ACTUALITÉS
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— Eh bien, Landremol, on ne salue donc plus ses chefs?
— Oh! mais tout de suite, si mon lieutenant veut bien me tenir un estant
le panier et les gamelles.
CHIENS CONTROLEURS
Oh! les histoires do chiens!
Je connais des gens qui pleurent comme un veau
lorsqu’ils lisent le récit du tendre dévouement d’un
loulou refusant sa nourriture depuis que l’enfant de la
liaison a, la coqueluche, ou du suicide d’un basset qui
« se périt » parce qu’on a devant lui caressé le griffon
d'une tante à héritage.
t.es meilleures histoires de ce genre nous viennent du
Midi — naturellement.
En voici une toute récente de même Provence — par-
don, de même provenance — et qui a déjà humecté bien
des paupières.
Je la cueille dans un journal :
Un brave monsieur se rendait à son village.
Sur ia route, il rencontre un homme désolé qui lui
dit en gémissant :
— Est-il rien sur la terre de plus malheureux que
ül°i!... (On pourrait mettre ça en vers; on en ferait
blême une jolie complainte.) J’allais reparler quinze
°uis à mon patron, continue le i auvre homme; je les
ava>s mis dans ma poche, hélas! sans m’apercevoir
qu’elle était percée... Alors les louis sont tombés... je
les ai semés, un par un, tout le long du chemin, dans
la boue... Que vais-je devenir maintenant!... Gomment
les retrouver?... II ne m’en re te plus qu’un, le quin-
zième... le voici.
— Donnez, dit le monsieur complaisant, après s’étre
frappé le front; ce qui voulait dire qu’il avait une idée.
Là-dessus, il siffle son chien, lui fait sentir le louis et
lui crie :
— Cherche!
Le bon chien se met en quête, et bientôt rapporte les
louis dans sa gueule. (Emouvant sujet de pendule.)
Le pauvre homme, les larmes aux yeux, compte et
recompte ia petite fortune qu’il a retrouvée; mais il s’ar-
rête un peu décontenancé.
— Il n’y en a que quatorze, murmure-t-il; il me man-
que une pièce de vingt francs !
— Ce n’est pas possible, dit le monsieur complaisant, .
mon chien ne se trompe jamais !
Enfin, il renvoie néanmoins l’animal que tous les
deux suivent à distance.
Bientôt on aperçoit le louis qui brille dans la boue.
Le bon chien, on passant, s’est contenté de lever la
patte dessus.
Qu’est-ce que cela signifie?
On prend la pièce, on l’examine...
Elle était fausse !!
Si, après ça, on a encore besoin de pierre de touche !
Le chien contrôleur a désormais sa place indiquée
dans toutes les boutiques.
Quand un client distrait ou roublard essaiera de pas-
ser à la caisse une pièce de cent sous douteuse, la de-
moiselle de comptoir, au lieu de se livrer aux petites
simagrées habituelles, présentera la pièce au chien du
contrôle.
Si celui-ci renifle avec satisfaction, la demoiselle en-
caissera.
S’il lève la pâlie, elle rendra l’argent.
Nul doute que le flau du bon chien ne soit assez dé-
veloppé pour établir une différence entre un morceau de
verre gentiment taillé et un diamant de cent mille
francs.
Ce qui nous donnera le chien lapidaire.
Cet animal serait d’une grande utilité, par exemple,
dans les administrations de prêts sur gage, qui ne sc
trouveraient plus exposées à avancer la forte somme
sur un bouchon de carafe.
Dans le monde, le toutou lapidaire rendrait aussi des
services.
Mme de Strassenville pourrait moins facilement faire
croire que toute sa verroterie vaut, au bas mot, cinq
cent mille francs.
La maîtresse de la maison n’aurait qu’à appeler son
fidèle Azor.
Celui-ci, après avoir consciencieusement flairé la
dame, lèverait la patte dédaigneusement, et on serait
fixé.
Jules Desmolliens,
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— Eh bien, Landremol, on ne salue donc plus ses chefs?
— Oh! mais tout de suite, si mon lieutenant veut bien me tenir un estant
le panier et les gamelles.
CHIENS CONTROLEURS
Oh! les histoires do chiens!
Je connais des gens qui pleurent comme un veau
lorsqu’ils lisent le récit du tendre dévouement d’un
loulou refusant sa nourriture depuis que l’enfant de la
liaison a, la coqueluche, ou du suicide d’un basset qui
« se périt » parce qu’on a devant lui caressé le griffon
d'une tante à héritage.
t.es meilleures histoires de ce genre nous viennent du
Midi — naturellement.
En voici une toute récente de même Provence — par-
don, de même provenance — et qui a déjà humecté bien
des paupières.
Je la cueille dans un journal :
Un brave monsieur se rendait à son village.
Sur ia route, il rencontre un homme désolé qui lui
dit en gémissant :
— Est-il rien sur la terre de plus malheureux que
ül°i!... (On pourrait mettre ça en vers; on en ferait
blême une jolie complainte.) J’allais reparler quinze
°uis à mon patron, continue le i auvre homme; je les
ava>s mis dans ma poche, hélas! sans m’apercevoir
qu’elle était percée... Alors les louis sont tombés... je
les ai semés, un par un, tout le long du chemin, dans
la boue... Que vais-je devenir maintenant!... Gomment
les retrouver?... II ne m’en re te plus qu’un, le quin-
zième... le voici.
— Donnez, dit le monsieur complaisant, après s’étre
frappé le front; ce qui voulait dire qu’il avait une idée.
Là-dessus, il siffle son chien, lui fait sentir le louis et
lui crie :
— Cherche!
Le bon chien se met en quête, et bientôt rapporte les
louis dans sa gueule. (Emouvant sujet de pendule.)
Le pauvre homme, les larmes aux yeux, compte et
recompte ia petite fortune qu’il a retrouvée; mais il s’ar-
rête un peu décontenancé.
— Il n’y en a que quatorze, murmure-t-il; il me man-
que une pièce de vingt francs !
— Ce n’est pas possible, dit le monsieur complaisant, .
mon chien ne se trompe jamais !
Enfin, il renvoie néanmoins l’animal que tous les
deux suivent à distance.
Bientôt on aperçoit le louis qui brille dans la boue.
Le bon chien, on passant, s’est contenté de lever la
patte dessus.
Qu’est-ce que cela signifie?
On prend la pièce, on l’examine...
Elle était fausse !!
Si, après ça, on a encore besoin de pierre de touche !
Le chien contrôleur a désormais sa place indiquée
dans toutes les boutiques.
Quand un client distrait ou roublard essaiera de pas-
ser à la caisse une pièce de cent sous douteuse, la de-
moiselle de comptoir, au lieu de se livrer aux petites
simagrées habituelles, présentera la pièce au chien du
contrôle.
Si celui-ci renifle avec satisfaction, la demoiselle en-
caissera.
S’il lève la pâlie, elle rendra l’argent.
Nul doute que le flau du bon chien ne soit assez dé-
veloppé pour établir une différence entre un morceau de
verre gentiment taillé et un diamant de cent mille
francs.
Ce qui nous donnera le chien lapidaire.
Cet animal serait d’une grande utilité, par exemple,
dans les administrations de prêts sur gage, qui ne sc
trouveraient plus exposées à avancer la forte somme
sur un bouchon de carafe.
Dans le monde, le toutou lapidaire rendrait aussi des
services.
Mme de Strassenville pourrait moins facilement faire
croire que toute sa verroterie vaut, au bas mot, cinq
cent mille francs.
La maîtresse de la maison n’aurait qu’à appeler son
fidèle Azor.
Celui-ci, après avoir consciencieusement flairé la
dame, lèverait la patte dédaigneusement, et on serait
fixé.
Jules Desmolliens,