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Le charivari — 59.1890

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Août
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ACTUALITES

148

HIPPODROMES SUBURBAINS

DANS LE CAS DE WALK-OWER, LE DIRECTEUR, POUR APAISER LE PUBLIC, SERA AUTORISÉ A FAIRE
COURIR UN PELOTON DE GENDARMES.

entré que trois ou quatre cents francs soigneusement
changés en écus.

Le caissier, d’ail'eurs, était le meilleur garçon clu
inonde. Gai, bon enfan', il avait des sourires pour tout
le monde; par intervalles, il disparaissait dans le bu-
reau du directeur et avait avec lui de longs entretiens
demeurés mystérieux.

Lorsqu’il sortait du cabinet directorial, il était lou-
jours d'une humour charmante. Très bien avec les ré-
dacteurs, il était avec eux sur le pied d’une douce fami-
liarité. Jamais brutal, nerveux, ni colère; si, à force
d’instances, on avait pu obtenir un bon à payer, après
avoir frappé discrètement au grillage, un coin de lus-
trine s’écartait, et il apparaissait, aussi aimable et bon-
homme que si l’on était venu lui faire an versement
hnpoitant. Il se saisissait du papier en souriant, le
lisait, le retournait et, après avoir longtemps réfléchi,
Vous le rendait. Il avait alors un geste adorable, bien
(lu’il fût toujours le môme : il appuyait son do’gt sur
ses lèvres dans l’attitude d’une mystérieuse prière et
v°us disait à voix basse :

— Chut! Après-demain, à quatre heures!
ho rédacteur de la partie mondaine était un pauvre
betit reporter qui habitait le haut de la rue Roche-
chouart, et courait toute la journée comme un chat
hiaigre pour se procurer des bribes do nouvelles qu’il
^cueillait généralement dans les cabinets de lec-
ture.

^ Lorsque le pauvre diable avait épuisé ses économies 1
* achat des journaux de sport et qu’il forçait l’antre I

directorial pour avoir un petit acompte, Je directeur
prenait un air sévère :

— Mon cher ami, lui disait-il, en ce moment le jour-
nal est très obéré; nous traversons une crise ; mais
ayez un peu de patience; en attendant, je suis très con-
tent de vous; la partie mondaine est très soignée : je
vous augmente de cinquante francs par mois !

Que dire à un homme qui vous augmente? Le repor-
ter se retirait radieux et faisait l’impossible pour durer
quelques jours de plus avec ses maigres ressources. Il
a obtenu ainsi jusqu’à trois augmentations dans le
même mois.

Mais le personnage le plus curieux du journal était,
sans contredit, le Polonais chargé de la politique étran-
gère. Toujours coiffé d’un immuable chapeau tyrolien,
il arrivait quotidiennement de la rue Cujas, les poches
bourrées de journaux écrits dans toutes les langues. Ne
travaillant jamais chez lui, il tenait scs assises dans un
petit café, tout près de la rue Montmartre, où, sur une
table encombrée de soucoupes, il donnait des leçons à
l’Europe attentive.

Quant au direcleur lui-même, c’était le grand Ed-
mond Raboulot; mélange singulier d’intrigue et d’hon-
nêteté, de crédulité et de mensonge, Raboulot avait tou-
jours à la bouche les noms des gra:.ds personnages avec
lesquels il vivait sur le pied de la plus parfaite intimité.
La plupart du temps, il ne les avait jamais vus.

Grand, d’une maigreur fantastique, d’une propreté
qui n’était même pas douteuse, Raboulot portait, même
en janvier, un pardessus jaune pour tout vêtement;

mal assujetti sur ses épaules, ce pardessus semblait
flotter comme accroché à une patère; chapeau rond,
cheveux longs, barbe broussailleuse, Raboulot trônait
dans son cabinet, distribuant ses ordres, autoritaire,
presque despote ; il avait des éclats de voix terrifiants
lorsqu’il disait au Polonais de la rue Cujas :

— Je viens do me brouiller avec Léon (Léon, c’était
Gambetta). Ah lie tribun veut la guerre; eh bien,il l’aura!

El, assurant sur ses cheveux graisseux un feutre fati-
gué, il sortait en faisant un geste superbe.

Toute ma vie, je me souviendrai de la soirée qui pré-
céda l’apparition du journal. Il fallait le composer et
l’on n’avait pas de lumière. Le gaz manquait. La rédac-
tion se dévoua: renforcés de plusieurs commissionnai-
res, le Polonais de la rue Cujas et le jeune homme
mondain s’étaient armés de bougies; chacun d’eux, une
bougie de chaque main, éclairait les compositeurs pen-
dant que le grand Raboulot, la chevelure au vent, sur-
veillait cet enfantement en disant d’une voix vibrante :

— Allons, allons, mes enfants, Paris at'end!

Je l’ai rencontré récemment, très vieilli, mais tou-
jours le même; scs grands cheveux gris tombant un
peu moins propres qu’aulrefois; c’est toujours le même
vêlement, plus flottant que jamais, aux poches entre-
bâillées.

Cet homme heureux s’imagine de plus en plus que le
monde a les yeux fixés sur lui, et traverse ainsi la vie,
avec ce nimbe d’or au front.

Il vient de fonder un journal 1

Carle des Perrièrks.
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