Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Le charivari — 59.1890

DOI Heft:
Janvier
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.23884#0013
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
CINQUANTE-NEUVIÈME ANNÉE

Prix du Numéro : 25 centimes

SAMEDI 4 JANVIER 1890

ABONNEMENTS

PARIS

Trois mois. "18 IV.

Six tiitSls. 30 —

Un an. 72 —

Les abonnements parlent des <or et ta de chaque mois

DIRECTION

Politique, Littéraire et Artistique

IMliltRE VÉRON

Rédacteur eu Chef

BUREAUX

DE LA RÉDACTION ET DE L1 ADMINISTRATION

Rue de la Victoire, 20

ABONN EMENTS

DÉPARTEMENTS

Trois moi.». 2u tr.

Six mois. 40 —

Un an. 80 —

L’abonnement d'un an donne droit à la prime gratuits

DIRECTION

Politique. Littéraire et Artistique

IMiillHli \ IMS O N
Rédacteur ou U!»ef

ANNONCES

ADOLPHE EWIG, fermier de la publicité
92. Rue Richelieu

LE CHARIVARI

BULLETIN POLITIQUE

On annonce le dépôt d’un projet de loi en matière
de falsifications artistiques.

En voilà un auquel on peut appliquer la formule :
Le besoin s’en faisait impérieusement sentir.

Depuis longtemps, nos artistes sont victimes de
contrefaçons odieuses. Gela se conçoit. On court si
peu de risques !

Cinq cents francs d’amende ! C’est le prix fixé par
le tribunal dans un arrêt connu.

Cinq cents francs ! Alors, qu'il était établi qu’on
avait bien réellement affaire à un tableau falsifié!

Il y a des étrangetés incompréhensibles dans la
façon dont se pratique la justice distributive chez
nous.

Je prends un morceau de papier. J’imite, sur ce
morceau de papier, la signature d’un monsieur.

Me voilà passible des galères.

Je prends une toile. J’imite, sur cette toile, la si-
gnature d’un monsieur. Je complique la chose et
l’aggrave en contrefaisant la peinture du monsieur,
qui est artiste.

La loi intervient. Bonne loi ! Cette fois, comme le
fait est beaucoup plus grave, elle estime que la peine
doit être infiniment plus douce Rien qu’une amende.
Une toute petite amende.

Dites-moi pourtant si d’abord le délit ou le crime
n’est pas le même?

Dites-moi ensuite si le bénéfice tiré du délit ou du
crime n’est pas souvent beaucoup plus considérable?

En imitant la signature d’un bourgeois, je me pro-
cure cinq cenls francs. Travaux forcés.

Eu imitant la signature de Meissonier au bas d’une
toile, je puis me procurer dix mille francs.

Et je cours des dangers excessivement moindres!

N’est-ce pas purement et simplement l’excitation
au faux que cette jurisprudence inintelligible?

Tout cela tient à un certain parti pris, à un vieux
préjugé, qui persiste encore malgré le progrès que
les idées ont fait depuis quelques années.

Dieu sait quelles luttes Alphonse Karr soutint pour
arriver à faire pénétrer dans les esprits et dans nos
codes la fameuse formule : « La propriété littéraire
est une propriété. »

De même pour la propriété artistique.

On a fini par reconnaître qu’il y avait quelque
chose à faire. On a fini par inaugurer quelques sti-
pulations protectrices.

Mais au fond, il reste encore de vieilles racines du
préjugé dont je parlais.

Les mêmes gens qui bondiraient d’indignation à
l’idée qu’on a pris un parapluie, ne trouvent pas ab-
solument coupable l’action de celui qui prend une
œuvre ou qui la falsifie.

Vous connaissez la vieille caricature de Gavarni?
Elle représente un marchand à qui un bonhomme
bizarre et dépenaillé apporte un tableau qu'il veut
lui vendre.

— Ça, un Raphaël! dit le marchand en toisant son

..—BW-8 a» » --

vendeur... C’est un... Comment vous appelez-vous?

La chose était drôle et fit vraiment rire.

Mais le rire devrait s’arrêter à temps.

Qu’on dévalise Raphaël ! Ses moyens lui permet-
tent d'êlre dévalisé. D’ailleurs il n’est plus de ce
monde, et ses héritiers eux-mêmes ont renoncé de-
puis longtemps à la succession.

Mais quand il s’agit de peintres vivants, quand il
s’agit de fraudes qui portent un préjudice direct,
matériel, incontestable, nous ne comprenons pas que
l'intervention de la loi soit à ce point énervée et bé-
névole.

Un faux est un faux, comme un chat est un chat.

Je dirai plus : il y a pour le faux artistique des
circonstances aggravantes qui demanderaient une
répression encore plus rigoureuse que pour tous les
autres.

Vous prenez à un liomme sa pensée, son travail,
ce qu’il y a de plus intime en lui. un fragment de
son âme, pour ainsi dire.

Et on traite cela de peccadille!

Ce n’est pas tout. Vous nuisez à cet homme, maté-
riellement d’abord, moralement ensuite; car vos
contrefaçons, œuvres de pasticheurs sans talent
comme sans vergogne, déconsidèrent le nom qu’elles
usurpent.

Ah! vraiment, les balances de la Justice auraient
grand besoin d’être renvoyées chez l’ajusteur I

Pierre Vôron.

J’allais, flânant sur les hauteurs de Montmartre,
et, comme Horace sur la voie sacrée, je rêvais... de
je ne sais quelle babiole, lorsque je me heurtai à
Bouchard, le grand Bouchard, le seul, l’upique Bou-
chard, celui qui, depuis vingt ans, voit tous les jour-
naux se disputer sa prose ; Bouchard le chroniqueur,
Bouchard le critique d'art; le meilleur garçon du
monde, mais aussi le plus emballé.

Bouchard, rouge de colère, m’apostropha. Conti-
nuant sans doute un soliloque commencé depuis
longtemps déjà, vu l’animation de ses traits et l’exu-
bérance de ses gestes :

— Ah! me cria-t-il, te voilà; tu vas sans doute à la
Vieille’ Gaule ou à la Nouvelle Athènes\ Eh bien, n’y
va pas ! Ils sont là un tas de peintraillons et de mo-
deleurs en pain d’épices qui vous font bouillir le
sang dans les veines.

Ils sont, naturellement, en train de discuter l’inci-
dent de l’autre jour ; récompenses, exempts, Palais
de l’Industrie, Champ de Mars ! Et ils croient que
l’univers entier a les yeux sur eux.

Ah! ce qu’ils tiennent de place, ceux-là !

Parce que ça barbouille du bitume en bas, du vert
au milieu et du bleu par dessus, ou parce que ça
fait tenir sur deux quilles un pompier copié sur le
Discobole, ma parole d’honneur, ça marche le front

dans les nuages! Ça dit : « Tu » à Michel-Ange; ça se
croit le premier moutardier du pape, et ça ne salue-
rait pas Victor Hugo, s’il sortait du Panthéon. Et la
pensée, donc! ils n’y pensent pas; et nous autres, les
écrivains, nous ne sommes que de la moutarde!

— Voyons, Bouchard, à qui en avez-vous? lui dis-
je doucement.

— A qui j’en ai? Mais aux peintres, parbleu ! Et
toi, est-ce que tu n’en as pas assez, des peintres?
Est-ce que tu n’en as pas trop? Est-ce que ça va
durer longtemps comme ça, et n’organisera-t-on pas
une croisa le pour les exterminer tous?

Je le voyais furieux, j’avais peur de l’exaspérer
par des contradictions ; pourtant, je hasardai :

— Les exterminer tous ! Diable, comme vous y
allez !

— Est-ce que, par hasard, tu serais un modéré,
toi? me dit-il avec un regard terrible. Je te préviens
que je ne plaisante pas.

Je jugeai prudent de laisser rouler le flot de son
indignation sans essayer d'y mettre un frein, comme
dit M. Racine, et il continua :

— Les peintres! Mais il y en a partout. Ça pousse
comme les champignons : il y a les peintres hommes,
les peintres femmes, les peintres auvergnats. Deux
rapins n’ont pas plutôt bu deux bocks ensemble, ils
forment un groupe et fondent une école! Nous avons
la peinture à l’huile et la peinture à l’eau, la peinture
au pinceau, à la brosse, au pouce, au couteau 1 Pour-
quoi pas la peinture à la langue, pour la peinture
léchée? Nous avons les impressionnistes, les aqua-
rellistes, les pastellistes, les tachistes, les paysagis-
tes, les portraitistes, les mariniers, les fruitiers, les
nature-mortiers, les chaudronniers, et cent autres,
sans compter les épiciers ! Et il n’y en a que pour
eux. Récompenses, décorations, ils ont tout! -et
ils encombrent le monde. Tous les jours, une expo-
sition nouvelle s’ouvre ; on ne peut pas faire un pas
sans marcher sur un peintre, et on n’ose plus passer
dans les rues, tant il y a de tableaux aux devantures
des magasins !

1 t c’est notre faute I C’est nous, les hommes de
lettres, qui sommes les premiers coupables. Si les
peintres tiennent maintenant tant de place, si on ne
parle que d’eux, toujours et partout, c’est notre
faute, notre très grande faute.

Qui est-ce qui a fait leur réputation, sinon nos
articles? Qui est-ce qui a entretenu le public de
leurs travaux, sinon nos articles ? Qui est-ce qui a
chauffé l’admiration, sinon nos articles? Qui est-ce
qui a crié leurs noms à l’unisson? Nos articles ! C’est
nous, qui écrivons, qui sommes les hérauts parlant
à la foule. C’est nous qui avons monté la tête du
public et des peintres! Maintenant, on fait plus at-
tention à la dernière croûte du premier barbouilleur
venu qu’à un roman ou à un livre de vers. Et les
peintres se croient maintenant une manière d’aris-
tocratie dans l’Etat.

Eh bien, et nous ? Nous sommes des savetiers!

Et la plume ne vaut doue pas le pinceau ?

Tiens! mon ami Louvat, l’illustre peintre Louvat,
qu’est-ce. qu’il serait sans nous, sans moi? Voilà
vingt ans que je le tambourine. Je lui ai fait quinze
articles, cinquante réclames, deux cents citations !
Je ne lui en veux pas, il a beaucoup de talent ; mais
enfin, c’est un peu moi qui l’ai fait 1
Bildbeschreibung
Für diese Seite sind hier keine Informationen vorhanden.

Spalte temporär ausblenden
 
Annotationen