ACTUALITÉS
IG
ELECTIONS CONSULAIRES
— Les femmes vont être électrices ?... Alors je pourrai voter, moi?
— Pardon, belle-maman, ne confondez pas les femmes patentées avec les femmes
pas tentantes !
TOUS EMPOISONNÉS
Je vous demande pardon. Je vais avoir l’air d’un
effroyable matérialiste. O lectrices, qu’en penserez-vous?
Mais Molière a proclamé depuis longtemps que gue-
nille a droit de nous être chère.
Et la première condition pour que la guenille dure,
c’est do ne pas nous laisser empoisonner par les gargo-
teries infâmes qui se pratiquent de nos jours.
Car la cuisine se meurt.
Pour essayer de la sauver, sans doute, s’est fondée
l’Association qui, plusieurs lois déjà, a convié Paris à
ses expositions culinaires.
Noble but, intention généreuse. On ne saurait trop
encourager cc suprême effort. Car il est temps vraiment
de venir au secours de nos estomacs.
v
*• a
Ce que nous mangeons n’a de nom dans aucune lan-
gue honnête.
Et je ne parle pas seulement de la nourriture débitée
dans les maisons d’empiffrage à prix fixe. Je no paile
pas seulement des établissements borgnes où le bouillon
est aveugle.
C’est à peu piès partout la môme décadence.
Elles prennent ensuite des leçons directes. Mais quel-
les leçons !
Brillat-Savarin adéelaré qu’il était impossible de faire
bn dîner délicat pour plus de douze personnes. 11 s’y
c°unaissait, cet homme de gueule.
, Au delà, en effet, c’est de l’alimentation collective à
laquelle l’art reste étranger.
Or, aux apprenties cuisinières, on n’enseigne que
cette formule dégénérée.
Et alors elles vous viennent apporter dans les inté-
rieurs bourgeois leui s roux dilués, leurs sauces blan-
ches encollfes, leurs entremets fadasses, leurs menus à
tout faire.
Et alors, où que vous alliez, vous retrouvez — ô sup-
plice ' — l’invariable turbot escorté de l’invariable sauce
qui se dit hollandaise, l’immuable filet nageant dans
quelque chose de noirâtre qui déshonore la" réputation
du vin do Madère en lui attribuant de honteuses com-
plicités.
Vous savez la suite...
% a
C’est un défilé réglementaire et écoeurant.
Ah ! jadis, que c’était différent! Souvenons-nous-en.
Dans les plus simples familles, on avait de ces recet-
tes probes qui nous donnaient à la fois plaisir et santé.
Comme on s’en léchait les doigts ! Et avec quelle
fierté la vieille servante vous posait ce piat-là sur la ta-
ble, avec un air qui signifiait :
— Vous allez m’en dire des nouvelles, mes enfants !
Elle paraît sut tout mortellement frappée, celte brave,
cette loyale cuisinière bourgeoise, qui savait si bien
joindre futile à l’agréable.
Voilà le danger !
On a l’apparence, on n’a plus la réalité.
Sur les tables figure toujours le nombre voulu de
mets. On les affuble môme de noms sonores et variés à
remplir un dictionnaire.
Mais ce ne sont là que des trompe-l’œil et des trompe-
bouche.
Goûtez.
'Partout vous retrouverez les mômes sauces, insipides,
banales, — disons le mot, canailles.
C’est une espèce de décoction roussâtre, gluante, en-
farinée, qu’on affuble de sobriquets prétentieux.
Il s’est perdu, l’art des plats mijotés, caressés.
O cordon bleu du passé, qu’es-tu devenu?
%»•
Tu es devenu la cuisinière-omnibus du présent.
Elles sont toutes les mêmes. Elles arrivent toutes au
même but par le même chemin.
A peine au sortir de l'enfance (musique do Méhul),
elles entrent dans un cercle, comme laveuses de vais-
selle.
Oh! la cuisine de cercle! Quels ravages elle a exercés !
Là, ces néophytes regardent faire le chef ou le sous-
chef. C’est la première étape.
Si l’Association culinaire qui nous honore de ses ex-
positions annuelles veut poursuivre un but vraiment
patriotique et bienfaisant, c’est surtout à la résurrection
de la cuisine bourgeoise qu’il faut qu’elle se voue.
Hors de là, pas de salut.
Vous aurez beau empanacher les chauds-froids or-
gueilleux, vous aurez beau étaler les pièces de parade
devant lesquelles le badaud s’ébahira, tout cela restera
stérile, si vous ne restaurez pas les antiques traditions.
On ne sait plus manger, ô goinfres!
Pourquoi?
Parce qu’on ne trouve plus rien qui vaille l’honneur
d’une dégustation recueillie.
Nous, les gourmets de l’Europe, nous devenons un
peuple qui se bourre de tripes. Pouah!
Qui sauvera l’honneur de nos fourneaux? Qui arrê-
tera l’invasion des barbares? Qui empêchera le goût
national de se noyer dans la sauce rousse?
Celui-là aura bien mérité de la France.
André Laroche.
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ELECTIONS CONSULAIRES
— Les femmes vont être électrices ?... Alors je pourrai voter, moi?
— Pardon, belle-maman, ne confondez pas les femmes patentées avec les femmes
pas tentantes !
TOUS EMPOISONNÉS
Je vous demande pardon. Je vais avoir l’air d’un
effroyable matérialiste. O lectrices, qu’en penserez-vous?
Mais Molière a proclamé depuis longtemps que gue-
nille a droit de nous être chère.
Et la première condition pour que la guenille dure,
c’est do ne pas nous laisser empoisonner par les gargo-
teries infâmes qui se pratiquent de nos jours.
Car la cuisine se meurt.
Pour essayer de la sauver, sans doute, s’est fondée
l’Association qui, plusieurs lois déjà, a convié Paris à
ses expositions culinaires.
Noble but, intention généreuse. On ne saurait trop
encourager cc suprême effort. Car il est temps vraiment
de venir au secours de nos estomacs.
v
*• a
Ce que nous mangeons n’a de nom dans aucune lan-
gue honnête.
Et je ne parle pas seulement de la nourriture débitée
dans les maisons d’empiffrage à prix fixe. Je no paile
pas seulement des établissements borgnes où le bouillon
est aveugle.
C’est à peu piès partout la môme décadence.
Elles prennent ensuite des leçons directes. Mais quel-
les leçons !
Brillat-Savarin adéelaré qu’il était impossible de faire
bn dîner délicat pour plus de douze personnes. 11 s’y
c°unaissait, cet homme de gueule.
, Au delà, en effet, c’est de l’alimentation collective à
laquelle l’art reste étranger.
Or, aux apprenties cuisinières, on n’enseigne que
cette formule dégénérée.
Et alors elles vous viennent apporter dans les inté-
rieurs bourgeois leui s roux dilués, leurs sauces blan-
ches encollfes, leurs entremets fadasses, leurs menus à
tout faire.
Et alors, où que vous alliez, vous retrouvez — ô sup-
plice ' — l’invariable turbot escorté de l’invariable sauce
qui se dit hollandaise, l’immuable filet nageant dans
quelque chose de noirâtre qui déshonore la" réputation
du vin do Madère en lui attribuant de honteuses com-
plicités.
Vous savez la suite...
% a
C’est un défilé réglementaire et écoeurant.
Ah ! jadis, que c’était différent! Souvenons-nous-en.
Dans les plus simples familles, on avait de ces recet-
tes probes qui nous donnaient à la fois plaisir et santé.
Comme on s’en léchait les doigts ! Et avec quelle
fierté la vieille servante vous posait ce piat-là sur la ta-
ble, avec un air qui signifiait :
— Vous allez m’en dire des nouvelles, mes enfants !
Elle paraît sut tout mortellement frappée, celte brave,
cette loyale cuisinière bourgeoise, qui savait si bien
joindre futile à l’agréable.
Voilà le danger !
On a l’apparence, on n’a plus la réalité.
Sur les tables figure toujours le nombre voulu de
mets. On les affuble môme de noms sonores et variés à
remplir un dictionnaire.
Mais ce ne sont là que des trompe-l’œil et des trompe-
bouche.
Goûtez.
'Partout vous retrouverez les mômes sauces, insipides,
banales, — disons le mot, canailles.
C’est une espèce de décoction roussâtre, gluante, en-
farinée, qu’on affuble de sobriquets prétentieux.
Il s’est perdu, l’art des plats mijotés, caressés.
O cordon bleu du passé, qu’es-tu devenu?
%»•
Tu es devenu la cuisinière-omnibus du présent.
Elles sont toutes les mêmes. Elles arrivent toutes au
même but par le même chemin.
A peine au sortir de l'enfance (musique do Méhul),
elles entrent dans un cercle, comme laveuses de vais-
selle.
Oh! la cuisine de cercle! Quels ravages elle a exercés !
Là, ces néophytes regardent faire le chef ou le sous-
chef. C’est la première étape.
Si l’Association culinaire qui nous honore de ses ex-
positions annuelles veut poursuivre un but vraiment
patriotique et bienfaisant, c’est surtout à la résurrection
de la cuisine bourgeoise qu’il faut qu’elle se voue.
Hors de là, pas de salut.
Vous aurez beau empanacher les chauds-froids or-
gueilleux, vous aurez beau étaler les pièces de parade
devant lesquelles le badaud s’ébahira, tout cela restera
stérile, si vous ne restaurez pas les antiques traditions.
On ne sait plus manger, ô goinfres!
Pourquoi?
Parce qu’on ne trouve plus rien qui vaille l’honneur
d’une dégustation recueillie.
Nous, les gourmets de l’Europe, nous devenons un
peuple qui se bourre de tripes. Pouah!
Qui sauvera l’honneur de nos fourneaux? Qui arrê-
tera l’invasion des barbares? Qui empêchera le goût
national de se noyer dans la sauce rousse?
Celui-là aura bien mérité de la France.
André Laroche.