Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Le charivari — 59.1890

DOI Heft:
Décembre
DOI Seite / Zitierlink:
https://doi.org/10.11588/diglit.23884#1419
Überblick
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
ACTUALITÉS

— Moi, je dis qu’on devrait rayer tous les imbéciles de la liste du jury.

— Alors il n’y aurait plus personne!

embrasse d’an côté tout l’horizon de la mer jusqu’à
Saint-Tropez, jusqu’au phare de Fréjus, et de l’autre les
rochers bizarrement découpés des derniers contreforts
des Alpes ; là-dessus, une végétation variée, des bruyè-
res hautes de deux mètres, des arbousiers au feuillage
parsemé de petites boules rouges, pareilles à de minus-
cules lanternes vénitiennes, et, les dominant de leurs
ramures puissantes, des chênes-lièges au tronc rougeâ-
tre, l’écorce enlevée jusqu’à hauteur d’homme ; non
loin du bastidon, une source, avantage précieux en cette
contrée où l’eau — douce — est rare, et une carrière de
pierres, facilité pour bâtir. Dans l'espérance de la réus-
site, la bonne femme nous faisait valoir tout cela,s’ex-
cusant en des formes très polios et très usagées de nous
entraîner de côté et d’autre. « Par ici, si madame n’est
pas fatiguée... » Et avec des attentions prévenantes,
elle retenait de sa main, jadis jolie, les branchettes et
les ronces qui auraient pu cingler au passage,

De bornes à bornes, nous avions vu tout le bien, et
en des phrases indécises avions répondu par des objec-
tions tirées de l’éloignement de la mer, du passage trop
proche du chemin de fer, etc.; sans insister, comme si
déjà dans l’entrainement do la conversation prolongée
elle eût oublié ses espérances et ses illusions, la Pari-
sienne, en bavardant, nous reconduisit jusqu’à la route.

Par de petits sentiers, d’elle connus el fréquentés de-
puis vingt ans, elle nous ramena à notre point de dé-
part, au lit empierré du gave; la descente se fit lente-
ment, à chaque instant arrêtés par la conversation; on
eût dit que la bonne femme, sevrée depuis longtemps

de toute société, sc rattrapait d'années entières de si-
lence, et, sans que nous puissions placer un mot, —
nous y avions renoncé, — elle nous défilait toute l’his-
toire et toutes les hisloires du pays : les villas, les unes
après les autres, se dressaient devant nous avec la phy-
sionomie de leurs habitants ; c’était à se demander com-
ment, de son bastidon démantelé, elle pouvait être si
bien renseignée. Elle causait, elle causait toujours ; un
train passa qui arrêta une minute son verbiage, mais,
le bruit éteint, elle reprit; et le soleil se couchait dans
le ciel empourpré, la diligence de cinq heures avait
corné sur la roule, qu’elle causait encore.

« Nous réfléchirons et nous viendrons vous voir. »
G’élait à la propriétaire que nors faisions nos adieux,
elle parut étonnée, mais se rappela bientôt qu’en effet
c’était comme acquéreurs qu’elle nous connaissait; une
révérence, et nous la vîmes, suivie de ses quatre chiens,
remonter à travers les fourrés, sa silhouette de vieille
fée dans la dèche longtemps distincte sur le versant du
coteau.

***

A l’auberge, dans la grande salle du bas, où nous dî-
no .s maintenant à la lueur d’une lampe à pétrole, la
nuit tombant vite, un maçon piémontais est venu s’as-
seoir, pour manger, apès son labeur de la journée, une
miche de pain avec une portion de macaronade, un
j beau gars, superbement bâti, la figure énergique.

I Nous le désignant, l’aubergiste à qui nous avions

conté notre promenade nous dit : « Il la connaît bien,
la Parisienne, il loge chez elle. » Alors dans le
baragouin de son patois moitié provençal,moitié italien,
le compagnon parla de la bonne femme. Gomme elle
devait de l’argent au maître-maçon, celui-ci avait pris
pour son principal ouvrier une chambre, et, depuis
deux mois, chaque soir, par les ravines de la forêt, le
Piémontais s’en allait coucher au bastidon. Ce qu’il
nous dit compléta notre impression, nous faisant con-
naître ce qu’il y avait à l’intérieur de la bicoque,
entre autres meubles vermoulus, un grand piano auquel
manquaient bien des notes et sur lequel les rats jouaient
toute la nuit en grimpant aux cordes.

N’était-ce pas, avec le cheval mort, les vestiges du
jardin, les ruines des terrasses, un restant aussi de
l’ancien temps ?

Nous retournerons, comme nous le lui avons promis,
voir la pauvre femme, et, sans doute, au-dessus de
l’instrument délabré, ou bien en quelque coin de mur,
nous apercevrons des choses restées incompréhensibles
pour l’ouvrier maçon, quelque vieux souvenir des
époques heureuses de sa vie, un portrait avec une date,
un paquet de lettres jaunies, un bouque fané, ou sim-
plement un hochet d’enfant, un joujou de bambin, et
bien mélancolique alors nous sera l’apparition de la
solitaire du bastidon, que les gens du pays, narquois
et mal intentionnés, ont dénommée en se moquant la
Parisienne 1

Maurice Guillemot,
Bildbeschreibung
Für diese Seite sind hier keine Informationen vorhanden.

Spalte temporär ausblenden
 
Annotationen