LE CHARIVARI
On avait fièrement restauré au Château-d’Eau
l’enseigne du Théâtre-Historique. Mais, l’histoire
n’étant pas précisément ce que notre fin de siècle
aime, il a fallu lâcher Marie Stuart pour La pe tite
Mionne, qui n’a aucun rapport même éloigné avec
les annales de la France.
Elle arrive tout droit du Petit Journal, cette Petite
Mionne, — du Petit Journal Où son papa, M. Riche-
bourg, est fournisseur breveté de feuilletons à péri-
péties complexes.
Ce qu’il en a fait pleurer de bons villageois, M.
Richebourg,et de bourgeoises tendres, et d’ouvrières
sentimentales !
C’est M. Gaston Marot qui s’est chargé d'opérer
l’extraction. On a engagé Paulin Ménier pour jouer
le principal rôle, celui de Mourillon le saltimbanque.
Et la chose, découpée en dix tableaux, a été servie
aux amateurs d’émotions à ricochet.
Ce serait faire injure à l’immense publicité du
Pet t Journal (un million de lecteurs attesté partons
les murs) que de parler de cette Petite Mionne
comme si elle était une inconnue pour vous.
Tout au plus rappellerons-nous que c’est une en-
fant abandonnée, qui retrouve son père aristocrati-
que au dénouement afin d’épouser l’artiste de ses
rêves.
Mais entre le départ et l’arrivée, quelle enfilade
de complications auxquelles les profanes ne com-
prennent pas grand’chose, mais que les initiés du
Richebourgeoisisme savourent voluptueusement .
On a app'audi beaucoup Paulin Ménier, MM. Chel-
les, Fabrègue, Mlle Leconte. Et pourtant, à une
heure du matin, la jeune Mionne n’était pas encore
arrivée au terme de scs persécutions.
Et le Théâtre-Historique n’est pas précisément au
centre de Paris.
Ah ! qui donc prétendait que la religion de la croix
de ma mère était un culte démodé?...
Et pour régler un arriéré, deux mots du Cirque
d’Hiver.
On y exhibe en ce moment une troupe de nains,
les Colibris, qui font tout ce qui ne devrait pas
concerner leur état.
Non contents d’être microscopiques, ils se livrent,
au niaooJim ouunne au féminin, a une foule d'exer-
cices lyriques ou chorégraphiques.
Ce sont des phénomènes gais, qui paraissent amu-
ser beaucoup le dilettantisme spécial du quartier.
Pierre Véron.
BXTHA.IT D-A.BSINTHB SUHBRIBUHM
GEMPP PERNOD
TRIPLE-SEC COINTREAU ,anqcri
PATES , FOIES GRAS de Strasbourg
WEISSENTHANNER, Fabricant, à rtf-A-lINro-sr (Meurth0-&.-Moselle)
EEVOIS IMMEDIATS à DOMICILE par COLIS-TOSTALou GRANDE VITESSE
LE FRICANDEAU
Ce récit, que je n’hésite pas une minute à qualifier
d’authentique, afin de lui donner plus de poids, s’a-
dresse tout spécialement à la population mâle de France,
et môme de tous les autres pays habités où l’on mange
du veau. Pourquoi du veau? Vous le saurez tout à
l’heure.
Les dames, les demoiselles et les petits enfants des
deux sexes peuvent, sans danger, prendre connaissance
de cette histoire, car elle n’excitera nullement leur sys-
tème nerveux; elle n’a rien de politique ni de révolu-
tionnaire, elle ne contient que des enseignements pré-
cieux ii un point de vue... que je ne distingue pas très
bien moi-même, mais ça ne fait rien.
Ceci bien posé, je commence :
Le veau n’est pas une nourriture malsaine, ce n’est
pas là ce que je prétends prouver, au contraire; il y a
des personnes qui aiment mieux le mouton, le bœuf,
c’est possible; mais aimer le veau n’a rien de ridicule.
On peut être un parfait honnête homme et adorer les
escalopes, ça.
Manger du veau n’est pas dangereux en soi, mais la
manière de l’accommoder peut présenter certains in-
convénients.
Ainsi, par exemple, prenons le fricandeau. En lui-
même, ce plat n’a rien d’extravagant, me direz-vous.
CHROÏÏIQÜE DU JOUR
Nous sommes menacés d une disette de violetles.
Oh! mais, rassurez-vous.
Il ne s’agit pas des petits bouquets à deux sous qui
jonchent, chaque matin, les voitures des marchands
de quatre-saisons et qui vont égayer, le soir, l’aielior
et la mansarde.
Non, grâce à bonne dame Nature, secondée par des
masses d’horticulteurs, cette violette-là n’est pas près
de chômer.
Il nous en arrive, au contraire, des tas, des tis, au
nez et à la barbe gelés du bonhomme Hiver, et malgré
la neige.
Ce sont seulemeat les décorations académiques qui
sont en question.
Quand on prend du ruban, on n’en saurait trop
prendre. Mais il n’en est pas de mê ne quand on en
donne. Le minisire de l’instruction publique aurait,
dit-on, diminué de moitié le nombre de palmes et do
rosettes à distribuer au prochain Jour de l’An.
Il n’y aura, cette année, que 600 élus au lieu de 1,20b
Or, jamais le chiffre des solliciteurs n’a été aussi
élevé. On compte déjà plus de quinze mille demandes,
et la liste n’est pas close, hélas !
On a fêté, la semaine dernière, les quatre-vingts ans
bien sonnés d’un cocher parisien.
Ce brave homme, encore solide sur son siège, tra-
vaille depuis plus de quarante ans chez le même loueur
de voitures.
Il porte la médaille des vieux serviteurs ; eu outre, il
a reçu deux médailles de la Société protectrice des ani-
maux.
Probablement p îrce que, dans le cours d’une aussi
longue carrière, il n’a jamais écrasé personne.
Salutaire exemple que devraient bien suivre, en masse,
messieurs nos automédons.
Les médecins, à commencer par le docteur Koch, font
beaucoup parler d’eux. Et voici qu’à tous les autres
vient s'ajouter le médecin dn fameux colonel Ramollot,
que M. Charles Leroy met en scène dans son nouveau
volume, les Aventures du major Van-Trouspet, publié
chez Kolb.
Ii y a, vous le constaterez, dans toute cette série de
contes, une provision de bonne humeur et de fan-
taisie à, dérider les lecteurs les plus moroses.
Un de ces traits de mœurs qui suffisent à peindre un
caractère.
Certain M. Zède, grand employé dans une Compagnie
de chemin de fer, époux d’une femme charmante, s’est
logé une balle dans le cœur.
Heureux dans son ménage, parfaitement à son aise au
point de vue pécuniaire, M. Zède ne paraissait avoir
aucun motif de se tuer.
L’enquête faite à ce propos prouve que ce sont de
Paidon; s’il est arrangé, cuit, préparé d’une façon
ordinaire, c’est évident; mais s’il est préparé, cuit et
arrangé d’une façon extraordinaire... Eh bien! ce n’est
pas ordinaire, ceci est non moins évident.
Or, chez les Bridet, on faisait le fricandeau comme
nulle part.
Nul part, vous entendez bien? Quand on sortait de
chez ces gens-là, on n’avait qu’une envie : celle d’y
retourner pour y manger encore du fricandeau.
Il y avait des personnes qui s’en rendaient malades.
On en prenait d’abord, on y revenait, on en repre-
nait, on en redemandait; enfin, après ce plat, les invi-
tés s’en étaient tellement bourrés qu’ils ne pouvaient
plus rien avaler.
Pour dîner dans cette maison-là, on faisait des bas-
sesses, des platitudes positivement incroyables; si Bri-
det avait tenu un restaurant, il aurait fait fortune en
dix minutes avec son fricandeau...
Maintenant, ouvrons une parenthèse, pour convenir
qu’ou peut être également homme du monde, char-
mant sous tous les rapports, et ne pas être passionné
pour le veau à l’oseille.
Il y a beaucoup de personnes, décorées de la Légion
d’honneur ou pas, qui ne se seraient pas fait une joie
formidable d’aller dîner chez les Bridet; il y a des gens
qui auraient préféré un autre menu que le menu habi-
tuel, sans mériter pour ça les travaux forcés. C’était là
même le cas d’un garçon fort aimable, qui fréquentait
assidûment la maison, et qui n’aimait pas le fricandeau,
I et surtout rien que du fricandeau tout le temps.
simples contrariétés de bureau qui ont poussé ce pai-
sible bourgeois à une détermination aussi désespérée.
On avait changé ses heures de service.
Tout l’employé, le classique gratte-papier adminis-
tratif, est là.
Le pli de feuilles de roses du Sybarite n’est rien au-
près du pli du rond-de-cuir.
Nouvelles du monde où l’oo s’enfuit.
A propos d’un financier à grand tapage qui vient de
filer avec l’argent des naïfs, on nous a appris que le
monsieur en question avait l’habitude de porter toujours
sur lui trois mille francs de billets de banque.
Une bonne habitude, incontestablement.
Ayons toujours de l'argent dans nos poches...
Seulement, il aurait peut-être mieux valu que ce ne
fût pas l’argent des autres. t_,
Entendu au cercle, près de la table de baccara.
Un mot de ponte (c’est le cas de le dire).
— Savez-vous quelle différence il y a entre un ban-
quier tricheur et une honnête poule?
— ???
— Eh bien, c’est que la poule prend son œuf vous
savez où, taudis que lo banquier prend son neuf dans
sa manche !
Un voyageur, qui revient d’une excursion dans l’Ex-
trême-Orient, raconte, devant un auditoire terrifié,
quelques-uns des supplices raffinés en usage là-bas.
Il en est au supplice du pal, sur la description duquel
il insiste avec complaisance :
— Quand la pointe de fer commence à pénétrer dans
les chairs du patient, le visage de celui-ci se contracte
violemment...
— Oh! ce doit être un scectacle horrible! interrompt
une dame, vivement émotionnée...
-— Il est certain, remarque Galurin, que ce doit être
tout à fait palpiquant.
Henri Second.
BOURSE-EXPRESS
... Hé ! qu’est-ce que vous voulez V Cet ajournement
de l’emprunt n’a fait plaisir à personne.
On sait bien que cela ne signifie pas grand’chose, au
fond; car enfin, ajourné ou non, il est"clair que l’em-
prunt viendra un jour ou l’autre. Mais au moment de
la liquidation, cette remise à une date ultérieure a été
habilement maniée par les vendeurs.
Ils n’en ont pas tiré un bien, bien grand parti; car le
sujet ne comportait pas un t)ranle-bas de combat ; il
n’en est pas moins vrai que le marché est fort ennuyé,
attendu qu’on voit reparaître un facteur de trouble
dont il n’était plus question depuis assez longtemps
déjà : le facteur des discussions parlementaires.
Si, au moins, cet ajournement pouvait décider MM. les
représentants du peuple à hâter la solution de cette in-
terminable question du budget 1
Càstorine.
— Alors, qu’allait-il y faire ? demanderont les gens
curieux.
Comme j’aimerais mieux monter sur l’échafaud que
de farder la vérité, je vous avouerai toul net qu’il y
allait pour voir madame Bridet, dont il était fortement
épris, et qui le méritait, du reste, car elle était fort gen-
tille, et en attendant mieux il lui pinçait discrètement
le genou sous la table.
— Et cette dame ne se fâchait pas?
— Nun, monsieur. Elle était vertueuse, pourtant;
mais ce coquin de fricaadeau !...
— Que vient faire ici ce plat ridicule ?
— Pardon; no blasphémez pas, et écoutez moi bien.
Amené là une première fois par hasard, Hippolyte avait
entendu les convives s’extasier sur le triomphe culi-
naire de la maison et, remarquant le plaisir que ces
éloges causaient à la maîtresse du lieu, il avait renchéri
avec une ardeur, une chaleur, uné* science merveil-
leuses; il avait composé par la suite une romance sur
le fricandeau, un sonnet, un duo,une rêverie, et la pre-
mière fois qu’il avait chanté :
Cher iricandeau, sois mes amours,
Toujours.
il avait une voix tellement mourante et un œil dito que
Mme Bridet lui avait serré la main avec une émotion
rare. Depuis ce jour, il faisait partie de toutes les séries
d’invités, et Madame l’aimait sans s’en douter, la chère
âme. Il avait si bien compris la supériorité de l’oseille
sur l’épinard !
On avait fièrement restauré au Château-d’Eau
l’enseigne du Théâtre-Historique. Mais, l’histoire
n’étant pas précisément ce que notre fin de siècle
aime, il a fallu lâcher Marie Stuart pour La pe tite
Mionne, qui n’a aucun rapport même éloigné avec
les annales de la France.
Elle arrive tout droit du Petit Journal, cette Petite
Mionne, — du Petit Journal Où son papa, M. Riche-
bourg, est fournisseur breveté de feuilletons à péri-
péties complexes.
Ce qu’il en a fait pleurer de bons villageois, M.
Richebourg,et de bourgeoises tendres, et d’ouvrières
sentimentales !
C’est M. Gaston Marot qui s’est chargé d'opérer
l’extraction. On a engagé Paulin Ménier pour jouer
le principal rôle, celui de Mourillon le saltimbanque.
Et la chose, découpée en dix tableaux, a été servie
aux amateurs d’émotions à ricochet.
Ce serait faire injure à l’immense publicité du
Pet t Journal (un million de lecteurs attesté partons
les murs) que de parler de cette Petite Mionne
comme si elle était une inconnue pour vous.
Tout au plus rappellerons-nous que c’est une en-
fant abandonnée, qui retrouve son père aristocrati-
que au dénouement afin d’épouser l’artiste de ses
rêves.
Mais entre le départ et l’arrivée, quelle enfilade
de complications auxquelles les profanes ne com-
prennent pas grand’chose, mais que les initiés du
Richebourgeoisisme savourent voluptueusement .
On a app'audi beaucoup Paulin Ménier, MM. Chel-
les, Fabrègue, Mlle Leconte. Et pourtant, à une
heure du matin, la jeune Mionne n’était pas encore
arrivée au terme de scs persécutions.
Et le Théâtre-Historique n’est pas précisément au
centre de Paris.
Ah ! qui donc prétendait que la religion de la croix
de ma mère était un culte démodé?...
Et pour régler un arriéré, deux mots du Cirque
d’Hiver.
On y exhibe en ce moment une troupe de nains,
les Colibris, qui font tout ce qui ne devrait pas
concerner leur état.
Non contents d’être microscopiques, ils se livrent,
au niaooJim ouunne au féminin, a une foule d'exer-
cices lyriques ou chorégraphiques.
Ce sont des phénomènes gais, qui paraissent amu-
ser beaucoup le dilettantisme spécial du quartier.
Pierre Véron.
BXTHA.IT D-A.BSINTHB SUHBRIBUHM
GEMPP PERNOD
TRIPLE-SEC COINTREAU ,anqcri
PATES , FOIES GRAS de Strasbourg
WEISSENTHANNER, Fabricant, à rtf-A-lINro-sr (Meurth0-&.-Moselle)
EEVOIS IMMEDIATS à DOMICILE par COLIS-TOSTALou GRANDE VITESSE
LE FRICANDEAU
Ce récit, que je n’hésite pas une minute à qualifier
d’authentique, afin de lui donner plus de poids, s’a-
dresse tout spécialement à la population mâle de France,
et môme de tous les autres pays habités où l’on mange
du veau. Pourquoi du veau? Vous le saurez tout à
l’heure.
Les dames, les demoiselles et les petits enfants des
deux sexes peuvent, sans danger, prendre connaissance
de cette histoire, car elle n’excitera nullement leur sys-
tème nerveux; elle n’a rien de politique ni de révolu-
tionnaire, elle ne contient que des enseignements pré-
cieux ii un point de vue... que je ne distingue pas très
bien moi-même, mais ça ne fait rien.
Ceci bien posé, je commence :
Le veau n’est pas une nourriture malsaine, ce n’est
pas là ce que je prétends prouver, au contraire; il y a
des personnes qui aiment mieux le mouton, le bœuf,
c’est possible; mais aimer le veau n’a rien de ridicule.
On peut être un parfait honnête homme et adorer les
escalopes, ça.
Manger du veau n’est pas dangereux en soi, mais la
manière de l’accommoder peut présenter certains in-
convénients.
Ainsi, par exemple, prenons le fricandeau. En lui-
même, ce plat n’a rien d’extravagant, me direz-vous.
CHROÏÏIQÜE DU JOUR
Nous sommes menacés d une disette de violetles.
Oh! mais, rassurez-vous.
Il ne s’agit pas des petits bouquets à deux sous qui
jonchent, chaque matin, les voitures des marchands
de quatre-saisons et qui vont égayer, le soir, l’aielior
et la mansarde.
Non, grâce à bonne dame Nature, secondée par des
masses d’horticulteurs, cette violette-là n’est pas près
de chômer.
Il nous en arrive, au contraire, des tas, des tis, au
nez et à la barbe gelés du bonhomme Hiver, et malgré
la neige.
Ce sont seulemeat les décorations académiques qui
sont en question.
Quand on prend du ruban, on n’en saurait trop
prendre. Mais il n’en est pas de mê ne quand on en
donne. Le minisire de l’instruction publique aurait,
dit-on, diminué de moitié le nombre de palmes et do
rosettes à distribuer au prochain Jour de l’An.
Il n’y aura, cette année, que 600 élus au lieu de 1,20b
Or, jamais le chiffre des solliciteurs n’a été aussi
élevé. On compte déjà plus de quinze mille demandes,
et la liste n’est pas close, hélas !
On a fêté, la semaine dernière, les quatre-vingts ans
bien sonnés d’un cocher parisien.
Ce brave homme, encore solide sur son siège, tra-
vaille depuis plus de quarante ans chez le même loueur
de voitures.
Il porte la médaille des vieux serviteurs ; eu outre, il
a reçu deux médailles de la Société protectrice des ani-
maux.
Probablement p îrce que, dans le cours d’une aussi
longue carrière, il n’a jamais écrasé personne.
Salutaire exemple que devraient bien suivre, en masse,
messieurs nos automédons.
Les médecins, à commencer par le docteur Koch, font
beaucoup parler d’eux. Et voici qu’à tous les autres
vient s'ajouter le médecin dn fameux colonel Ramollot,
que M. Charles Leroy met en scène dans son nouveau
volume, les Aventures du major Van-Trouspet, publié
chez Kolb.
Ii y a, vous le constaterez, dans toute cette série de
contes, une provision de bonne humeur et de fan-
taisie à, dérider les lecteurs les plus moroses.
Un de ces traits de mœurs qui suffisent à peindre un
caractère.
Certain M. Zède, grand employé dans une Compagnie
de chemin de fer, époux d’une femme charmante, s’est
logé une balle dans le cœur.
Heureux dans son ménage, parfaitement à son aise au
point de vue pécuniaire, M. Zède ne paraissait avoir
aucun motif de se tuer.
L’enquête faite à ce propos prouve que ce sont de
Paidon; s’il est arrangé, cuit, préparé d’une façon
ordinaire, c’est évident; mais s’il est préparé, cuit et
arrangé d’une façon extraordinaire... Eh bien! ce n’est
pas ordinaire, ceci est non moins évident.
Or, chez les Bridet, on faisait le fricandeau comme
nulle part.
Nul part, vous entendez bien? Quand on sortait de
chez ces gens-là, on n’avait qu’une envie : celle d’y
retourner pour y manger encore du fricandeau.
Il y avait des personnes qui s’en rendaient malades.
On en prenait d’abord, on y revenait, on en repre-
nait, on en redemandait; enfin, après ce plat, les invi-
tés s’en étaient tellement bourrés qu’ils ne pouvaient
plus rien avaler.
Pour dîner dans cette maison-là, on faisait des bas-
sesses, des platitudes positivement incroyables; si Bri-
det avait tenu un restaurant, il aurait fait fortune en
dix minutes avec son fricandeau...
Maintenant, ouvrons une parenthèse, pour convenir
qu’ou peut être également homme du monde, char-
mant sous tous les rapports, et ne pas être passionné
pour le veau à l’oseille.
Il y a beaucoup de personnes, décorées de la Légion
d’honneur ou pas, qui ne se seraient pas fait une joie
formidable d’aller dîner chez les Bridet; il y a des gens
qui auraient préféré un autre menu que le menu habi-
tuel, sans mériter pour ça les travaux forcés. C’était là
même le cas d’un garçon fort aimable, qui fréquentait
assidûment la maison, et qui n’aimait pas le fricandeau,
I et surtout rien que du fricandeau tout le temps.
simples contrariétés de bureau qui ont poussé ce pai-
sible bourgeois à une détermination aussi désespérée.
On avait changé ses heures de service.
Tout l’employé, le classique gratte-papier adminis-
tratif, est là.
Le pli de feuilles de roses du Sybarite n’est rien au-
près du pli du rond-de-cuir.
Nouvelles du monde où l’oo s’enfuit.
A propos d’un financier à grand tapage qui vient de
filer avec l’argent des naïfs, on nous a appris que le
monsieur en question avait l’habitude de porter toujours
sur lui trois mille francs de billets de banque.
Une bonne habitude, incontestablement.
Ayons toujours de l'argent dans nos poches...
Seulement, il aurait peut-être mieux valu que ce ne
fût pas l’argent des autres. t_,
Entendu au cercle, près de la table de baccara.
Un mot de ponte (c’est le cas de le dire).
— Savez-vous quelle différence il y a entre un ban-
quier tricheur et une honnête poule?
— ???
— Eh bien, c’est que la poule prend son œuf vous
savez où, taudis que lo banquier prend son neuf dans
sa manche !
Un voyageur, qui revient d’une excursion dans l’Ex-
trême-Orient, raconte, devant un auditoire terrifié,
quelques-uns des supplices raffinés en usage là-bas.
Il en est au supplice du pal, sur la description duquel
il insiste avec complaisance :
— Quand la pointe de fer commence à pénétrer dans
les chairs du patient, le visage de celui-ci se contracte
violemment...
— Oh! ce doit être un scectacle horrible! interrompt
une dame, vivement émotionnée...
-— Il est certain, remarque Galurin, que ce doit être
tout à fait palpiquant.
Henri Second.
BOURSE-EXPRESS
... Hé ! qu’est-ce que vous voulez V Cet ajournement
de l’emprunt n’a fait plaisir à personne.
On sait bien que cela ne signifie pas grand’chose, au
fond; car enfin, ajourné ou non, il est"clair que l’em-
prunt viendra un jour ou l’autre. Mais au moment de
la liquidation, cette remise à une date ultérieure a été
habilement maniée par les vendeurs.
Ils n’en ont pas tiré un bien, bien grand parti; car le
sujet ne comportait pas un t)ranle-bas de combat ; il
n’en est pas moins vrai que le marché est fort ennuyé,
attendu qu’on voit reparaître un facteur de trouble
dont il n’était plus question depuis assez longtemps
déjà : le facteur des discussions parlementaires.
Si, au moins, cet ajournement pouvait décider MM. les
représentants du peuple à hâter la solution de cette in-
terminable question du budget 1
Càstorine.
— Alors, qu’allait-il y faire ? demanderont les gens
curieux.
Comme j’aimerais mieux monter sur l’échafaud que
de farder la vérité, je vous avouerai toul net qu’il y
allait pour voir madame Bridet, dont il était fortement
épris, et qui le méritait, du reste, car elle était fort gen-
tille, et en attendant mieux il lui pinçait discrètement
le genou sous la table.
— Et cette dame ne se fâchait pas?
— Nun, monsieur. Elle était vertueuse, pourtant;
mais ce coquin de fricaadeau !...
— Que vient faire ici ce plat ridicule ?
— Pardon; no blasphémez pas, et écoutez moi bien.
Amené là une première fois par hasard, Hippolyte avait
entendu les convives s’extasier sur le triomphe culi-
naire de la maison et, remarquant le plaisir que ces
éloges causaient à la maîtresse du lieu, il avait renchéri
avec une ardeur, une chaleur, uné* science merveil-
leuses; il avait composé par la suite une romance sur
le fricandeau, un sonnet, un duo,une rêverie, et la pre-
mière fois qu’il avait chanté :
Cher iricandeau, sois mes amours,
Toujours.
il avait une voix tellement mourante et un œil dito que
Mme Bridet lui avait serré la main avec une émotion
rare. Depuis ce jour, il faisait partie de toutes les séries
d’invités, et Madame l’aimait sans s’en douter, la chère
âme. Il avait si bien compris la supériorité de l’oseille
sur l’épinard !