I
ACTUALITES
' — On peut avoir confiance dans votre goût ?
— Ah ! madame ! C’est moi qui ai créé la toilette d’Assises que portera aujourd’hui
Gabrielle Bcmpard !
PROPOS DE FUMOIR
— Savez-vous que c’est effrayant !
— Quoi donc, mon cher Gontran Y
— ha statistique.
— Quelle statistique ?
— Celle que j’ai sous les yeux.
— Et que dit-elle?
— Ede dit qu’à Paris plus de la moitié des arresta-
tions frappe aujourd’hui des mineurs.
Et Gontran nous tendit une Revue dont les calculs
sont vraiment effroyables.
Il en résulte qu’il commet deux fois plus de crimes
et de délits entre quinze et vingt ans qu’entre vingt et
quarante.
Et quels crimes que ceux de ces gamins précocement
corrompus !
En une seule année, toujours d’après la statistique
officielle, on a relevé 30 assassinats, 39 meurtres, 3 par-
ricides, 2 empoisonnements, 41 infanticides, 4,212 coups
et blessures, 25 incendies, 133 viols, 80 attentats à la
pudeur, 458 vols qualifies, 11,862 délits simples.
Comme on le voit :
Leurs pareils à deux fois ne se font pas connaître,
Et pour leur cuup d’essai veulent des coups de maître.
On recule, frappé de dégoût et d’effroi, devant une
semblable nomenclature. Mais il ne s’agit pas de gémir
et de se croiser les bras. Il faut se hâter de porter re-
mède à celte gangrène puérile.
Les origines du mal sont multiples,
Et d’abord on a eu tort de hisser sur un piédestal le
gamin de Paris. On s’est pâmé devant ses prétendus
bons mots. On a trouvé son cynisme charmant. Ses
vilenies ont passé pour gentillesses.
Gavroche, dès lors, s’est pris pour un personnage.
Plus on applaudissait, plus il forçait la note. Débraillé,
paresseux, effronté, grossier, il a commencé par le vice,
pour finir par le crime.
C’est le trajet direct.
Si, au lieu de se complaire aux injures bêtes du voyou,
on l’avait corrigé d’importance, il se serait peut-être ar-
rêté à mi-chemin.
Pas du tout. Le roman et le théâtre ont rivalisé de
zèle pour apolhéoser la turpitude. Et la plaie a rongé
plus profondément.
Vous les avez rencontrés comme moi, traînant dans
les squares, dans les jardins publics, aux carrefours,
ces petits gredins qui ont toutes les corruptions en rac-
courci.
Leur casquette à pont est déjà un signe de ralliement.
Ils fument le brûle-gueule comme des vieux de la
vieille. Ils avalent l’absinthe comme Coupeau.
Par troupes ils flânent, ils vagabondent, écument le
ruisseau, chipant d’abord, volant plus lard, en atten-
dant l’heure où il y aura à joue ’ du couteau.
Comment la police n’intervient-elle pas dans ces jeux
et dans ces ris ?
Parfois ces immondes avortons, soit au Palais-Royal,
soit aux Tuileries, interceptent la circulation, injurient
les promeneurs, bousculent les femmes.
On rit d’un rire bête et malfaisant qui les encourage
à persévérer.
A qui la faule, si la dégringolade s'accentue ensuite ?
Les parents do ces bandits prématurés, u’ont-ils
pas la plus grosse part de responsabilité?
Ces pères et mères qui abandonnent leurs enfants
aux hasards de la vie publique ne devraient-ils pas
être poursuivis ?
D’est leur coupable incurie qui est la cause première
de tout le mal. C’est elle qui est la pourvoyeuse des pri-
sons et de l’échafaud.
II y aurait toute une législation à créer là-dessus. Et
qu’on se hâte, car les ravages de la corruption sont
impitoyables et rapides.
Songez que douze mille enfants font leurs premières
armes comme gredins tous les ans, dans Paris seule-
ment ! Quelle jolie société cola prépare à l’avenir !
Car, une fois dans l’engrenage, ils y passent tout
entiers.
La maison de correction n’est en réalité qu’un conser-
vatoire de récidivistes. . ;
On en est là. Les statisticiens font des additions. Les
moralistes gémissent.
Et après ?...
Un Monsieur du Club,
ACTUALITES
' — On peut avoir confiance dans votre goût ?
— Ah ! madame ! C’est moi qui ai créé la toilette d’Assises que portera aujourd’hui
Gabrielle Bcmpard !
PROPOS DE FUMOIR
— Savez-vous que c’est effrayant !
— Quoi donc, mon cher Gontran Y
— ha statistique.
— Quelle statistique ?
— Celle que j’ai sous les yeux.
— Et que dit-elle?
— Ede dit qu’à Paris plus de la moitié des arresta-
tions frappe aujourd’hui des mineurs.
Et Gontran nous tendit une Revue dont les calculs
sont vraiment effroyables.
Il en résulte qu’il commet deux fois plus de crimes
et de délits entre quinze et vingt ans qu’entre vingt et
quarante.
Et quels crimes que ceux de ces gamins précocement
corrompus !
En une seule année, toujours d’après la statistique
officielle, on a relevé 30 assassinats, 39 meurtres, 3 par-
ricides, 2 empoisonnements, 41 infanticides, 4,212 coups
et blessures, 25 incendies, 133 viols, 80 attentats à la
pudeur, 458 vols qualifies, 11,862 délits simples.
Comme on le voit :
Leurs pareils à deux fois ne se font pas connaître,
Et pour leur cuup d’essai veulent des coups de maître.
On recule, frappé de dégoût et d’effroi, devant une
semblable nomenclature. Mais il ne s’agit pas de gémir
et de se croiser les bras. Il faut se hâter de porter re-
mède à celte gangrène puérile.
Les origines du mal sont multiples,
Et d’abord on a eu tort de hisser sur un piédestal le
gamin de Paris. On s’est pâmé devant ses prétendus
bons mots. On a trouvé son cynisme charmant. Ses
vilenies ont passé pour gentillesses.
Gavroche, dès lors, s’est pris pour un personnage.
Plus on applaudissait, plus il forçait la note. Débraillé,
paresseux, effronté, grossier, il a commencé par le vice,
pour finir par le crime.
C’est le trajet direct.
Si, au lieu de se complaire aux injures bêtes du voyou,
on l’avait corrigé d’importance, il se serait peut-être ar-
rêté à mi-chemin.
Pas du tout. Le roman et le théâtre ont rivalisé de
zèle pour apolhéoser la turpitude. Et la plaie a rongé
plus profondément.
Vous les avez rencontrés comme moi, traînant dans
les squares, dans les jardins publics, aux carrefours,
ces petits gredins qui ont toutes les corruptions en rac-
courci.
Leur casquette à pont est déjà un signe de ralliement.
Ils fument le brûle-gueule comme des vieux de la
vieille. Ils avalent l’absinthe comme Coupeau.
Par troupes ils flânent, ils vagabondent, écument le
ruisseau, chipant d’abord, volant plus lard, en atten-
dant l’heure où il y aura à joue ’ du couteau.
Comment la police n’intervient-elle pas dans ces jeux
et dans ces ris ?
Parfois ces immondes avortons, soit au Palais-Royal,
soit aux Tuileries, interceptent la circulation, injurient
les promeneurs, bousculent les femmes.
On rit d’un rire bête et malfaisant qui les encourage
à persévérer.
A qui la faule, si la dégringolade s'accentue ensuite ?
Les parents do ces bandits prématurés, u’ont-ils
pas la plus grosse part de responsabilité?
Ces pères et mères qui abandonnent leurs enfants
aux hasards de la vie publique ne devraient-ils pas
être poursuivis ?
D’est leur coupable incurie qui est la cause première
de tout le mal. C’est elle qui est la pourvoyeuse des pri-
sons et de l’échafaud.
II y aurait toute une législation à créer là-dessus. Et
qu’on se hâte, car les ravages de la corruption sont
impitoyables et rapides.
Songez que douze mille enfants font leurs premières
armes comme gredins tous les ans, dans Paris seule-
ment ! Quelle jolie société cola prépare à l’avenir !
Car, une fois dans l’engrenage, ils y passent tout
entiers.
La maison de correction n’est en réalité qu’un conser-
vatoire de récidivistes. . ;
On en est là. Les statisticiens font des additions. Les
moralistes gémissent.
Et après ?...
Un Monsieur du Club,