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PREFECTURE »e POLICE
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— Vos nom, prénoms, âge et profession?’
— Zut ! J’suis pas comme les jurés, moi, j’aime pas qu’on m’interviewe.
Il se produisait alors ce phénomène bien naturel : Du-
rand le maigre ne restait pas en repos tant que, par
dons ou promesses, il ne fût venu à bout de suborner
la femme de chambre de Durand le gras —et vice versa.
Et une fois vainqueurs, les deux ennemis se livraient
chacun de son côté, férocement, aux joies intimes du
tête-à-tête, en se disant avec iierté :
— Je trompe Durand !
Crs luttes au plus galant, vite ébruitées, faisaient la
joie de la petite ville.
Un incident même eut un grand retentissement.
S’étant aperçus chacun du manège de l’autre, les
Durand très malins tous deux, afin de pincer l’ennemi,
prirent à leur service une jeune personne de très... de
trop bonne volonté...
Us se la laissèrent enlever avec une joie farouche, ne
se doutant guère que tous les deux eussent eu la même
idée machiavélique !
Quelques jours après, ils se rencontraient dans l’anti-
chambre d’un médecin spécialiste.
Ils se regardèrent en grognant :
— Mossieu ! ! !
— Mossieu! il
Puis ils pensèrent, soulagés :
— Ça y est tout de même 1
Cela n’apporta aucune trêve aux hostilités.
Dans les petites villes, chaque propriétaire est. obligé,
sous peine d’amende, de faire balayer le trottoir qui
longe sa maison.
Or, aussitôt que le coup de balai réglementaire avait
été donné, Durand le gras envoyait son domestique
remplir de trognons de chou le trottoir de Durand le
maigre; tandis que le domestique de ce dernier semait
des pelures de carottes sur le trottoir de Durand le
gras.
Double opération qui avait pour résultat immédiat
un double procès-verbal.
A eux deux, ils faisaient ainsi prospérer les finances
de la ville.
Ils devaient finir par dépasser toutes les bornes.
Un matin, on put lire sur la porte cochère de l’un et
l’autre Durand cette inscription, d’écriture différente
mais également sans vergogne :
A BAS EUSÈBE DURAND!
VOLEUR DE NOM ! ! !
C’en était trop ! Cela ne pouvait se passer ainsi!
Ils portèrent plainte tous deux au commissaire de
police, lequel les fit comparoir par-devant lut à bref
délai.
Les deux Durand, très dignes, sortirent en même
temps de chez eux.
Pour parer à toute éventualité, ils s’étaient armés...
l’un de Mirza, l’autre de Médor.
Ils roulaient des yeux féroces en tenant fièrement ces
animaux au bout d’une longue ficelle.
Ils entrèrent ainsi dans l’antichambre du commis-
saire.
On les fit attendre.
Chacun d’eux resta debout, tournant le dos à l’autre
et tenant son chien.
— Si Médor pouvait mordre les mollets de ce gueux!
pensait Durand le maigre.
— Mirza, saute sur ce coquin ! implorait mentalement
Durand le gras.
Le commissaire se faisait bien attendre; ça devait
finir par se gâter.
Et en effet... Durand le gras éprouva bientôt une cer-
taine trépidation produite par la ficelle qui retenait
Mirza.
— Elle va le dévorer, pensa-t-il avec joie.
Et pendant ce temps, Durand lo maigre sentait que
Médor tirait à petits coups répétés sur sa laisse.
— Il ne lui laissera plus de mollets, se dit-il.
Tous deux se retournèrent en môme temps, un sou-
rire de triomphe aux lèvres.
Mais aussitôt un double cri retentit !...
Horreur ! Médor et Mirza fraternisaient amoureuse-
ment au bout de leur ficelle, oubliant la haine hérédi-
taire!
A ce moment, le commissaire appela les deux Durand
— ils ne bougèrent point, retenus par l’effusion de leurs
toutous confondus en une douce étreinte.
Le magistrat sortit enfin, puis jugeant la situation
d’un coup d’œil :
— Puisque vous ne pouvez vous séparer, leur dit-il,
réconciliez-vous !
Jules Demolliens.
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dons ou promesses, il ne fût venu à bout de suborner
la femme de chambre de Durand le gras —et vice versa.
Et une fois vainqueurs, les deux ennemis se livraient
chacun de son côté, férocement, aux joies intimes du
tête-à-tête, en se disant avec iierté :
— Je trompe Durand !
Crs luttes au plus galant, vite ébruitées, faisaient la
joie de la petite ville.
Un incident même eut un grand retentissement.
S’étant aperçus chacun du manège de l’autre, les
Durand très malins tous deux, afin de pincer l’ennemi,
prirent à leur service une jeune personne de très... de
trop bonne volonté...
Us se la laissèrent enlever avec une joie farouche, ne
se doutant guère que tous les deux eussent eu la même
idée machiavélique !
Quelques jours après, ils se rencontraient dans l’anti-
chambre d’un médecin spécialiste.
Ils se regardèrent en grognant :
— Mossieu ! ! !
— Mossieu! il
Puis ils pensèrent, soulagés :
— Ça y est tout de même 1
Cela n’apporta aucune trêve aux hostilités.
Dans les petites villes, chaque propriétaire est. obligé,
sous peine d’amende, de faire balayer le trottoir qui
longe sa maison.
Or, aussitôt que le coup de balai réglementaire avait
été donné, Durand le gras envoyait son domestique
remplir de trognons de chou le trottoir de Durand le
maigre; tandis que le domestique de ce dernier semait
des pelures de carottes sur le trottoir de Durand le
gras.
Double opération qui avait pour résultat immédiat
un double procès-verbal.
A eux deux, ils faisaient ainsi prospérer les finances
de la ville.
Ils devaient finir par dépasser toutes les bornes.
Un matin, on put lire sur la porte cochère de l’un et
l’autre Durand cette inscription, d’écriture différente
mais également sans vergogne :
A BAS EUSÈBE DURAND!
VOLEUR DE NOM ! ! !
C’en était trop ! Cela ne pouvait se passer ainsi!
Ils portèrent plainte tous deux au commissaire de
police, lequel les fit comparoir par-devant lut à bref
délai.
Les deux Durand, très dignes, sortirent en même
temps de chez eux.
Pour parer à toute éventualité, ils s’étaient armés...
l’un de Mirza, l’autre de Médor.
Ils roulaient des yeux féroces en tenant fièrement ces
animaux au bout d’une longue ficelle.
Ils entrèrent ainsi dans l’antichambre du commis-
saire.
On les fit attendre.
Chacun d’eux resta debout, tournant le dos à l’autre
et tenant son chien.
— Si Médor pouvait mordre les mollets de ce gueux!
pensait Durand le maigre.
— Mirza, saute sur ce coquin ! implorait mentalement
Durand le gras.
Le commissaire se faisait bien attendre; ça devait
finir par se gâter.
Et en effet... Durand le gras éprouva bientôt une cer-
taine trépidation produite par la ficelle qui retenait
Mirza.
— Elle va le dévorer, pensa-t-il avec joie.
Et pendant ce temps, Durand lo maigre sentait que
Médor tirait à petits coups répétés sur sa laisse.
— Il ne lui laissera plus de mollets, se dit-il.
Tous deux se retournèrent en môme temps, un sou-
rire de triomphe aux lèvres.
Mais aussitôt un double cri retentit !...
Horreur ! Médor et Mirza fraternisaient amoureuse-
ment au bout de leur ficelle, oubliant la haine hérédi-
taire!
A ce moment, le commissaire appela les deux Durand
— ils ne bougèrent point, retenus par l’effusion de leurs
toutous confondus en une douce étreinte.
Le magistrat sortit enfin, puis jugeant la situation
d’un coup d’œil :
— Puisque vous ne pouvez vous séparer, leur dit-il,
réconciliez-vous !
Jules Demolliens.