
Aujourd’hui, les guichets s’ouvrent pour l’emprunt
de trois cent cinquante millions francs.
Cassons notre tirelire !
L’Etat, pour favoriser les petits rentiers, a décidé l'ir-
réductibilité des coupures de 15 francs.
Espérons que nous ne verrons pas se renouveler le
stratagème signalé à la tribune par un ancien ministte.
A l’occasion de je ne sais plus quel emprunt, pour le-
quel la même mesure avait été prise, les gros bonnets
de la finance remirent aux receveurs généraux de lon-
gues listes de souscripteurs fictifs, dressées par leurs
commis.
Ceux-ci ne se mirent pas, du reste, en grands frais
d’imagination.
L’une de ces listes était tout bonnement la copie
d’une fable de La Fontaine.
Le premier souscripteur s’appelait M. Maitre, le se-
cond M. Corbeau et le dernier M. Saproie.
Allons 1 le retour du Roy n’est pas aussi proche que
certains cléricaux affectent de le dire.
Je n’en veux d’autre preuve que cette annonce mé-
lancolique que je relève dans un journal de province:
A LOUER
l’ancien couvent des capucins,, a cébet
S’adresser au portier.
Sic transit gloria... cœlil
L’exposition de Nice est en plein succès.
Les organisateurs redoublent, du reste, d’efforts pour
que ce sùccès-là soit de plus en plus justifié.
C’est ainsi qu’on a procédé samedi à l’inauguration
de l’éclairage électrique complet du palais et du parc
de l’Exposbion internationale de Nice.
La fête, favorisée par un temps vraiment printanier,
avait attiré un grand concours de visiteurs : plus de
7,400 entrées payantes.
All right 1
On va bien à Panama 1
Yoici des chiffres dont l’éloquence ne laisse rien à dé-
sirer :
Cube excuté en janvier : 580,000 mètres.
Cube en décembre 1883. 395.000 mèt.
— en janvier 1884. 580.000 »
AUGMENTATION. 185.000 met
Cube total fin décembre 1883. 2.437.034 mèt.
Cube de janvier 1884.. 580.000 »
Total général fin janvier 1884. 3.017.034 met.
On va bien à Panama I
Les enterrements politiques donnent lieu aux rensei-
gnements les plus contradictoires.
Dans les ménages parisiens, comme dans les pièces
de théâtre, les vieux procédés sont toujours ceux qui
réussissent le mieux.
Comédies de la rampe, comédies du foyer conjugal,
mêmes trucs, mêmes intrigues maintenant que jadis.
A quoi bon renouveler et inventer, puisque les nou-
velles générations de spectateurs, d’une part, et de
maris, d’autre part, ont toujours égale dose de con-
fiance et de crédulité ?
C’est probablement ce que se disait Albert Grimont,
l’inévitable ami du gros mari de la jolie petite Mm0
Hélène Pimordan, à l’issue d’une soirée imprudemment
prolongée dans un tête-à-tête qui leur avait fait ou-
blier l’heure. Albert avait renconiré, dans l’escalier, le
mari qui rentrait après l’extinction du gaz.
— Pardon, monsieur, avait dit ce dernier en le heur-
tant sans le reconnaître.
— Il n’y a pas de quoi, avait répondu Albert imitant
la voix d'un comique des Variétés dont la célébrité
vient du nez plus encore que du talent.
Du reste, M. Pimordan était trop préoccupé, ce soir-là’
pour voir ou pour entendre quoi que ce fût des choses
extérieures.
Mais le plus curieux, c’est, que l’objet de ses rbsor-
bantes et intimes préoccupations était précnément ce
farceur d’Albert Grimont qui venait de se dissimuler
ainsi dans l’ombre sur son passage.
Très bien, se dira-t-on, le reste se devine : encore
une scène de jalousie conjugale, aisément conjurée par
la femme coupable.
Vous n’y êtes pas.
M. Pimordan garda son air d’un au delà mystérieux,
mais nullement inquiétant pour madame, en lui sou-
haitant une bonne nuit, tandis qu’elle faisait mine de
dénouer sa ceinture pour la première fois de la soirée
dans l’intention fort innocente de se mettre au lit, tout
en bâillant encore d’une chaste solitude exemplaire-
ment subie en l’absence de son seigneur et maître.
Naturellement, lui, le mari, se sentit pris de quelque
remords en face de cette vertu patiente et douce dans
l’abandon où il la laissait presque tous les soirs. D’au-
tant plus qu’il était coupable de forfaiture au premier
chef, ayant à sa solde MUe Gélinotte, une petite blonde
aux yeux de fleur de lin qui avait eu déjà son histoire
comme les anciennes Républiques dont les doges, se
renouvelaient trop fréquemment.
Mais, pour M. Pimordan, Gélinotte était un ange,
désormais à l’abri de toute rechute.
Il en avait la conviction, la certitude.
Et cependant il était jaloux.
De là sa sombre humeur on rentrant au gynécée.
Quant à ses remords au sujet de sa femme, ils ne
firent que traverser son esprit.
Etait-ce sa faute à lui s’il était brûlé de passion pour '
la maîtresse et seulement pénétré de considération,
d’estirne et de calme affection pour l’épouse?
Il n’y a point crime à ne pas vaincre ce qui est in-
vincible. Et il aimait invinciblement sa Gelinotte, à qui
l’amour avait refait une virginité.
Gomment donc la jalousie pouvait-elle entamer cette
robuste assurance? Voici:
Ce diable d’Albert, qui n’était pas très inventif, n’a-
vait rien imaginé de mieux, pour détourner les soup-
çons à l’endroit de ses assiduités auprès de Mme Pimor-
dan, que la malice d’une liaison supposée avec une ho-
rizontale quelconque. Or, ne sachant rien des amours
de M. Pimordan, ce fut la fantaisiste Gélinotte qu’il
choisit pour chaperon, à l’iusu même de cette bonne
fille, qu’il savait seulement tout à fait hospitalière.
A son cercle, qui était aussi le cercle d’Albert, M.
Pimordan avait entendu quelques propos de nature à
lui donner l’éveil.
Quoiqu’il fût près de minuit, il était retourné chez
Gélinotte ; mais après trois coups de sonnette, aussi dis-
crètement espacés que son impatience le permettait, la
soubrette était venue lui ouvrir dans un coslume de
nuit que Racine eût qualifié de simple appareil et, le
faisant marcher sur la pointe du pied, lui avait entr’ou-
vert la porte de la chambre de sa maîtresse qui dormait
du sommeil d’une pensionnaire de la petite classe.
Tranquille de ce côté, il l’était moins sur le compie
de son ami Albert, dont les tentatives, si vaines qu’elles
fussent, lui semblaient une profanation. Il était cruel-
lement obsédé de l’idée que le sceptique coureur de
filles, comme il l’appelait à part soi, se posait d’avance
en séducteur auprès de Gélinotte.