CINQUANTE-NEUVIÈME ANNÉE
Prix du Numéro : 2ô centimes
DIMANCHE 12 JANVIER 1890
abonnements
PARIS
Trois mois. 18 lï.
Six mois. 36 —
Un an. 72 —
les abonnements partent des ior et us de chaque mois
DIRECTION
Politique, Littéraire et Artistique
1» Mi K H15 VÉRON
Rédacteur en Chef
BUREAUX
DF- LA RÉDACTION ET DE L’ADMINIS l'H ATIOJi
Rue de la Victoire, 2C
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Trois mois. 20 fr.
Six mois .. 40 —
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L’abonnement d’un an donne droit à la prime gratuite
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IMliRRII VÉRON
Rédacteur en Chef
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ADOLPHE EWIG, fermier de la publicité
92, Rue Richelieu
LE CHARIVARI
Les souscripteurs dont l'abonnement expire
le 15 Janvier sont priés de le renouveler
immédiatement, s’ils ne veulent pas éprouver
d’interruption dans l’envoi du journal.
BULLETIN POLITIQUE
Il y a longtemps qu’on n’avait parlé de la mystifi-
cation solennelle qu’on appelle le désarmement
Le chômage des Chambres a suggéré à quelques
farceurs graves l’idée de repincer la vieille gui-
tare.
Ras le sens commun ! Il n’y aura de désarmement
possible qu’au lendemain d’une grande guerre qui
aura fait un irrémédiable vaincu.
Autrement, comme le Figaro le démontre avec
logique, en théorie on pourrait le faire. Mais, en
pratique, l’histoire nous apprend qu’il est des gou-
vernements de mauvaise foi Pensez un peu à la si
tuation du pays ayant honnêtement désarmé devant
celui qui aurait conservé, sous main, la suprématie
militaire.
Est il un autre moyen que la force de faire appli-
quer, avec une loyauté universelle, cette loiin’erna-
tionale?
Il faudrait donc qu’un plus puissant l’imposât au
récalcitrant, et c’est alors la guerre qui sortirait du
projet pacifique de désarmement.
Donc, rien à faire, et parlons d’autre chose.
A propos de je ne sais quel projet d’entrevue avec
l’empereur d’Allemagne, prêté à M. Carnot, on re
mue, depuis quelques jours, des cendres bien rou-
ges, ce me semble.
Le vrai patriotisme n’est pas celui qui se démène
sans cesse, c’est celui qui se recueille.
Une grève de magistrats! Cocasse perspective
C’est à Gand qu’elle menace d’éclater.
Un certain nombre de juges belges ont déclaré
qu’il leur serait impossible de continuer à tenir droi-
tes les balances de la Justice, si on ne leur donnait
pas trois francs quinze sous de plus par jour.
C’est beau,1e désintéressement, fortifié par le sen-
timent du devoir.
Ce pauvre Brésil m'a l’air fâcheusement emman-
ché.
La révolution s’y perd dans les mesquineries de
détail, dans les puérilités d’apparat.
Elle vient, par exemple, de changer le nom des
leurs de la semaine.
C’est ça qui va rendre Je peuple brésilien heureux!
Commencer par des promesses de réformes trans-
Cendantes, finir par des gaminades et des fumis-
teries...
L’histoire de toutes les révolutions d’ici-bas, hélas !
Pierie Véron.
SABRE! DE BOIS!
Notre cher Conseil municipal a éveillé bien des
colères, attisé bien des haines, mais rien de pareil
aux tragiques fureurs du héros dont nous allons
parler ne Lavait encore atteint.
CetOreste — qui pour le monde moderne se nomme
Poisson, et n’est pas le seul de son avis —estime que
nos édiles administrent fort mal les finances de la
ville.
Il le pense énergiquement et ne le leur envoie pas
dire.
En paroxyste inspiré, n’ayant ni gants ni manchet-
tes, il les traite de « détourneurs de fonds », de
« mangeurs de victuailles épicées », de « voleurs de
malades», etc., etc., etc.
Des qualificatifs et des épithètes accumulés avec
art par ce représentant de commerce en rupture de
comptoir, on pourrait composer un joli ruban de li-
tanie. Mais un échantillon suffit.
« Tous ces gens, écrit Oreste-Poisson, salissent et
pourrissent la République ; c’est sur leurs ordures
que, depuis 1884, ont germé toutes les vénéneuses
végétations, toutes les gales, toutes les teignes, tou-
tes les lèpres qui depuis lors hantent l’épiderme de
la France. Toutes ces vermines, etc... »
On comprend qu’un homme aussi monté, et dont
le la n’a rien de commun avec celui du Conserva-
toire, en soit arrivé à prendre un parti violent.
M. Poisson (Oreste-François) a pris le parti de s’in-
surger.
Il s’est même insurgé cinq fois; car, à la date du
1er janvier 1890, il comptait déjà à son actif quatre
campagnes faites d’après le système Gamhon, d’hé-
roïque mémoire.
Donc, pour la cinquième fois, M. Poisson se livre,
dans le quartier du Sentier, à une véritable débau-
che de circulaires et d’affiches du plus beau vert, à
seule tin d’informer ses concitoyens qu’il entend re-
fuser l’impôt et ne le payera que « saisi dans son
labeur ».
M. Poisson, comme feu Gambon, n’aurait sans
doute pas hésité à se faire saisir « dans sa vache » ;
mais, ne se connaissant aucun individu de cette es-
pèce féminine et beuglante, — n’a pas de vache qui
veut, — il s’est résigné à varier sur ce point le pro-
cédé de son devancier. Quand les agents du fisc
viendront lui réclamer ses contributions, iis devront
se contenter de le saisir « dans son labeur ». Pauvre
Poisson !
L’exemple du refus de l’impôt étant donné, vous
sentez bien qu’il devait se trouver un ournal pour
le déclarer excellent, — un journal bonapartiste,
cela va sans dire.
« Il serait à désirer, déclare cet enthousiaste, que
tout le monde, les gros négociants surtout, en fît
autant. »
Le malin, du reste, n’oublie qu’une chose : c’est
de nous apprendre s’il est lui-même disposé à braver
les huissiers,., et leur coût.
Voulez-vous parier que M. Poisson restera seul
sur la brèche ?
Ii pourra vérifier, cette fois encore, mais un peu
tard, que le refus de l’impôt, par lui pratiqué, ajuste
la valeur d’un sabre de bois.
Robert Hyenne.
LÀ PIOCHE DE DAMOCLÈS
Un bruit assez étrange est venu jusqu’à nous...
Il serait fortement question, paraît-il, de démolir
le Palais-Royal.
Sous le prétexte, au moins cocasse, que ledit
Palais-Royal est à peu près désert, la foule i’ayant,
depuis plusieurs années déjà, complètement aban-
donné.
Il est certain que les choses, comme les gens, les
palais, aussi bien que les hommes, ont leurs bons et
leurs mauvais moments, leurs triomphes et leurs
défaites, leurs périodes de gloire et de décadence.
Il est non moins certain que lé Palais-Royal, déjà
nommé, après avoir connu des années éclatantes,
sous le Directoire et même plus tard, alors que flo-
rissait la roulette, est en proie actuellement à une
guigne noire, dont, jusqu’à présent, rien n’a pu le
débarrasser.
Le luxe ne lui a pas réussi, à ce pauvre Palais-
Royal. Jadis, sous ses rustiques galeries de bois,
tout Paris passait et repassait, sans compter la pro-
vince et l’étranger en voyage, qui lui faisaient, au
débotté, leur première visite, suivie de b aucoup
d’autres.
Depuis que les galeries de bois — où le fameux
Chodruo-Duclos, jouant au Diogène, se pavanait fiè-
rement sous des loques dont un chiffonnier de lame
Sainte-Marguerite n’aurait pas voulu — ont fait
place à des galeries de pierre, c’est devenu beaucoup
moins amusant.
Le jardin, cette espèce de grande cour de pension-
nat plantée d’arbres maigres et poussiéreux, a été
déserté en faveur des Tuileries qui, du moins, pour
varier le paysage, ont leurs terrasses.
Quant an Palais lui même, considéré comme lieu
de circulation, on l’a avantageusement remplacé par
plusieurs larges voies, récemment ouvertes, qui nous
conduisent plus vite et plus directement où nous
voulons aller.
A ce point de vue, on peut dire que l’avenue de
l’Opéra, par exemple, est une des artères qui ont
coupé la veine à ce pauvre Palais-Royal, laissé dé-
sormais de côté, comme un entant boudeur dans son
coin.
Donc, il est acquis au débat que, à tort ou à rai-
son, — mais on ne discute pas avec la mode, et la
foule va où elle veut, — le monument en question,
avec ses dépendances, est actuellement très négligé
par Monseigneur le public.
S’en suit-il forcément qu’on doive livrer, sans plus
tarder, le Palais Royal à ia pioche des Compagnons
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Il y a longtemps qu’on n’avait parlé de la mystifi-
cation solennelle qu’on appelle le désarmement
Le chômage des Chambres a suggéré à quelques
farceurs graves l’idée de repincer la vieille gui-
tare.
Ras le sens commun ! Il n’y aura de désarmement
possible qu’au lendemain d’une grande guerre qui
aura fait un irrémédiable vaincu.
Autrement, comme le Figaro le démontre avec
logique, en théorie on pourrait le faire. Mais, en
pratique, l’histoire nous apprend qu’il est des gou-
vernements de mauvaise foi Pensez un peu à la si
tuation du pays ayant honnêtement désarmé devant
celui qui aurait conservé, sous main, la suprématie
militaire.
Est il un autre moyen que la force de faire appli-
quer, avec une loyauté universelle, cette loiin’erna-
tionale?
Il faudrait donc qu’un plus puissant l’imposât au
récalcitrant, et c’est alors la guerre qui sortirait du
projet pacifique de désarmement.
Donc, rien à faire, et parlons d’autre chose.
A propos de je ne sais quel projet d’entrevue avec
l’empereur d’Allemagne, prêté à M. Carnot, on re
mue, depuis quelques jours, des cendres bien rou-
ges, ce me semble.
Le vrai patriotisme n’est pas celui qui se démène
sans cesse, c’est celui qui se recueille.
Une grève de magistrats! Cocasse perspective
C’est à Gand qu’elle menace d’éclater.
Un certain nombre de juges belges ont déclaré
qu’il leur serait impossible de continuer à tenir droi-
tes les balances de la Justice, si on ne leur donnait
pas trois francs quinze sous de plus par jour.
C’est beau,1e désintéressement, fortifié par le sen-
timent du devoir.
Ce pauvre Brésil m'a l’air fâcheusement emman-
ché.
La révolution s’y perd dans les mesquineries de
détail, dans les puérilités d’apparat.
Elle vient, par exemple, de changer le nom des
leurs de la semaine.
C’est ça qui va rendre Je peuple brésilien heureux!
Commencer par des promesses de réformes trans-
Cendantes, finir par des gaminades et des fumis-
teries...
L’histoire de toutes les révolutions d’ici-bas, hélas !
Pierie Véron.
SABRE! DE BOIS!
Notre cher Conseil municipal a éveillé bien des
colères, attisé bien des haines, mais rien de pareil
aux tragiques fureurs du héros dont nous allons
parler ne Lavait encore atteint.
CetOreste — qui pour le monde moderne se nomme
Poisson, et n’est pas le seul de son avis —estime que
nos édiles administrent fort mal les finances de la
ville.
Il le pense énergiquement et ne le leur envoie pas
dire.
En paroxyste inspiré, n’ayant ni gants ni manchet-
tes, il les traite de « détourneurs de fonds », de
« mangeurs de victuailles épicées », de « voleurs de
malades», etc., etc., etc.
Des qualificatifs et des épithètes accumulés avec
art par ce représentant de commerce en rupture de
comptoir, on pourrait composer un joli ruban de li-
tanie. Mais un échantillon suffit.
« Tous ces gens, écrit Oreste-Poisson, salissent et
pourrissent la République ; c’est sur leurs ordures
que, depuis 1884, ont germé toutes les vénéneuses
végétations, toutes les gales, toutes les teignes, tou-
tes les lèpres qui depuis lors hantent l’épiderme de
la France. Toutes ces vermines, etc... »
On comprend qu’un homme aussi monté, et dont
le la n’a rien de commun avec celui du Conserva-
toire, en soit arrivé à prendre un parti violent.
M. Poisson (Oreste-François) a pris le parti de s’in-
surger.
Il s’est même insurgé cinq fois; car, à la date du
1er janvier 1890, il comptait déjà à son actif quatre
campagnes faites d’après le système Gamhon, d’hé-
roïque mémoire.
Donc, pour la cinquième fois, M. Poisson se livre,
dans le quartier du Sentier, à une véritable débau-
che de circulaires et d’affiches du plus beau vert, à
seule tin d’informer ses concitoyens qu’il entend re-
fuser l’impôt et ne le payera que « saisi dans son
labeur ».
M. Poisson, comme feu Gambon, n’aurait sans
doute pas hésité à se faire saisir « dans sa vache » ;
mais, ne se connaissant aucun individu de cette es-
pèce féminine et beuglante, — n’a pas de vache qui
veut, — il s’est résigné à varier sur ce point le pro-
cédé de son devancier. Quand les agents du fisc
viendront lui réclamer ses contributions, iis devront
se contenter de le saisir « dans son labeur ». Pauvre
Poisson !
L’exemple du refus de l’impôt étant donné, vous
sentez bien qu’il devait se trouver un ournal pour
le déclarer excellent, — un journal bonapartiste,
cela va sans dire.
« Il serait à désirer, déclare cet enthousiaste, que
tout le monde, les gros négociants surtout, en fît
autant. »
Le malin, du reste, n’oublie qu’une chose : c’est
de nous apprendre s’il est lui-même disposé à braver
les huissiers,., et leur coût.
Voulez-vous parier que M. Poisson restera seul
sur la brèche ?
Ii pourra vérifier, cette fois encore, mais un peu
tard, que le refus de l’impôt, par lui pratiqué, ajuste
la valeur d’un sabre de bois.
Robert Hyenne.
LÀ PIOCHE DE DAMOCLÈS
Un bruit assez étrange est venu jusqu’à nous...
Il serait fortement question, paraît-il, de démolir
le Palais-Royal.
Sous le prétexte, au moins cocasse, que ledit
Palais-Royal est à peu près désert, la foule i’ayant,
depuis plusieurs années déjà, complètement aban-
donné.
Il est certain que les choses, comme les gens, les
palais, aussi bien que les hommes, ont leurs bons et
leurs mauvais moments, leurs triomphes et leurs
défaites, leurs périodes de gloire et de décadence.
Il est non moins certain que lé Palais-Royal, déjà
nommé, après avoir connu des années éclatantes,
sous le Directoire et même plus tard, alors que flo-
rissait la roulette, est en proie actuellement à une
guigne noire, dont, jusqu’à présent, rien n’a pu le
débarrasser.
Le luxe ne lui a pas réussi, à ce pauvre Palais-
Royal. Jadis, sous ses rustiques galeries de bois,
tout Paris passait et repassait, sans compter la pro-
vince et l’étranger en voyage, qui lui faisaient, au
débotté, leur première visite, suivie de b aucoup
d’autres.
Depuis que les galeries de bois — où le fameux
Chodruo-Duclos, jouant au Diogène, se pavanait fiè-
rement sous des loques dont un chiffonnier de lame
Sainte-Marguerite n’aurait pas voulu — ont fait
place à des galeries de pierre, c’est devenu beaucoup
moins amusant.
Le jardin, cette espèce de grande cour de pension-
nat plantée d’arbres maigres et poussiéreux, a été
déserté en faveur des Tuileries qui, du moins, pour
varier le paysage, ont leurs terrasses.
Quant an Palais lui même, considéré comme lieu
de circulation, on l’a avantageusement remplacé par
plusieurs larges voies, récemment ouvertes, qui nous
conduisent plus vite et plus directement où nous
voulons aller.
A ce point de vue, on peut dire que l’avenue de
l’Opéra, par exemple, est une des artères qui ont
coupé la veine à ce pauvre Palais-Royal, laissé dé-
sormais de côté, comme un entant boudeur dans son
coin.
Donc, il est acquis au débat que, à tort ou à rai-
son, — mais on ne discute pas avec la mode, et la
foule va où elle veut, — le monument en question,
avec ses dépendances, est actuellement très négligé
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S’en suit-il forcément qu’on doive livrer, sans plus
tarder, le Palais Royal à ia pioche des Compagnons