PAR1S1ENNERIES
D
—- Vous me voyez bien désolée, baron, et pourtant mon pauvre mari me laisse une
jolie fortune !
— Je vois... Ce qui s’appelle se quitter en bons termes!
EÆ23-
la forme, contre mon intrusion au milieu d’une douzaine
d’inconnus.
— Un inconnu! répliqua mon interlocuteur indigné...
Tu n’es pas un inconnu, enteuds-tu bien! Ce soir, tu
^appelles Boudin, monseigneur Boudin, n’oublie pas
Ça, et le boudin, un soir de réveillon, c’est une gloire,
bne auréole.
0
«
Le moment venu, je m’acheminai vers le logis de
l’hospitalier Annibal... Il y avait déjà assez nombreuse
compagnie à l’intérieur, à en juger par le bruit qu’on
entendait à travers la cloison. Je fus reçu par le maître
de céans, une espèce d’hercule nui vous serrait les
Phalangi s à vous les mettre en bouillie...
Le logement d’Annibal était composé de deux pièces.
L’une formait vestibule, et chaque arrivant était invité,
dès l’entrée, à se débarrasser de son offrande, qu’on en-
grenait aussitôt sous clef, dans un immense placard.
Dans le sanctuaire, une huitaine do jeunes garçons
lue, d’ailleurs, je voyais pour la première fois, papil-
lonnaient autour d’une assez jolie fille, brunette à l'air
déluré, que maîtic Annibal me présenta comme sa mai-
resse.
En somme, on n’attendait plus que le camarade qui,
l°nt à l’heure,m’avait rceruté sur le boulevard; mais il
^ait eu raison de me dire que mon boudin me procure-
nt Un triomphe. Je fus accueilli, grâce à lui, comme
1,11 véritable Messie.
Annibal profita de l’enthousiasme général pour déci-
der qu’on allait se mettre en cuisine et disposer le cou-
vert tout de suite. Tant pis pour les retardataires ! Mon
camarade avait sans doute bu sa bouteille de rhum en
route, l’ég ïste, et on le trouverait tout à l’heure dans
la rue, échoué au coin de quelque borne.
Après tout, le repas serait assez complot comme cela.
L’un, un richard, avait apporté une superbe poularde
rôtie... ; un autre, un pâté de foie gras; un troisième,
une langouste; un quatrième, un panier de vins
do bordeaux et de bourgogne; un cinquième, deux bou-
teilles de champagne..., etc., etc... Le menu était pré-
sentable... Mon boudin devait servir d’entrée; et ma foi,
je l’avoue, l’eau me venait déjà à la bouche, en face de
tant de bonnes choses, lorsque, soudain, un grand tu-
multe s’éleva dans la chambrée...
v
* i-
Annibal, subitement devenu fou furieux, brandissait,
d’une main, une bouteille pleine, et, de l’autre, tenait
un revolver. Et if voulait tuer tout le monde, ce féroce
Annibal, sous le fallacieux prétexte qu’un petit jeune
homme blond — celui qui avait apporté le poulet pré-
cisément — s’était permis de serrer d’un peu trop près
la belle fille brune.
Certainement, il n'y avait pas là de quoi fouelter un
chat, et deux minutes d’explications amicales auraient
suffi à tout arranger.
Mais essayez donc de discuter avec un agité qui a sa
crise! Un revolver chargé ef une bouteille pleine, ma-
niés par un gaillard solide et déterminé, sont des argu-
ments auxquels les gens les plus raisonnables ne
trouvent généralement pas grand’chosé à répondre.
Mène, quand on est très... raisonnable et qu’on tient
à sa peau, on commence d’abord, prudemment, par se
mettre hors de portée.
C’est ce que nous finies tous. En moins d'un clin
d'œi1, la chambre était vide, — sauf, bien entendu, les
doux maîtres du logis, — et fous les invités du fâcheux
pique-nique dégringolaient pêle-mêle l’escalier mal
écl iiré...
Dans la panique générale, personne n’avait songé
à reprendre son écot.
Un quart d’heure après, taquiné par un doute, je re-
vins coller mon œil et mon oreille à la serrure de cet
hôte farouche qui recevait si mal les gens et gardait si
bien leurs plats.
Annibal et son amie étaient tranquillement attablés
devant les victuailles que nous leur avions bénévole-
ment fournies.
... Et ils trinquaient, et ils riaient, et ils s’embras-
saient, tout en mordant a belles dents à même mon
boudin, dont l’appétissant parfum arrivait jusqu’à mes
narines frémissantes.
Je ne m’étais pas trompé: c’était un truc pour réveil-
lonner gratis et grassement; on nous avait f...ichus de-
dans, tout en nous f...iehant dehors.
IIeniu Second
D
—- Vous me voyez bien désolée, baron, et pourtant mon pauvre mari me laisse une
jolie fortune !
— Je vois... Ce qui s’appelle se quitter en bons termes!
EÆ23-
la forme, contre mon intrusion au milieu d’une douzaine
d’inconnus.
— Un inconnu! répliqua mon interlocuteur indigné...
Tu n’es pas un inconnu, enteuds-tu bien! Ce soir, tu
^appelles Boudin, monseigneur Boudin, n’oublie pas
Ça, et le boudin, un soir de réveillon, c’est une gloire,
bne auréole.
0
«
Le moment venu, je m’acheminai vers le logis de
l’hospitalier Annibal... Il y avait déjà assez nombreuse
compagnie à l’intérieur, à en juger par le bruit qu’on
entendait à travers la cloison. Je fus reçu par le maître
de céans, une espèce d’hercule nui vous serrait les
Phalangi s à vous les mettre en bouillie...
Le logement d’Annibal était composé de deux pièces.
L’une formait vestibule, et chaque arrivant était invité,
dès l’entrée, à se débarrasser de son offrande, qu’on en-
grenait aussitôt sous clef, dans un immense placard.
Dans le sanctuaire, une huitaine do jeunes garçons
lue, d’ailleurs, je voyais pour la première fois, papil-
lonnaient autour d’une assez jolie fille, brunette à l'air
déluré, que maîtic Annibal me présenta comme sa mai-
resse.
En somme, on n’attendait plus que le camarade qui,
l°nt à l’heure,m’avait rceruté sur le boulevard; mais il
^ait eu raison de me dire que mon boudin me procure-
nt Un triomphe. Je fus accueilli, grâce à lui, comme
1,11 véritable Messie.
Annibal profita de l’enthousiasme général pour déci-
der qu’on allait se mettre en cuisine et disposer le cou-
vert tout de suite. Tant pis pour les retardataires ! Mon
camarade avait sans doute bu sa bouteille de rhum en
route, l’ég ïste, et on le trouverait tout à l’heure dans
la rue, échoué au coin de quelque borne.
Après tout, le repas serait assez complot comme cela.
L’un, un richard, avait apporté une superbe poularde
rôtie... ; un autre, un pâté de foie gras; un troisième,
une langouste; un quatrième, un panier de vins
do bordeaux et de bourgogne; un cinquième, deux bou-
teilles de champagne..., etc., etc... Le menu était pré-
sentable... Mon boudin devait servir d’entrée; et ma foi,
je l’avoue, l’eau me venait déjà à la bouche, en face de
tant de bonnes choses, lorsque, soudain, un grand tu-
multe s’éleva dans la chambrée...
v
* i-
Annibal, subitement devenu fou furieux, brandissait,
d’une main, une bouteille pleine, et, de l’autre, tenait
un revolver. Et if voulait tuer tout le monde, ce féroce
Annibal, sous le fallacieux prétexte qu’un petit jeune
homme blond — celui qui avait apporté le poulet pré-
cisément — s’était permis de serrer d’un peu trop près
la belle fille brune.
Certainement, il n'y avait pas là de quoi fouelter un
chat, et deux minutes d’explications amicales auraient
suffi à tout arranger.
Mais essayez donc de discuter avec un agité qui a sa
crise! Un revolver chargé ef une bouteille pleine, ma-
niés par un gaillard solide et déterminé, sont des argu-
ments auxquels les gens les plus raisonnables ne
trouvent généralement pas grand’chosé à répondre.
Mène, quand on est très... raisonnable et qu’on tient
à sa peau, on commence d’abord, prudemment, par se
mettre hors de portée.
C’est ce que nous finies tous. En moins d'un clin
d'œi1, la chambre était vide, — sauf, bien entendu, les
doux maîtres du logis, — et fous les invités du fâcheux
pique-nique dégringolaient pêle-mêle l’escalier mal
écl iiré...
Dans la panique générale, personne n’avait songé
à reprendre son écot.
Un quart d’heure après, taquiné par un doute, je re-
vins coller mon œil et mon oreille à la serrure de cet
hôte farouche qui recevait si mal les gens et gardait si
bien leurs plats.
Annibal et son amie étaient tranquillement attablés
devant les victuailles que nous leur avions bénévole-
ment fournies.
... Et ils trinquaient, et ils riaient, et ils s’embras-
saient, tout en mordant a belles dents à même mon
boudin, dont l’appétissant parfum arrivait jusqu’à mes
narines frémissantes.
Je ne m’étais pas trompé: c’était un truc pour réveil-
lonner gratis et grassement; on nous avait f...ichus de-
dans, tout en nous f...iehant dehors.
IIeniu Second