Mi DE FREYCINET, GRACE A SON ÉLECTION ACADÉMIQUE, POUVANT ENFIN PASSER LES REVUES
DE LONG CHAMPS EN UNIFORME
LJL2.0 OHSPOTTOi AD3S
Savez-vous un des fléaux qui sévissent le plus horri-
blement dans notre malheureux pays ?
C’est le fléau des recommandeurs.
Ils savent que tel individu est un absolu crétin, in-
capable d’accomplir une besogne utile. Ils savent que
tel autre individu qui dispute la môme place la pourra
remplir avec distinction.
Vous croyez peut-être que quelque scrupule les arrê-
tera en voyant l’inégalité des concurrents? Au con-
traire, plus le numéro deux sera méritant, plus ils dé-
ploieront d’cfîbrts pour assurer le triomphe du numéro
un.
Et notez que je ne parle pas ici de perversions excep-
tionnelles, loin de là. De très braves gens, qui jouis-
sent d’une considération allant parfois jusqu’au respect,
se livrent à ces pratiques de malhonnêteté irréfléchie.
Car c’est malhonnêteté pure que de chercher à faire
évincer un homme de valeur au profit d’un idiot.
N’importe !... Est-ce que ça ne se fait pas tous les
jours ? Et du moment que ça se fait, à quoi bon se gê-
ner?
C’est pourtant souvent une simple vilenie que com
met le recommandeur.
S’agit il d’un bureau de tabac? Si vous le faites don-
ner à une favorite, quand il était attendu comme gaqne-
pain par la veuve de quoique pauvre officier mort au
service de la France, n’est-ce pas une pure infamie que
vous, commettez là ?
Ne pensez-vous donc pas encore, lorsque vous inter-
venez frauduleusement, que vous enlevez le plus sou-
vent à un laborieux, au profit d’un fainéant, le fruit de
ses peines?
El les affaires du pays? Comment sont-elles faites en-
suite, si les administrations sont peuplées de non-va-
leurs imposées par des protecteurs sans vergogne?
Vous commettez donc à la fois un double attentat
contre les intérêts privés et contre l’intérêt public.
Bast!... C’est la coutume! Et, avec celte coulume-là,
on fait taire tout remords. Comme si l’on avait le droit
de dire :
— Il y a toujours eu des voleurs. Je vais m’établir
voleur aussi !
Comme s’il y avait prescription pour la morale!
Je parlais de vol tout à l’heure, et vous avez cru peut-
être qu’il y avait exagération. Non. Car la recomman-
| dation se mêle même des litiges particuliers.
— Je dirai un mot à mon ami X..., qui est au Conseil
d’Etat.
Formule bien anodine en apparence.
I Qu’y a-t-il au fond? Il y a parfois la ruine pour un
autre, si le mot fait donner gain de cause à celui qui est
patronné.
Sans compter que les recommandeurs ne respectent
' pas même le sanctuaire de la justice, et que, dans plus
[ d’un procès, le petit mot à l’oreille cherche à faire son
I office corrupteur.
Voilà pour le vol. Il y a mieux. Le recommandeur va
jusqu’au meurtre.
Ne protestez pas. J’ai la démonstration toute prête.
M. Z... prend la plume et écrit aux professeurs char-
gés d’examiner les apprentis docteurs.
Que leur écrit-il?
De bien vouloir admettre le jeune Y..., à qui il s’inté-
resse, et dont les parents... etc., etc.
Et qu’cst-cc que le jeune Y...? Un aimable paresseux
doublé d’un ignare lieffé. Si la lettre de M. Z... est prise
en considération, le diable sait combien ce docteur de
contrebande enverra d’innocentes victimes dans l’autre
monde.
Il serait de taille à peupler un cimetière à lui tout
seul I
Je me trompe. Il a pour collaborateur, dans cette be-
sogne de fossoyeur, le recommandeur trop bienveillant
qui pratique à son insu l’homicide par complaisance.
Voilà à quoi aboutit la manie déplorable dont chacun
est possédé en France. Voilà le fléau qu’il faudrait
combattre.
Mais, hélas ! quel Hercule sera de taille à nettoyer ces
écuries d’Augias?
UN PHILOSOPHE.
DE LONG CHAMPS EN UNIFORME
LJL2.0 OHSPOTTOi AD3S
Savez-vous un des fléaux qui sévissent le plus horri-
blement dans notre malheureux pays ?
C’est le fléau des recommandeurs.
Ils savent que tel individu est un absolu crétin, in-
capable d’accomplir une besogne utile. Ils savent que
tel autre individu qui dispute la môme place la pourra
remplir avec distinction.
Vous croyez peut-être que quelque scrupule les arrê-
tera en voyant l’inégalité des concurrents? Au con-
traire, plus le numéro deux sera méritant, plus ils dé-
ploieront d’cfîbrts pour assurer le triomphe du numéro
un.
Et notez que je ne parle pas ici de perversions excep-
tionnelles, loin de là. De très braves gens, qui jouis-
sent d’une considération allant parfois jusqu’au respect,
se livrent à ces pratiques de malhonnêteté irréfléchie.
Car c’est malhonnêteté pure que de chercher à faire
évincer un homme de valeur au profit d’un idiot.
N’importe !... Est-ce que ça ne se fait pas tous les
jours ? Et du moment que ça se fait, à quoi bon se gê-
ner?
C’est pourtant souvent une simple vilenie que com
met le recommandeur.
S’agit il d’un bureau de tabac? Si vous le faites don-
ner à une favorite, quand il était attendu comme gaqne-
pain par la veuve de quoique pauvre officier mort au
service de la France, n’est-ce pas une pure infamie que
vous, commettez là ?
Ne pensez-vous donc pas encore, lorsque vous inter-
venez frauduleusement, que vous enlevez le plus sou-
vent à un laborieux, au profit d’un fainéant, le fruit de
ses peines?
El les affaires du pays? Comment sont-elles faites en-
suite, si les administrations sont peuplées de non-va-
leurs imposées par des protecteurs sans vergogne?
Vous commettez donc à la fois un double attentat
contre les intérêts privés et contre l’intérêt public.
Bast!... C’est la coutume! Et, avec celte coulume-là,
on fait taire tout remords. Comme si l’on avait le droit
de dire :
— Il y a toujours eu des voleurs. Je vais m’établir
voleur aussi !
Comme s’il y avait prescription pour la morale!
Je parlais de vol tout à l’heure, et vous avez cru peut-
être qu’il y avait exagération. Non. Car la recomman-
| dation se mêle même des litiges particuliers.
— Je dirai un mot à mon ami X..., qui est au Conseil
d’Etat.
Formule bien anodine en apparence.
I Qu’y a-t-il au fond? Il y a parfois la ruine pour un
autre, si le mot fait donner gain de cause à celui qui est
patronné.
Sans compter que les recommandeurs ne respectent
' pas même le sanctuaire de la justice, et que, dans plus
[ d’un procès, le petit mot à l’oreille cherche à faire son
I office corrupteur.
Voilà pour le vol. Il y a mieux. Le recommandeur va
jusqu’au meurtre.
Ne protestez pas. J’ai la démonstration toute prête.
M. Z... prend la plume et écrit aux professeurs char-
gés d’examiner les apprentis docteurs.
Que leur écrit-il?
De bien vouloir admettre le jeune Y..., à qui il s’inté-
resse, et dont les parents... etc., etc.
Et qu’cst-cc que le jeune Y...? Un aimable paresseux
doublé d’un ignare lieffé. Si la lettre de M. Z... est prise
en considération, le diable sait combien ce docteur de
contrebande enverra d’innocentes victimes dans l’autre
monde.
Il serait de taille à peupler un cimetière à lui tout
seul I
Je me trompe. Il a pour collaborateur, dans cette be-
sogne de fossoyeur, le recommandeur trop bienveillant
qui pratique à son insu l’homicide par complaisance.
Voilà à quoi aboutit la manie déplorable dont chacun
est possédé en France. Voilà le fléau qu’il faudrait
combattre.
Mais, hélas ! quel Hercule sera de taille à nettoyer ces
écuries d’Augias?
UN PHILOSOPHE.