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Le charivari — 58.1889

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Juillet
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https://doi.org/10.11588/diglit.23883#0711
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ACTUALITÉS

123

— Parole, mon cher, v’ià l’huitième étranger qui m’offre sa main.

— Et tu as refusé ?

— Oui.

— Il n’y avait donc rien dedans ?

Bruxelles, et sous huit jours vous recevrez la visite de
mou courtier voyageur.

Les surveillances laites au Splendide-Hôtel ont amené
l’arrestation de la fille Jenny, l’aînée des deux sœurs.

A l’heure du déjeuner, elle s’était introduite dans la
pièce ornementée du vide-poches placé près de la pen-
dule, sur la cheminée. N'apercevant pas l’agent caché
derrière une fausse porte, elle avait pris et glissé sous
sa robe cet objet d’art.

Fouillée tout de suite par une employée de la maison,
elle s’est laissé enlever sans résistance une énorme po-
che en toile grise.

De solides cordons enroulés autour de la taille main-
tenaient cette cachette mobile, dans laquelle reposait
sur une voilette et deux mouchoirs de prix, le bronze
en question.

La fille a refusé de faire connaître son identité, mais
il se trouvait dans son carnet la lettre réclamant le se-
cond vide-poches, lettre timbrée de Bruxelles et adressée
à Mme veuve Itas, rue d’Amsterdam, Paris.

Leurs dossiers, classés aux archives de la Sûreté,
mentionnaient le lieu de leur résidence, et la perquisi-
tion opérée dans leur appartement fit découvrir une
chambre dont l’entrée était masquée par une armoire à
glace montée sur des roulettes.

Dans cette pièce, il y avait des marchandises pouvant
garnir amplement un magasin de curiosités.

Tout était rangé, classé, étiqueté et numéroté.

On attendait trois ans pour se débarrasser des objets,

et par précaution, ils n’étaient vendus que dans les
pays étrangers, situés près des frontières.

En cas de reconnaissance, de poursuites, la prescrip-
tion pouvait être sinon acquise, du moins discutée.

Sous le buffet, le commissaire de police trouva les li-
vres de comptes. La mère, en femme prudente, expéri-
mentée, les cachait entre le sol et la planche du bas,
dans un double fond, manœuvrant à l’aide de coulis-
seaux. Toutes les opérations faites par les deux filles
étaient soigneusement notées au doit et avoir. La vente
du vide-poches volé était ainsi désigné : « Jenny. —
» Yides-poches, bronze argenté. — Splendide-Hôtel,
» 27 juillet 187... — Chambre n» 14. — Estimé cent
» francs. — Vendu cent cinquante à Bruxelles. »

Ce même jour, la main courante mentionnait :

« Rosette. — Un petit sac en cuir de Russie contenant
» un porte-cartes en soie blanche brodé d’or, avec
» adresse au nom de Mademoiselle M..., artiste drama-
» tique. —Un mouchoir garni de points d’Alençon, sans
» initiale. — Une boite en ivoire avec houppette et pou-
» dre de riz. —- Un coffret microscopique en écaille avec
» filets d’argent, rempli par une poudre parfumée ayant
» l’odeur du jasmin. — Une broche en or de forme
» ronde composée de rubis et de diamants. — Une pho-
» tographie représentant un petit chien havanais assis
» sur un tabouret... —Aix-les-Bains, 27 juillet 187... —
» Hôtel du Casino, chambre n° 12... le tout estimé cinq
» cents francs. Vendu huit cent dix, à Genève. »

Très méthodique, cette prévoyante mère comptait
chaque année ses recettes et ses dépenses. Elle termi-

nait le 31 décembre par cette réflexion sur la valeur et
le rapport de ses enfants :

« Jenny, cette année, a été de beaucoup supérieure à
sa sœur; son chiffre d’affaires a dépassé de trois mille
francs celui de Rosette. »

Si on en juge par les ventes annuelles, variant de
vingt à vingt-cinq mille francs, elles ont dû commettre
bien des vols ; heureusement que l’infatigable Jenny,
encouragée par l’impunité et le succès, s’est départie de
sa prudence ordinaire. L’appât d’un gros bénéfice l’a
fait tomber dans le filet, ainsi que sa mère et sa sœur.

— Cette famille était d’origine française?

— Le père était né à Varsovie, la mère à Francfort et
les enfants à Paris.

— A-t-on trouvé chez elles et sur elles des fioles de
chloroforme?

Après avoir été fouillées minutieusement à leur arri-
vée au Dépôt, la femme chargée de cette importante
mission a remis au directeur deux petits flacons de cou-
leur noire remplis de chloroforme dissimulés dans la
coulisse des jupons de Jenny et de Rosette.

Ces fioles en verre noir saisies indiquent des connais-
sances en pharmacie; les femmes ne sont point obligées
de savoir que l’air et la lumière forment les causes
principales de l’altération du chloroforme.

G. Macé-.

ÎTTT T Cafê-Restaurant, p » p T Q

ÜIJüJLl IJ 39, Boulevard des Capucines, 39 i XlilllJ
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