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Le charivari — 59.1890

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ACTUALITÉS

9

— Et dire que je suis moi-même dans cette situation !

~ Comment ca ?

i

— Dame !... Jusqu’à ce qu’on m’ait validé à la Chambre!


scs paroles revenaient sans cesse bruire à l'oreille de la
pauvretle; comme le refrain de Faust.

Et elle aussi se prit à penser :

Je voudiais bien savoir quel était cc jeune homme.

Elle ne le sut que trop.

Je ne vous le décrirai pas, par le menu, cet éternel
chemin de la chute, aux stations notées d’avance et in-
variables.

Rosine résista. Mais sa résistance était si mal étayée!
Le papa grattait toujours son papier sans autre souci
en ce monde. La maman n’avait qu’un idéal : réussir la
crème au chocolat le dimanche.

Rosine, qui se sentait des délicatesses plus hautes
que l’intelligence maternelle, ne pouvait prendre pour
confidente et pour conseil celle qui ne la comprenait
pas.

Que vous dirai-je? Je n’ai point de circonstances atté-
nuantes à plaider. Elle succomba!

Jacques Bernard lui avait promis d'ailleurs :

— Rosine, je te le jure, tu seras ma femme.

Elle aurait pu, avec la sûreté de calcul de tant d’au-
tres, répondre :

— Pourquoi pas tout de suite?

Elle aimait trop Jacques pour douter de lui.

Il trouvait qu’il était encore trop obscur et trop peu
fortuné pour unir leurs deux misères par le lien so-
lennel.

Mais il avait promis. C’était assez pour Rosine.

Et Jacques Bernard, métamorphosé, inspiré, trans-

figuré par l’amour, avait commencé un chef-d’œuvre.
Ce chef-d’œuvre, vous le devinez, c’était la statue de sa
maîtresse, et à mesure que la besogne avançait, c’étaient
des applaudissements de tous ceux qui visitaient l’ate-
lier. Et d’avance la renommée s’en était propagée. Et
les réclames des journaux annonçaient déjà qu’un grand
artiste allait se révéler au prochain Salon. Et un mar-
chand — suprême épreuve — vint offrir à Jacques Ber-
nard dix mille francs de l’œuvre encore inachevée !

Sur ces entrefaites, Rosine, qui avait épuisé tous les
prétextes et tous les mensonges pour venir passer chaque
jour deux ou trois heures chez Jacques, Rosine lassa
la crédulité et l’insouciance maternelles.

La vérité ayant été surprise, ce fut une scène ter-
rible au logis.

Rosine, qui croyait, ne répondit pas. Elle vint tout
droit à Jacques :

— Ami, ma mère sait tout. Je ne lui ai pas même dit
que tu m’épouserais. C’est toi, n’est-ce pas, qui viendras
aujourd’hui leur répét' r que je vais être la femme?...

Jacques fut évasif d’abord, puis finit par répliquer :

— Eh bien ! oui... A ce soir !

Le soir, ce ne fut pas lui qui vint ; ce fut une lettre
où il démontrait à Rosine qu’il y aurait toujours même
folie à contracter une union ainsi brusquée, qu’il fallait
attendre, que... que... que...

Les dix mille francs du marchand avaient monté à la
tête de Jacques. Un artiste illustre pouvait-il devenir le
mari dune ouvrière?...

Rosine lut la lettre, ne versa pas une larme et sortit.

Le lendemain, les journaux du soir publiaient ce
simple filet :

« On a retiré ce matin de la Seine, au Pont-Neuf, le
corps d’une jeune fille qui paraissait n’avoir séjourné
dans l’eau que quelques heures. Le corps a été porté à la
Morgue. »

Six mois s’étaient écoulés.Le Salon allait s’ouvrir.

Jacques Bernard, qui avait achevé son admirable sta-
tue, présidait lui-même à sou départ pour le palais des
Champs-Elysées.

Quelques artistes, attirés parle renom toujours gran-
dissant du chef-d’œuvre, étaient là, le félicitant.

Jacques, qui n’avait pas môme l’air de se souvenir,
était radieux.

La statue était déjà hissée sur le lourd camion, quand
celui-ci fit mine de s’ébranler.

La statue chancelle. Jacques Bernard s’élance poui
la retenir. Le marbre glisse sur lui d’abord, puis rebon-
dit sur le sol, où il se brise en mille éclats, tandis que
Jacques Bernard, mortellement frappé par le coup, ren-
contrait au bout de son dernier regard la tête mutilée
de la statue.

Le lendemain, les journaux contenaient encore un
fait-divers émouvant.

Et Rosine était vengée.

CASCADIO.

U T r T ’O CJa.le-K.esta.Lira.rLt- p A T) T P
il I JLl Ll 0 39. Boulevard de» Capucines, 39 JT il 11 1 IJ
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