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Le charivari — 59.1890

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Mars
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https://doi.org/10.11588/diglit.23884#0305
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CINQUANTE-NEUVIÈME ANNÉE

Prix du Numéro ; 25 centimes

MERCREDI 19 MARS 1890


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PARIS

'Trois mois. 18 fr.

Six mois. 36 —

Un an. 72 —

Lis abonnements parlent des 1" et 16 de chaque mois

DIRECTION

Politique, Littéraire et Artistique

PIERRE VÉRON

Rédacteur en Chef

BUREAUX

DB LA RÉDACTION ET DE L’ADMINISTRATÎON

Rue de la Victoire, 20

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DIRECTION

Politique, Littéraire et Artistique
PIERRE VÉRON

Rédacteur en Chef

ANNONCES

ADOLPHE EWIG, fermier de la public3tê
92, Rue Richelieu

C H ARI VA RI

BULLETIN POLITIQUE

La crise ministérielle s’est dénouée.

Nous avons un ministère Tirard sans M. Tirard,
— mais avec rentrée de M. Constans.

C’est ce qui doit assurer le bonheur de la France.
Merci, mon Dieu !

La ministrdbilité — pardon du barbarisme, il m’est
nécessaire — est une bien drôle de chose.

A. un moment donné, tel politicien est tout à coup
honni. Haro sur le baudet ! Il n'en faut plus.Racca !

Les naïfs s’imaginent que c’est fini et qu’on n’en-
lendrajamais plus parler du per=onnage.

Erreur. Attendez quelques mois, — ou quelques
années, —et il sera redevenu minislrable.

Par contre, il en est qu’on va chercher aujour-
d'hui et qui, après-demain, seront honnis, cons-
pués.

M. Constans, par exemple, fut décrié jadis. II a
l’air d’être devenu indispensable.

L'honorable M. Brisson, qui vient de refuser le
portefeuille de la justice, est — dans un autre ordre
d’idées — un exemple de ces évolutions bizarres.

Il avait été apothéosé comme président de la
Chambre. On le fait président du conseil. Aussitôt
déchaînement.

Et il tombe, couvert d’imprécations idiotes ; car il
n’y avait aucune raison pour l’assaillir après l’avoir
flagorné.

Mais laissez marcher les aiguilles de l’horloge. le
temps s’écoule, et aujourd’hui M. Brisson, qu’on
vilipendait à tort et à travers, reprend raDg parmi les
ministrables, sans que personne s’en étonne ni s’en
offusque.

M. de Freycinet lui-même, le nouveau chef de
cabinet, n’a-t-il pas été fortement ballotté ?

Que de hauts et de bas 1

Il y eut des instants où il n’était pas bon à jeter
aux chiens. Il y en eut d’autres où on faisait de lui
l’homme indispensable.

Quels hurluberlus nous sommes !

Et comment prendre au sérieux, ensuite, les va-
et-vient de la vieille balançoire ministérielle ?

Déjà, d’ailleurs, on se met à bêcher M. de Freyci-
net.

Les Débats ont déjà fait grincer l’iroDie :

« Si habitué, ricanent-ils, que l’on soit à voir
M. de Freycinet se présenter sur la scène dans les
occurrences et dans 1 . s postures les plus diverses, on
l’attendait si peu celte fois, et le voici pourtant ! Son
apparition a été si soudaine, si rapide ! A peine
M. Tirard était-il par terre, qu’il a eu si tôt pris sa
place ; il y a eu si peu d’hésitation dans l'offre qui
lui a été faite, si peu d’incertitude, de sa part, pour
l’accepter, que l’on est bien obligé de se dire : M. de
Freycinet était donc l'homme de la situation, l’homme
nécessaire, l’homme fatal?

» Assurément, dira-t-on, il est tout cela, et dans
toutes les circonstances possibles ; sa merveilleuse
souplesse, jointe à ses incontestables talents, le rend
propre à tous les rôles. Il a été l’homme de la si-

tuation pour s’associer à la politique de M. Dufaure ;
l’homme de la situation pour présider à la politique
des décrets; l’homme de la situation aux yeux de
M. Clémenccau, quand il s’est agi de pourvoir à la
présidence de la République; plus tard pour amener
le général Boulanger au ministère, pour fonder sa
fortune, pour le défendre contre Ses adversaires ; plus
tard encore pour le combattre, mais après un assez
long recueillement. »

Et comme conclusion :

« Parmi toutes ses métamorphoses, il y a quel-
que chose qui n’a pas varié. Il a toujours été l’homme
qui n’a jamais eu ni un principe fixe, ni un pro-
gramme arrêté. Il personnifie la poli'ique de l’aban-
don, des concessions, de la timidité chronique, de
l’obéissance docile aux exigencesdes radicaux.

» Et c’est à lui que l’on s’adresse pour remettre le
gouvernement de la France entre ses mains. Et à
quel moment? Après des élections qui ont été la
condamnation la plus éclatante de sa politique. »

On n'est pas plus doucement venimeux.

La Justice, à un autre bout, n’est pas beaucoup plus
consolante, quoi qu’elle fasse patte de velours.

« Des réformes, des économies, s’écrie-t-elle, tout
est là, Si le ministère prochain ne le voit pas, non
seulement il se perdra (le'mal serait réparable), mais
il risque de compromettre giavement la République
avec lui.

» M. de Freycinet va retrouver la même question
qu’il a trouvée devant lui à sa dernière présidence
du conseil, en 1886. Mais il va la retrouver singu-
lièrement aggravée. Ce fut toujours un ministre très
remarquable ; on lui reproche de n’avoir pas été un
ministre économe, même quand, avec sa merveil-
leuse intelligence des situations, il faisait des écono •
mies le premier article de son programme. On attend
encore, en actes, les réformes dont il peut être dis-
posé à prendre l’initiative. »

Gomme lune de miel, ce n’est pas tout ce qu’il y a
de plus rassurant !

Pierre Vérom

L’INTERVIEW DE L’AVENIR

Une innovation américaine qui, après s’êlre
brusquement introduite dans nos mœurs, a marché
à pas de géants, c’est l'interview.

Il est certain que les maîtres de l’ancien journa-
lisme n’avaient pas la moiadre idée de ce genre d'in-
formations à outrance, et que si Armand Garrel n’a-
vait pas été jadis tué en duel par M. Emile de Gi-
rardiD,il n’en reviendrait pas aujourd’hui en consta-
tant la complète transformation de la presque una-
nimité des feuilles plus ou moins publiques.

Cette modification essentielle fait-elle concurrence
à la Bourgogne, au temps du mélodrame roman-
tique, c’est-à-dire est-elle heureuse? Nous n’avoDS
pas à nous prononcer ici, et, ne fût-elle même pas
de notre goût, que nous devrions encore nous abste-
nir de la condamner. Le public semble s’y com-

plaire, et c’est le principal. Les lecteurs, après tout,
n’ont jamais que les journaux qu’ils méritent.

Toutefois, nous ne pouvons laisser passer, sans le
signaler aussitôt, un nouveau progrès, toujours dans
le genre interview, ur. truc ingénieux qui nous pa-
raît être appelé à un bel avenir.

Récemment, un de3 leaders du grand reportage
alla frapper à la porte de M. Emile Zola. Depuis que
l’auteur des Rougon-Maçquart a frappé à la porte do
l’Académie française, on frappe beaucoup à sa
porte, à lui. C’est un commencement de châtiment,
une sorte d’application originale de l’éternelle peine
du talion.

Donc, notre interviewer ayant frappé, on lui ou-
vrit, comme dans l’Evangile, et, sans plus tarder,
notre homme interrogea le maître sur ses visites à
ses « futurs » collègues.

Sur ce terrain brûlant, la conversation était déli-
cate. Il arriva même bientôt un moment où toute
réponse devint impossible à l’augure. Dame .'écoulez
donc, on a beau être naturaliste et aimer la vérité
par dessus tout, la vérité n’est pas toujours boDne à
dire, surtout à quelqu’un qui fait profession de l’é-
crire ensuite, et de la servir toute chaude à des
milliers de lecteurs.

Pour ne passe compromettre, le candidat éluda la
question, et se souvint à temps du « silence prudent »
de feu Gonrart, immortalisé par un alexandrin de
Boileau.

Alors, sans être le moins du monde désarçonné,

— et c’est là que le procédé est digne d’admiration,

— l’interviewer changea brusquement son point
d’interrogation d’épaule, et, bien décidé à ne pas lâ-
cher le crachoir jusqu’à ce que le maître eût expec-
toré quelque chose dedans, demanda à brûle-pour-
point à l’interviewé :

— Que pensez-vous du jeune duc d’Orléans et de
son internement à Clairvaux?

Incontestablement, cetle question inattendue ve-
nait à la suite des autres comme un chignon sur un
potage à l’oseille. Elle n’en était que plus habile,
l’adversaire se trouvant moins préparé à la riposte
par des préliminaires absolument étrangers à ce
sujet de la dernière minute.

C’est clans ces moments-là que, surpris, sans au-
cune défense, un honnête homme se livre, s’aban-
donne, se laisse retourner comme un gant, et vide
son sac le plus intime dacs l’oreille du premier
venu.

Voilà précisément pourquoi cette ruse de bonne
guerre, digne du plus malin des Apaches, doit pro-
voquer les bravos des amateurs éclairés.

L'inventeur n’ayant pas jugé à propos de prendre
un brevet, son procédé ne tardera guère à tomber
dans le domaine public. Chaque malin, désormais,
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