LE CHARIVARI
uae jolie femme. Elle eut 11 volonté de devenir quel-
qu’un, et c’est par cela qu’elle nous intéresse spé-
cialement. Elle a travaillé avec courage pour venir à
bout des jalousies et des partis-pris qui essayaient de
lui barrer le chemin. C’est encore une bonne note.
J’aurais préféré pour die qu’elle ne fît pas sa ren-
trée dans une reprise. Les reprises créent toujours
un certain nombre d’entêtements obstinés à faire de
jadis l’adversaire d’aujourd’hui.
Dans une œuvre inédite, on n’a à compter qu’avec
son propre effort. Ici il faut compter avec les rap-
prochements et les parallèles.
Le rôle de la comtesse Romani fut une victoire
pour MmePasca, et naturellement les évocateurs de ,
souvenirs ne pouvaient manquer l’occasion.
Comparaison n’est pas raison.
Cette Comtesse Romani, comme toutes les œuvres
auxquelles Dumas a mis la main, a une incontestable
vitalité, un mouvement matériel et passionnel très
à part, et ce n’est certes pas l’inexpérience d’un dé-
butant comme M. Fould qui aurait pu faire manœu-
vrer tant de monde à travers une action vibrante,
qui aurait pu surtout écrire ce rôle de la comtesse,
d’un relief puissant.
Mais le drame — car, en somme, c’est un drame
qu’on a peut-être eu tort de ne pas boulevardiser
tout à fait — a des vacillations et des inconséquen-
ces dont cette fois l’auditoire s’est montré choqué.
Il nous a même paru qu’il témoignait sa résistance
avec plus de raideur qu’il n’était juste.
Question de nerfs.
L’histoire du mari de tragédienne, à qui son union
attire une foule de désagréments, a d’ailleurs été si
souvent contée sous diverses formes que la lassitude
s’explique jusqu’à un certain point.
Je reviens à Mme Hading. J’ai trouvé que son ta-
lent avait pris une vigueur qu’on ne lui soupçonnait
pas.
Il a ajouté au charme et à la sensibilité l’accent
qui sait remuer une salle.
Celle du Vaudeville pourtant, après s’être laissé
enlever aux deux premiers actes, a eu quelque re-
froidissement ensuite.
Ce n’est pas, à mon sens, la faute de l’artiste, mais
la faute de la pièce, qui s’esl démodée.
Ce qui donne pleinement raison à mon desidera-
tum. Ce qui prouve qu'il aurait fallu faire redébuter
Mme Hading dans une œuvre inédite.
Pour trouver cette œuvre, elle n’aura que l’em-
barras du choix ; caries auteurs, sentant en elle une
interprète comme Paris en compte trop peu, hélas !
seront tous jaloux de mettre ce talent dans leur
jeu.
Les autres interprètes n’ont pas mérité des men-
tions bien spéciales.
M. Duflos a paru plus violent que touchant. Ne
forçons pas notre... Vous savez le reste.
M. Berton fils est agréable, M. Peutat adroit.
Citons encore Mmes Dinelli et Grassot.
Mais je ne crois pas que la Comtesse Romani soit
jamais reprise une quatrième'fois.
Pierre Véron.
CHRONIQUE DU JOUR
La disparition complète de l’influenza, do fàchéuse
mémoire, va, par contre-coup, nous priver de la vue
d’un type que l’on rencontrait couramment, ces jours
derniers encore, sur le boulevard.
C’est le « Monsieur qui tient son mouchoir sur la
bouche en temps d’épidémie ».
Il a lu, dans la revue scientifique de son journal,
qu’à ces moments-là l’air est infecté de microbes, de
bacilles et de bactéries, et il prend ses précautions en
conséquence.
Le « Monsieur au mouchoir sur la bouche » est natu-
rellement rouge et congestionné, mais il s’asphyxierait
tout à fait plutôt que de consentir à respirer librement.
S'il aperçoit un ami à dix pas, il change brusque-
ment do trottoir, pour no pas avoir à lui parler.
Souvent il porte aussi du coton dans ses oreilles,
afin de préserver l’entrée de ces orifices des miasmes de
l'air ambiant.
Alors, il est complet.
Nous l’avons, paraît-il, échappé belle. Une revue de
modes apprend aux populations qu’il y a eu une tenta-
tive sérieuse pour remplacer les bas de couleur des da-
mes par des bas blancs. Mais ce commencement de ré-
volution a échoué, et c’est, au contraire, « le bas écos-
sais » qui triomphe. Respirons !
Bien jolis, en effet, ces bas polychromes, de toutes
les couleurs de l’arc-en-ciel.
Grâce à cette mode charmante, nous avons mainte-
nant à Paris le langage des mollets, comme en Orient
il y a le langage des fleurs.
Une petite femme qui va à un premier rendez-vous
arbore des bas roses, couleur tendre entre toutes.
Celle qui attend de jour en jour le bien-aimé en
voyage, des bas verts, couleur de l’espérance.
Celle que son amant vient d’abandonner témoigne de
sou désespoir en vouant ses jambes aux bas noirs.
Quelques-unes ne craignent pas les bas jaunes, por-
tant hardiment ainsi la înéme couleur que leurs maris.
Le bas bleu est particulièrement agréable, quand il
n’est pas taché d'encre. Toutefois, il est préférable de
s’en abstenir, parce.qu’à cause de l’ancienne acception
du mot, il prèle à l’équivoque.
Enfin, les dames aimables, qui font de leurs bas une
tirelire, les mettent en vieil-or : on sait tout de suite ce
que cela signifie.
Cette mode est, en somme, éminemment morale. En
faisant chaque jour jambe neuve, la femme se varie
et retient son mari, qui n’est le plus souvent infidèle
que par amour du changement.
On a bien raison de dire que les Français ont la ma-
nie de se calomnier eux-mêmes et de se faire, en toute
matière, pires qu’ils ne sont.
Nous clabaudons beaucoup, par exemple, contre les
lenteurs parlementaires qui prolongent, pendant deux
ou trois mois, les débats de validation des élections der-
nières.
Eh bien, à Berlin, on vient d’invalider, ces jours-ci
seulement, un membre du Reichstag, élu en 1871, et
comme les pouvoirs du Parlement allemand sont sur le
point d’expirer, on voit que cet invalide d’invalidé n’en
aura pas moins siégé à peu près pendant toute la durée
de la législature.
Nous n’en sommes pas encore là en France, heureu-
sement.
La blonde Mlle de C... est devenue, depuis un mois,
la femme d’un banquier, qui donnait dernièrement en
son honneur une fête splendide.
Elevée avec une excessive réserve par. sa mère, la
femme de notre financier se décolletait, ce soir-là, pour
la première fois de sa vie. Aussi, comme elle causait
avee un invité, un Parnassien, qui, quoique jeune en-
core, a déjà commis deux ou trois volumes de vers :
— C’est étrange, disait la charmante maîtresse de
maison, nous voici à la fin de janvier et nous n’avons,
pour ainsi dire, pas eu de neige.
— Comment! s’esl écrié le poète. Pas de neige, l’année
où nous voyons pour la première fois ces épaules !
Rencontré, l’autre jour, l’ami G... eu costume com-
plet de Nemrod moderne.
— - Tiens ! vous chassez ? lui ai-je dit.
— Oui, beaucoup Les médecins me l’ont ordonné,
parce que je grossissais trop.
— Et ca vous réussit ?
— Pas*du tout, j’engraisse plutôt. C’est désespérant, et
je n’y comprends vraiment rien. Figurez-vous que jo
me lève tous les jours à quatre heures et que jo cours
les champs jusqu’à midi, où jo déjeune, dans la pre-
mière auberge venue, du produit de ma chasse du ma-
tin. Hier, tout un lièvre y a passé... avec une omelette
de six œufs. Le soir, affamé par cinq autres heures de
marche, j’ai dévoré trois perdreaux à mon dîner, sans
parler du reste. Eh bien, croiriez-vous qu’avec un pa-
reil exercice, je ne maigris pas !
Paul Courty.
rrnTTn/TTI n A CinTü décoration dn Nichimi potr ses Produits.
bREJlLU uAbblOFONTBONNE.àDIJOIf
Moutarde GREY-POUPON. Métl. d’Or, PaRIS 1889
AMERS KiOKLA 4l|KlNArran^i««j
incomparables, recommandés par tous les Docteurs, à base de la plante divine booa QH
Perçu”fabricant Campredon,Marseille,Qdlmport&teurde Vins ettous Rhum$
COURRIER DE VOYAGE
Monte-Carlo, 21 janvier.
Après la triomphale rentrée du nouveau prince et
de la princesse, voici la riante semaine.
Pas riante pour les pigeons qui vont tomber sous
les multiples coups des tireurs internationaux. Mais
j quelle animation ! Quel soleil ! Quelle chaleur !
Oui, quelle chaleur ! Ce n’est pas une gasconnade :
on étouffait littéralement hier pour l’ouverture des
grands tirs.
Aussi toute la colonie étrangère de Cannes, de
Nice, de Menton, après avoir suivi les courses niçoises
qui ont été plus brillantes que jamais, s’est-elle ra-
battue avec entrain sur la rive monégasque. Et que
de Parisiens ! Et que de Parisiennes!
Tous les sportsmen connus. Un bataillon de mon-
dains recrutés dans tous les clubs chics. Plus une
légion d’artistes, appartenant surtout au sexe ai-
mable.
Rencontré tout à l'heure Judic, qui se prépare à
sa grande tournée américaine ; Marie Magnier, forte
parieuse devant l’Eternel, qui a gagné un gros sac à
Nice et qui vient agacer le tapis vert; Mme Caron
naturellement, qui est en représentations à Monte-
Carlo.
Nous avons aussi Capoul et le grrrand, le seul,
l’incomparable Paulus.
M. Belot, flânant sur la terrasse, prépare son nou-
veau roman. Bergerat aiguise, en causant, les futures
ironies de Caliban.
Le boulevard au bord de la Méditerranée, quoi !
Rien de charmant comme cette transplantation.
Mais voici les premières détonations. Le tir com-
mence. Les concurrents sont nombreux et de grand
choix. Tout près de quatre-vingts, au nombre des-
quels d’anciens vainqueurs du grand-prix, comme le
capitaine Shelley.
Parmi les fusils d’élite, on remarque aussi le comte
de Quélen, M. Guidiccini, M. Moncorgé, lord
Gray, etc.
Pour le quart d’heure, le premier vainqueur de la
Grande poule d’essai a été M. Galetti. Mais ce ne
sont encore que les bagatelles de la porte. Les gros-
ses émotions sout tenues en réserve, et je vous .avi-
serai.
Demain, le Prix d’ouverture : 3,000 francs et un
objet d’art.
Après quoi, viendront les luttes définitives.
Au théâtre, nous avons eu la Statue, puis le Voyage
en Chine.
M. Bouhy a été très fêlé dans la Statue, ainsi que
Mme Caron.
La musique a paru touchée un peu par l’aile du
temps, et le poème plus nébuleux que de raison.
Très belle mise en scène, et un gentil ballet fort
applaudi.
Succès de franc rire pour le Voyage en Chine.
La partition de M. Bazin se laisse agréablement
écouter.
Au dernier concert classique, on s’écrasait pres-
que. Le dilettantisme a aussi son struggle fur Ufe.
Le Septuor de Beethoven a été magistralement en-
levé.
La musique française était heure usement repré-
sentée par un Andante de Bizet et par le Carnaval
de Guiraud.
Très intéressante séance. Mais ne le sont-elles pas
toutes ?
Ici, entre les plaisirs on n’a que l’embarras du
choix. Moi, pour ne pas être embarrassé, je tâche de
les déguster tous.
E. Yilliers.
BOURSE-EXPRESS
Voilà qu’il est encore question du petit roi d’Espagne.
Des rumeurs fâcheuses ont essayé de courir au sujet
dosa santé. Mais il est permis d’espérer qu'il en sera de
celles-là comme des autres. Nous n’avons vraiment
pas besoin d’une nouvelle funèbre pour compliquer
encore la liquidation de fin du mois.
Les Portugais sont un peu plus gais que la semaine
dernière. Mais c’est égal, ils conservent une rude dent
contre l’Angleterre.
Nous avons quelques renseignements au sujet du
versement appelé sur les actions de la Banque du Brésil.
Il paraît que cela a produit cent quinze francs.
Tant que ça !
Castortne.
Le Directeur-Gérant, Pierre Véron.
t, Paris. — Alcan-Lévy, imprimeur breveté, 24, rue Chauchat.
uae jolie femme. Elle eut 11 volonté de devenir quel-
qu’un, et c’est par cela qu’elle nous intéresse spé-
cialement. Elle a travaillé avec courage pour venir à
bout des jalousies et des partis-pris qui essayaient de
lui barrer le chemin. C’est encore une bonne note.
J’aurais préféré pour die qu’elle ne fît pas sa ren-
trée dans une reprise. Les reprises créent toujours
un certain nombre d’entêtements obstinés à faire de
jadis l’adversaire d’aujourd’hui.
Dans une œuvre inédite, on n’a à compter qu’avec
son propre effort. Ici il faut compter avec les rap-
prochements et les parallèles.
Le rôle de la comtesse Romani fut une victoire
pour MmePasca, et naturellement les évocateurs de ,
souvenirs ne pouvaient manquer l’occasion.
Comparaison n’est pas raison.
Cette Comtesse Romani, comme toutes les œuvres
auxquelles Dumas a mis la main, a une incontestable
vitalité, un mouvement matériel et passionnel très
à part, et ce n’est certes pas l’inexpérience d’un dé-
butant comme M. Fould qui aurait pu faire manœu-
vrer tant de monde à travers une action vibrante,
qui aurait pu surtout écrire ce rôle de la comtesse,
d’un relief puissant.
Mais le drame — car, en somme, c’est un drame
qu’on a peut-être eu tort de ne pas boulevardiser
tout à fait — a des vacillations et des inconséquen-
ces dont cette fois l’auditoire s’est montré choqué.
Il nous a même paru qu’il témoignait sa résistance
avec plus de raideur qu’il n’était juste.
Question de nerfs.
L’histoire du mari de tragédienne, à qui son union
attire une foule de désagréments, a d’ailleurs été si
souvent contée sous diverses formes que la lassitude
s’explique jusqu’à un certain point.
Je reviens à Mme Hading. J’ai trouvé que son ta-
lent avait pris une vigueur qu’on ne lui soupçonnait
pas.
Il a ajouté au charme et à la sensibilité l’accent
qui sait remuer une salle.
Celle du Vaudeville pourtant, après s’être laissé
enlever aux deux premiers actes, a eu quelque re-
froidissement ensuite.
Ce n’est pas, à mon sens, la faute de l’artiste, mais
la faute de la pièce, qui s’esl démodée.
Ce qui donne pleinement raison à mon desidera-
tum. Ce qui prouve qu'il aurait fallu faire redébuter
Mme Hading dans une œuvre inédite.
Pour trouver cette œuvre, elle n’aura que l’em-
barras du choix ; caries auteurs, sentant en elle une
interprète comme Paris en compte trop peu, hélas !
seront tous jaloux de mettre ce talent dans leur
jeu.
Les autres interprètes n’ont pas mérité des men-
tions bien spéciales.
M. Duflos a paru plus violent que touchant. Ne
forçons pas notre... Vous savez le reste.
M. Berton fils est agréable, M. Peutat adroit.
Citons encore Mmes Dinelli et Grassot.
Mais je ne crois pas que la Comtesse Romani soit
jamais reprise une quatrième'fois.
Pierre Véron.
CHRONIQUE DU JOUR
La disparition complète de l’influenza, do fàchéuse
mémoire, va, par contre-coup, nous priver de la vue
d’un type que l’on rencontrait couramment, ces jours
derniers encore, sur le boulevard.
C’est le « Monsieur qui tient son mouchoir sur la
bouche en temps d’épidémie ».
Il a lu, dans la revue scientifique de son journal,
qu’à ces moments-là l’air est infecté de microbes, de
bacilles et de bactéries, et il prend ses précautions en
conséquence.
Le « Monsieur au mouchoir sur la bouche » est natu-
rellement rouge et congestionné, mais il s’asphyxierait
tout à fait plutôt que de consentir à respirer librement.
S'il aperçoit un ami à dix pas, il change brusque-
ment do trottoir, pour no pas avoir à lui parler.
Souvent il porte aussi du coton dans ses oreilles,
afin de préserver l’entrée de ces orifices des miasmes de
l'air ambiant.
Alors, il est complet.
Nous l’avons, paraît-il, échappé belle. Une revue de
modes apprend aux populations qu’il y a eu une tenta-
tive sérieuse pour remplacer les bas de couleur des da-
mes par des bas blancs. Mais ce commencement de ré-
volution a échoué, et c’est, au contraire, « le bas écos-
sais » qui triomphe. Respirons !
Bien jolis, en effet, ces bas polychromes, de toutes
les couleurs de l’arc-en-ciel.
Grâce à cette mode charmante, nous avons mainte-
nant à Paris le langage des mollets, comme en Orient
il y a le langage des fleurs.
Une petite femme qui va à un premier rendez-vous
arbore des bas roses, couleur tendre entre toutes.
Celle qui attend de jour en jour le bien-aimé en
voyage, des bas verts, couleur de l’espérance.
Celle que son amant vient d’abandonner témoigne de
sou désespoir en vouant ses jambes aux bas noirs.
Quelques-unes ne craignent pas les bas jaunes, por-
tant hardiment ainsi la înéme couleur que leurs maris.
Le bas bleu est particulièrement agréable, quand il
n’est pas taché d'encre. Toutefois, il est préférable de
s’en abstenir, parce.qu’à cause de l’ancienne acception
du mot, il prèle à l’équivoque.
Enfin, les dames aimables, qui font de leurs bas une
tirelire, les mettent en vieil-or : on sait tout de suite ce
que cela signifie.
Cette mode est, en somme, éminemment morale. En
faisant chaque jour jambe neuve, la femme se varie
et retient son mari, qui n’est le plus souvent infidèle
que par amour du changement.
On a bien raison de dire que les Français ont la ma-
nie de se calomnier eux-mêmes et de se faire, en toute
matière, pires qu’ils ne sont.
Nous clabaudons beaucoup, par exemple, contre les
lenteurs parlementaires qui prolongent, pendant deux
ou trois mois, les débats de validation des élections der-
nières.
Eh bien, à Berlin, on vient d’invalider, ces jours-ci
seulement, un membre du Reichstag, élu en 1871, et
comme les pouvoirs du Parlement allemand sont sur le
point d’expirer, on voit que cet invalide d’invalidé n’en
aura pas moins siégé à peu près pendant toute la durée
de la législature.
Nous n’en sommes pas encore là en France, heureu-
sement.
La blonde Mlle de C... est devenue, depuis un mois,
la femme d’un banquier, qui donnait dernièrement en
son honneur une fête splendide.
Elevée avec une excessive réserve par. sa mère, la
femme de notre financier se décolletait, ce soir-là, pour
la première fois de sa vie. Aussi, comme elle causait
avee un invité, un Parnassien, qui, quoique jeune en-
core, a déjà commis deux ou trois volumes de vers :
— C’est étrange, disait la charmante maîtresse de
maison, nous voici à la fin de janvier et nous n’avons,
pour ainsi dire, pas eu de neige.
— Comment! s’esl écrié le poète. Pas de neige, l’année
où nous voyons pour la première fois ces épaules !
Rencontré, l’autre jour, l’ami G... eu costume com-
plet de Nemrod moderne.
— - Tiens ! vous chassez ? lui ai-je dit.
— Oui, beaucoup Les médecins me l’ont ordonné,
parce que je grossissais trop.
— Et ca vous réussit ?
— Pas*du tout, j’engraisse plutôt. C’est désespérant, et
je n’y comprends vraiment rien. Figurez-vous que jo
me lève tous les jours à quatre heures et que jo cours
les champs jusqu’à midi, où jo déjeune, dans la pre-
mière auberge venue, du produit de ma chasse du ma-
tin. Hier, tout un lièvre y a passé... avec une omelette
de six œufs. Le soir, affamé par cinq autres heures de
marche, j’ai dévoré trois perdreaux à mon dîner, sans
parler du reste. Eh bien, croiriez-vous qu’avec un pa-
reil exercice, je ne maigris pas !
Paul Courty.
rrnTTn/TTI n A CinTü décoration dn Nichimi potr ses Produits.
bREJlLU uAbblOFONTBONNE.àDIJOIf
Moutarde GREY-POUPON. Métl. d’Or, PaRIS 1889
AMERS KiOKLA 4l|KlNArran^i««j
incomparables, recommandés par tous les Docteurs, à base de la plante divine booa QH
Perçu”fabricant Campredon,Marseille,Qdlmport&teurde Vins ettous Rhum$
COURRIER DE VOYAGE
Monte-Carlo, 21 janvier.
Après la triomphale rentrée du nouveau prince et
de la princesse, voici la riante semaine.
Pas riante pour les pigeons qui vont tomber sous
les multiples coups des tireurs internationaux. Mais
j quelle animation ! Quel soleil ! Quelle chaleur !
Oui, quelle chaleur ! Ce n’est pas une gasconnade :
on étouffait littéralement hier pour l’ouverture des
grands tirs.
Aussi toute la colonie étrangère de Cannes, de
Nice, de Menton, après avoir suivi les courses niçoises
qui ont été plus brillantes que jamais, s’est-elle ra-
battue avec entrain sur la rive monégasque. Et que
de Parisiens ! Et que de Parisiennes!
Tous les sportsmen connus. Un bataillon de mon-
dains recrutés dans tous les clubs chics. Plus une
légion d’artistes, appartenant surtout au sexe ai-
mable.
Rencontré tout à l'heure Judic, qui se prépare à
sa grande tournée américaine ; Marie Magnier, forte
parieuse devant l’Eternel, qui a gagné un gros sac à
Nice et qui vient agacer le tapis vert; Mme Caron
naturellement, qui est en représentations à Monte-
Carlo.
Nous avons aussi Capoul et le grrrand, le seul,
l’incomparable Paulus.
M. Belot, flânant sur la terrasse, prépare son nou-
veau roman. Bergerat aiguise, en causant, les futures
ironies de Caliban.
Le boulevard au bord de la Méditerranée, quoi !
Rien de charmant comme cette transplantation.
Mais voici les premières détonations. Le tir com-
mence. Les concurrents sont nombreux et de grand
choix. Tout près de quatre-vingts, au nombre des-
quels d’anciens vainqueurs du grand-prix, comme le
capitaine Shelley.
Parmi les fusils d’élite, on remarque aussi le comte
de Quélen, M. Guidiccini, M. Moncorgé, lord
Gray, etc.
Pour le quart d’heure, le premier vainqueur de la
Grande poule d’essai a été M. Galetti. Mais ce ne
sont encore que les bagatelles de la porte. Les gros-
ses émotions sout tenues en réserve, et je vous .avi-
serai.
Demain, le Prix d’ouverture : 3,000 francs et un
objet d’art.
Après quoi, viendront les luttes définitives.
Au théâtre, nous avons eu la Statue, puis le Voyage
en Chine.
M. Bouhy a été très fêlé dans la Statue, ainsi que
Mme Caron.
La musique a paru touchée un peu par l’aile du
temps, et le poème plus nébuleux que de raison.
Très belle mise en scène, et un gentil ballet fort
applaudi.
Succès de franc rire pour le Voyage en Chine.
La partition de M. Bazin se laisse agréablement
écouter.
Au dernier concert classique, on s’écrasait pres-
que. Le dilettantisme a aussi son struggle fur Ufe.
Le Septuor de Beethoven a été magistralement en-
levé.
La musique française était heure usement repré-
sentée par un Andante de Bizet et par le Carnaval
de Guiraud.
Très intéressante séance. Mais ne le sont-elles pas
toutes ?
Ici, entre les plaisirs on n’a que l’embarras du
choix. Moi, pour ne pas être embarrassé, je tâche de
les déguster tous.
E. Yilliers.
BOURSE-EXPRESS
Voilà qu’il est encore question du petit roi d’Espagne.
Des rumeurs fâcheuses ont essayé de courir au sujet
dosa santé. Mais il est permis d’espérer qu'il en sera de
celles-là comme des autres. Nous n’avons vraiment
pas besoin d’une nouvelle funèbre pour compliquer
encore la liquidation de fin du mois.
Les Portugais sont un peu plus gais que la semaine
dernière. Mais c’est égal, ils conservent une rude dent
contre l’Angleterre.
Nous avons quelques renseignements au sujet du
versement appelé sur les actions de la Banque du Brésil.
Il paraît que cela a produit cent quinze francs.
Tant que ça !
Castortne.
Le Directeur-Gérant, Pierre Véron.
t, Paris. — Alcan-Lévy, imprimeur breveté, 24, rue Chauchat.