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Le charivari — 59.1890

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Janvier
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https://doi.org/10.11588/diglit.23884#0055
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ACTUALITÉS 10

— Pour Paris... Comment, cinquante francs !

— Ce ne sont plus les tarifs de l’Exposition. .

— C’est point juste, voyons... Vous voulez me faire payer plus cher quand il n’y
a plus rien à voir!...

H TlîlC DE COURTIER

Si Beaumarchais avait connu Marascot, [« courtier
d’annonces, » comme il s’intitule sur scs cartes de vi-
site, il eût certainement ajouté quelques touches à son
type immortel de Figaro.

Actif, intrigant, plein d'invention, ce prodigieux Ma-
rascot a tout fait, a passé partout, jjusqu’à devenir pre-
mier ministre du roi d’une île de l’Océanie, chez lequel
il était entre d’abord en qualité de cuisinier. |Mais, un
jour de révolution, le roi eut le malheur d’être mangé
par ses sujets, et ce fut Marascot qui, en souvenir de
son premier métier, se vit chargé de le faire rôtir, après
lui avoir, au préalable, farci le ventre de bananes.

Cette aventure le dégoûta définitivement de la politi-
que, et Marascot, revenu pauvre à Paris, — car, malgré
tout il est honnête, — a dû, pour vivre, s'improviser
courtier d’annonces sur la place.

Avec son tempérament, Marascot ne pouvait être un
vulgaire courtier comme les autres. Chez lui, aucun
bagout, peu de paroles. C’est par l’observation philoso-
phique des caractères qu’il prend les clients et enlève
les affaires.

Il y a quelque temps, Marascot avait jeté son dévolu
sur le propriétaire d'un café très fréquenté de la rue
Montmartre, auquel il proposait un traité de trois ans

pour une annonce hebdomadaire à la troisième page
d'un des plus grands journaux de Paris. Il lui fit valoir,
dans un petit discours bien tourné, Ls avantages de la
combinaison, et le limonadier, visiblement séduit, allait
céder, lorsque sa femme, qui, du haut du comptoir où
elle trônait, assistait à la conférence, vint changer le
sort de la bataille.

— Mon ami, fit-elle observer doucement à son mari,
tu sais bien que les temps sont durs, et que nous ne
pouvons nous permettre en ce moment des dépenses
inutiles.

— Une dépense inutile ! protesta vivement Marascot
en levant les bras au ciel d’un geste indigne. Mais,
madame, l’annonce est une dépense éminemment lu-
crative, puisqu’elle rend au centuple ce qu’elle coûte !

— N’importe! fit sèchement la limonadière : notre
maison a toujours marché sans cela.

— C'est vrai, fit le mari, abandonnant la partie. Eh
bien, monsieur, ajouta-t-il en se tournant vers Maras-
cot pour le congédier, je le regrette beaucoup, mais il
n’y a rien à faire pour le moment... Plus tard, je ne
dis pas, je verrai, je pèserai le pour et le contre...

— Manqué! se disait Marascot en s’éloignant. Au
diable la vieille chipie, qui me fait perdre une commis-
sion de cinq cents francs ! lieu! heu ! Ni si vieille, ni si
chipie, au contraire ! Une fort belle femme encore, cer-
tainement plus jeune que son mari d’une d uzaino
d’années, et qui doit avoir besoin de compensations,
car, lui, il est vanné, fini. Heu ! heu ! Moi aussi, je
demande à réfléchir...

Quelques jours après, la belle limonadière, en s’ins-
tallant à sa caisse, trouvait devant elle un billet, qu’un
des garçons du café, corrompu par Marascot, y avait
glissé. Elle lut :

« Madame, un admirateur passionne de vos charmes
désirerait vous entretenir quelques instants. Si vous
vouliez demain, vers quatre heures, vous rendre au
Palais-Royal, galerie d’Orléans, vous y trouveriez un
homme qui donnerait sa vie pour vous. »

Pas do signature. Marascot avait bien pris toutes ses
précautions, avec l’intuition du génie. Il n’ignorait pas
que, de quatre à cinq heures, les cafés, avant l’absin-
the, sont à peu près déserts, et que la dame n’aurait
pas trop de peine pour s’absenter, sous quelque honnête
prétexte.

Lorsque, vers six heures, la limonadière rentra au
logis, furieuse d’avoir mis pour rieu sa plus belle toi-
lette, car personne ne l’avait accostée, son mari lui dit
timidement :

— Ma chérie, le courtier d’annonces do l’autre jour est
revenu en ton absence. Et, ma foi! il m’a fait des condi-
tions si avantageuses, que je me suis laissé tenter. J’ai
signé.

— Imbécile 1 lui cria sa femme, comprenant le truc de
Marascot. Tu mériterais...

— Quoi donc?

— Rien, fit la limonadière, se contenant juste à
temps.

Paul Courty.
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