LE CHARIVARI
collaborateur de M. Pierre Veuillot, que l’on ne
compte plus les cas de guérison accomplis par ledit
saint Hubert.
Je veux bienlecroire; nuis que VUni* ers demande
à ses fervents abonnés ce qu’ils feraient, s’ils iraient
chez saint Hubert ou chez Pasteur, en dépit de leur
foi ardente, dans le cas où ils seraient menacés d’hy-
drophobie?
Ce serait un plébiscite rigolo.
Je m’engage à publier les réponses.
Achille Brissac.
THÉÂTRES
GYMNASE : L'Obstacle.
Le plus souvent, les pièces de M. Alphonse
Daudet ont été tirécs par lui de ses romans. Cette
fois, il s'agit d’une œuvre complètement inédite.
Aussi la curiosité en étai t-elle surexcitée plus vive-
ment, et chacun de bâtir son hypothèse devant ce
mot mystérieux : l'Obstacle.
Quel obstacle ?
Il ne s’agit ni de l’égalité des rangs qu’on a vue
fréquemment au théâtre contrarier l’élan des cœurs,
ni d’une faute antérieure empêchant le mariage de
l’héroïne, ni d’une tare de famille résultant de l’in-
dignité d’un père, ni..., ni...
M. Alphonse Daudet a pensé qu’à l’heure où la
médecine et le drame fraternisent si volontiers, il
serait intéressant de soumettre au public un de ces
problèmes complexes qui font hésiter en même
temps la physiologie et la psychologie.
C’est le terrible secret de la folie héréditaire qui
est en cause.
Cette question de l’hérédité est un des trop nom-
breux dadas enfourchés par la science fin de siècle.
Elle a, comme toujours, poussé à l’extrême les dé-
ductions théoriques, démenties sans cesse par l’ex-
périence.
On a cité ce mot d’un docteur hérédilomane qui,
voyant écraser un homme par un omnibus, lui de-
mande s’il n’y a pas d’autres cas semblables dans sa
famille.
Cette parodie n’excède pas de beaucoup la vé-
rité.
Et notez que, dans la nature, elle est, à chaque
minute, réfutée par l’expérience, cette doctrine de
désespérance fataliste contre laquelle la pièce de
Daudet a bien fait de réagir énergiquement.
E3t-ce que l’on ne constate pas sans cesse — et
avec une ironique doléance — que, le plus souvent,
le fils d’un grand homme n’est qu’un médiocre, sinon
un sot complet?
Est-ce que la Sagesse des nations ne proclame
pas elle-même : « A père avare, fils prodigue? »
Est-ce que, Dieu merci, l’héroïsme et le vice ne
sautent pas d’une famille à une autre?
Est-ce que les alternances de bien et de mal ne
sont pas, en tout et pour tous, la loi commune?
Oui, Daudet a bien fait de protester, par la voix
d’un de ses personnages, contre ces systèmes bestia-
lisants, au nom de la volonté « qui nous différencie
de la brute ».
Le cas qu’il amis en scène ne pouvait, d’ailleurs,
venir en aide à ces malsaines élucubrations.
Jugez-en.
Un jeune et brave garçon, Didier d’Alcin, avait
deux ans lorsque son père, frappé d’insolation au
Sénégal, est devenu fou.
Il ne saurait donc pas plus hériter de cette folie
accidentelle qu’un coup de bâton asséné sur la tête
de mon voisin ne peut m’ébranler le cerveau.
Mais il se trouve qu’un magistrat sans scrupules
— vous savez qu’il y en a, hélas ! —entreprend d’ex-
ploiter le coup de soleil à son profit.
Ce magistrat coquin est le tuteur de Mlle Made-
leine de Rémondys, à qui Didier est fiancé.
Il se demande pourquoi il ne chercherait pas à
garder pour lui la jolie pupille et sa dot.
Et pour arriver à ce but malpropre, il déclare s’op-
poser au mariage de Madeleine avec un fils d’aliéné
sur qui pourrait opérer la transmission funeste.
Il fait même plus. Il refuse de se battre avec Di-
dier qui l’a provoqué, en lui jetant à la tête que ses
colères ne relèvent que du doueneur, — comme les
fureurs de son père.
Le voilà donc connu, le secret plein d’horreur.
La pauvre mère de Didier s’alarme et perd la tête,
au point de vouloir déclarer à son fils qu’elle a
trompé son mari. Ce qui ne remédierait à rien, car,
iout en le trompant, elle pouvait continuer à entre-
tenir avec lui des relations qui laisseraient la pater-
nité douteuse. Ce qui, en outre, risquerait d’ exaspé-
rer les choses, car ce mensonge bien intentionné,
mais maladroit, serait de nature à démoraliser com-
plètement le pauvre garçon, en lui faisant croire que
les présomptions de folie sont assez sérieuses pour
pousser sa mère à un tel expédient.
Heureusement Didier a la tête solide. Il ne s’est
pas une minute effrayé. Il a, au contraire, réuni un
faisceau de preuves pour persuader Madeleine qui,
convaincue et parvenue à sa majorité, tombe dans
les bras de sa nouvelle famille.
L’œuvre de Daudet a beaucoup ému. Elle a
des grâces simples qui séduisent, une sincérité qui
pénètre. Elle parle une langue délicate et atten-
drissante. 11 y a eu, notamment au troisième acte,
de beaux élans de succès, et le nom de l’auteur a été
chaudement acclamé.
Une juste part de la victoire revient à M. Duflos,
qui a pris une revanche immédiate de Dernier
amour ; à Mme Pasca, pleine de noblesse; à Lafon-
taine, touchant et exquis ; à Mlle Sisos, très sobre
d’effets.
M. Noël s’est fait remarquer dans un rôle épiso-
dique, ainsi que la toujours charmante Mlle Dar-
laud.
Mlle Desclauzas et M.Paul Plan complètent l’har-
monie d’un excellent ensemble.
Voilà de belles étreanes pour le Gymnase 1
Pierre Véron.
KXTHA.IT D’ABSINTHK SUPKHIKURM
GEMPP PERNOD d*«îf^S
TRIPLE-SEC COINTREAU dangers
PÂTÉS DE NANCY
Un velouté délicieux, un aspect séduisant, un fumet
exquis ..
Voilà le pâté de foie gras de Nancy qui prend place
au centre de la table.
Pas un joli souper, pas un bon déjeuner sans lui.
Et nous ne l’aurions certes point si M. Weissenthan-
ner n’avait établi en Mourthe-et-Moselle cette industrie
strasbourgeoise.
On lui télégraphie, et immédiatement le pâté superbe
et délectable est expédié.
Tout Parisien en veut goûter, et c’est facile, car le
prix est des plus raisonnables.
CHRONIQUE DU JOUR
Boudiniana.
A quelques jours à peine de Noël, on a bien le droit
d’en parler encore.
Un de mes amis, boucher en gros au pavillon des
Halles, m’a initié, ces temps derniers, aux mystères de
la fabrication du boudin de Lutèce qui, je vous prie de
le croire, n’a rien do commun (et encore moins de pro-
pre) avec celui de Nancy.
C’est tout simplement épouvantable. Il y a là de tout,
ou à peu près, sauf, bien entendu, du sang de porc. On
y trouve jusqu’aux bribes végétales râclées dans les in-
testins des bœufs et des vaches tués à l’abattoir (ce
qu’en termes du métier on qualifie de « voirie »).
Ces bribes, rencontrées ensuite dans le pseudo-boudin
par le bon consommateur, passent pour être des fines
herbes et contribuent à la renommée du fabricant.
Et voilà pourquoi, réveillonneurs de mon cœur, le
vulgaire boudin de Paris vous reste si facilement sur
l’estomac (quand il n’en sort pas précipitamment, hé-
las!).
Ce boudin-là, dans lequel le cochon n’est absolument
pour rien, n’en constitue pas moins une fameuse... co-
chonnerie!
Une chose curieuse, c’est l’esprit d’invention dont
font preuve parfois les gens qui, las de l’existence,
s’expédient eux-mêmes, franco de port (rien du para-
graphe ci-dessus), dans l’autre monde.
On dirait qu’ils apportent une certaine coquetterie
dans leurs « moyens de conclure », et que, tout en
quittant la vie, ils veulent la quitter en se faisant re-
gretter.
i Exemple le brave homme qui, la semaine dernière,
s’est assis sur une tomhe, au Père-Lachaise, pour se
tirer cinq coups de revolver dans la tête. Si près du but,
le malheureux s’est manqué. Au lieu de dégringoler
dans la fosse ouverte devant lui, il est tombé dans les
bras des gardiens, qui l’ont conduit à l’hôpital.
Etrange renversement do l’ordre coutumier des
choses ! D’habitude, on va de l’hôpital au cimetière, et
non vice versa.
1 Certains stylistes prétentieux nous font toujours
éclater de rire, quand iis ne nous font pas bâiller
dennui.
Sdvourez’ je vous prie, cet échantillon, tout ce qu’il
y a de plus dessus du panier, extrait d’uu article publié
dans un journal boulevardier par un écrivain dont la
signature fait autorité dans l’école des Incompréhen-
sibles.
Une petite explication préliminaire est indispensable,
comme dans les symphonies allemandes.
Il s’agit d’un mari et d’une femme dans le ménage
desquels il y a eu jadis une histoire d’adultère.
Attention ! Ça commence :
•’ Evidemment, rien ne s’était passé, puisque sans
efforts ils ne se souvenaient de rien et que naturelle-
ment, par le fait môme des évidences, le temporaire
exode et ses phases absconces s’étaient résorbés dans le
quotidien des jours subséquents. »
0 1angue.de Voltaire et de Jean-Jacques Rousseau!
Et que dirais-tu de ce français, toi, spirituel Rivarol,
qui as écrit cet axiome :
« Tout ce qui n’est pas clair n’est pas français! »
Petit dictionnaire de Ckarenton
RUBAN ACADÉMIQUE : Galon des refusés.
Les joyeusetés des Pelites Affiches :
« On demande, pour grande étude d’avoué, en pro-
vince, un petit clerc de quarante à quarante-cinq
ans. »
Un petit clerc de quarante-cinq ans !
Pourquoi pas un octogénaire ?
Saute-ruisseau à cheveux blancs... Le Fortunio d’Al-
fred de Musset, qui moissonnait si bien les belles fem-
mes mûres sous le pied du capitaine Clavaroche, n’a-
vait pas la moindre idée de ca.
Rencontré l’ami S..., tout frais débarqué d’un petit
séjour à Nice. Je lui demande s’il n’a pas trop souffert
du froid, dans ce long parcours en wagon.
— Du froid, pas trop, dit-il. Seulement, c’était plein
d’Anglaises et d’Anglais qui, le soir, m’ont encombré de
châles, de couvertures, etc., et qui, le matin, ouvrant
de volumineux nécessaires de toilette, se sont peignés,
astiqués, pomponnés et bichonnés pendant de? heures,
à mon nez et à ma barbe.
Et il conclut, avec un gros soupir de rancune :
— Les Anglais en voyage, voyez-vous : des gens qui
ne révent que plaids et brosses !
Actualités palpitantes.
Comme quoi il n’y a plus d’enfants.
M’sieu Moino, après avoir scrupuleusement collec-
tionné les jouets et les bonbons qu’il a trouvés dans
ses petits souliers, le 23 décembre au matin, dit à sa
mère :
— Le petit Noël, tu sais que je sais ce que c’est
maintenant ; c’est un fumiste !
Et comme la maman essaie de protester, le bambin
continue avec une logique implacable :
— Mais oui, puisqu’il travaille dans les chemi-
nées!
Henri Second.
BOURSE-EXPRESS
La liquidation anglaise s’est passée sans trop gros
incidents. Les reports, il est vrai, ont été chers ; mais
on s’y atlendait. Maintenant, pourvu que le règlement
de comptes se fasse sans accroc, tout sera bien..
Chez nous aussi, les reports seront chers. Mais on a
pris ses précautions; et il n’y a plus grand’chose à re-
porter.
En somme, nous n’avons pas trop à nous plaindre
des derniers jours de l’annéo. Il n’y a qu’au point de
vue des affaires qu’il y aurait quelque chose à dire. Mais
on ne peut pas tout faire à la fois ; et ce n’est pas quand
on achète des étrennes qu’on peut en' même temps
acheter des rentes.
Au contraire!
Gastorine.
collaborateur de M. Pierre Veuillot, que l’on ne
compte plus les cas de guérison accomplis par ledit
saint Hubert.
Je veux bienlecroire; nuis que VUni* ers demande
à ses fervents abonnés ce qu’ils feraient, s’ils iraient
chez saint Hubert ou chez Pasteur, en dépit de leur
foi ardente, dans le cas où ils seraient menacés d’hy-
drophobie?
Ce serait un plébiscite rigolo.
Je m’engage à publier les réponses.
Achille Brissac.
THÉÂTRES
GYMNASE : L'Obstacle.
Le plus souvent, les pièces de M. Alphonse
Daudet ont été tirécs par lui de ses romans. Cette
fois, il s'agit d’une œuvre complètement inédite.
Aussi la curiosité en étai t-elle surexcitée plus vive-
ment, et chacun de bâtir son hypothèse devant ce
mot mystérieux : l'Obstacle.
Quel obstacle ?
Il ne s’agit ni de l’égalité des rangs qu’on a vue
fréquemment au théâtre contrarier l’élan des cœurs,
ni d’une faute antérieure empêchant le mariage de
l’héroïne, ni d’une tare de famille résultant de l’in-
dignité d’un père, ni..., ni...
M. Alphonse Daudet a pensé qu’à l’heure où la
médecine et le drame fraternisent si volontiers, il
serait intéressant de soumettre au public un de ces
problèmes complexes qui font hésiter en même
temps la physiologie et la psychologie.
C’est le terrible secret de la folie héréditaire qui
est en cause.
Cette question de l’hérédité est un des trop nom-
breux dadas enfourchés par la science fin de siècle.
Elle a, comme toujours, poussé à l’extrême les dé-
ductions théoriques, démenties sans cesse par l’ex-
périence.
On a cité ce mot d’un docteur hérédilomane qui,
voyant écraser un homme par un omnibus, lui de-
mande s’il n’y a pas d’autres cas semblables dans sa
famille.
Cette parodie n’excède pas de beaucoup la vé-
rité.
Et notez que, dans la nature, elle est, à chaque
minute, réfutée par l’expérience, cette doctrine de
désespérance fataliste contre laquelle la pièce de
Daudet a bien fait de réagir énergiquement.
E3t-ce que l’on ne constate pas sans cesse — et
avec une ironique doléance — que, le plus souvent,
le fils d’un grand homme n’est qu’un médiocre, sinon
un sot complet?
Est-ce que la Sagesse des nations ne proclame
pas elle-même : « A père avare, fils prodigue? »
Est-ce que, Dieu merci, l’héroïsme et le vice ne
sautent pas d’une famille à une autre?
Est-ce que les alternances de bien et de mal ne
sont pas, en tout et pour tous, la loi commune?
Oui, Daudet a bien fait de protester, par la voix
d’un de ses personnages, contre ces systèmes bestia-
lisants, au nom de la volonté « qui nous différencie
de la brute ».
Le cas qu’il amis en scène ne pouvait, d’ailleurs,
venir en aide à ces malsaines élucubrations.
Jugez-en.
Un jeune et brave garçon, Didier d’Alcin, avait
deux ans lorsque son père, frappé d’insolation au
Sénégal, est devenu fou.
Il ne saurait donc pas plus hériter de cette folie
accidentelle qu’un coup de bâton asséné sur la tête
de mon voisin ne peut m’ébranler le cerveau.
Mais il se trouve qu’un magistrat sans scrupules
— vous savez qu’il y en a, hélas ! —entreprend d’ex-
ploiter le coup de soleil à son profit.
Ce magistrat coquin est le tuteur de Mlle Made-
leine de Rémondys, à qui Didier est fiancé.
Il se demande pourquoi il ne chercherait pas à
garder pour lui la jolie pupille et sa dot.
Et pour arriver à ce but malpropre, il déclare s’op-
poser au mariage de Madeleine avec un fils d’aliéné
sur qui pourrait opérer la transmission funeste.
Il fait même plus. Il refuse de se battre avec Di-
dier qui l’a provoqué, en lui jetant à la tête que ses
colères ne relèvent que du doueneur, — comme les
fureurs de son père.
Le voilà donc connu, le secret plein d’horreur.
La pauvre mère de Didier s’alarme et perd la tête,
au point de vouloir déclarer à son fils qu’elle a
trompé son mari. Ce qui ne remédierait à rien, car,
iout en le trompant, elle pouvait continuer à entre-
tenir avec lui des relations qui laisseraient la pater-
nité douteuse. Ce qui, en outre, risquerait d’ exaspé-
rer les choses, car ce mensonge bien intentionné,
mais maladroit, serait de nature à démoraliser com-
plètement le pauvre garçon, en lui faisant croire que
les présomptions de folie sont assez sérieuses pour
pousser sa mère à un tel expédient.
Heureusement Didier a la tête solide. Il ne s’est
pas une minute effrayé. Il a, au contraire, réuni un
faisceau de preuves pour persuader Madeleine qui,
convaincue et parvenue à sa majorité, tombe dans
les bras de sa nouvelle famille.
L’œuvre de Daudet a beaucoup ému. Elle a
des grâces simples qui séduisent, une sincérité qui
pénètre. Elle parle une langue délicate et atten-
drissante. 11 y a eu, notamment au troisième acte,
de beaux élans de succès, et le nom de l’auteur a été
chaudement acclamé.
Une juste part de la victoire revient à M. Duflos,
qui a pris une revanche immédiate de Dernier
amour ; à Mme Pasca, pleine de noblesse; à Lafon-
taine, touchant et exquis ; à Mlle Sisos, très sobre
d’effets.
M. Noël s’est fait remarquer dans un rôle épiso-
dique, ainsi que la toujours charmante Mlle Dar-
laud.
Mlle Desclauzas et M.Paul Plan complètent l’har-
monie d’un excellent ensemble.
Voilà de belles étreanes pour le Gymnase 1
Pierre Véron.
KXTHA.IT D’ABSINTHK SUPKHIKURM
GEMPP PERNOD d*«îf^S
TRIPLE-SEC COINTREAU dangers
PÂTÉS DE NANCY
Un velouté délicieux, un aspect séduisant, un fumet
exquis ..
Voilà le pâté de foie gras de Nancy qui prend place
au centre de la table.
Pas un joli souper, pas un bon déjeuner sans lui.
Et nous ne l’aurions certes point si M. Weissenthan-
ner n’avait établi en Mourthe-et-Moselle cette industrie
strasbourgeoise.
On lui télégraphie, et immédiatement le pâté superbe
et délectable est expédié.
Tout Parisien en veut goûter, et c’est facile, car le
prix est des plus raisonnables.
CHRONIQUE DU JOUR
Boudiniana.
A quelques jours à peine de Noël, on a bien le droit
d’en parler encore.
Un de mes amis, boucher en gros au pavillon des
Halles, m’a initié, ces temps derniers, aux mystères de
la fabrication du boudin de Lutèce qui, je vous prie de
le croire, n’a rien do commun (et encore moins de pro-
pre) avec celui de Nancy.
C’est tout simplement épouvantable. Il y a là de tout,
ou à peu près, sauf, bien entendu, du sang de porc. On
y trouve jusqu’aux bribes végétales râclées dans les in-
testins des bœufs et des vaches tués à l’abattoir (ce
qu’en termes du métier on qualifie de « voirie »).
Ces bribes, rencontrées ensuite dans le pseudo-boudin
par le bon consommateur, passent pour être des fines
herbes et contribuent à la renommée du fabricant.
Et voilà pourquoi, réveillonneurs de mon cœur, le
vulgaire boudin de Paris vous reste si facilement sur
l’estomac (quand il n’en sort pas précipitamment, hé-
las!).
Ce boudin-là, dans lequel le cochon n’est absolument
pour rien, n’en constitue pas moins une fameuse... co-
chonnerie!
Une chose curieuse, c’est l’esprit d’invention dont
font preuve parfois les gens qui, las de l’existence,
s’expédient eux-mêmes, franco de port (rien du para-
graphe ci-dessus), dans l’autre monde.
On dirait qu’ils apportent une certaine coquetterie
dans leurs « moyens de conclure », et que, tout en
quittant la vie, ils veulent la quitter en se faisant re-
gretter.
i Exemple le brave homme qui, la semaine dernière,
s’est assis sur une tomhe, au Père-Lachaise, pour se
tirer cinq coups de revolver dans la tête. Si près du but,
le malheureux s’est manqué. Au lieu de dégringoler
dans la fosse ouverte devant lui, il est tombé dans les
bras des gardiens, qui l’ont conduit à l’hôpital.
Etrange renversement do l’ordre coutumier des
choses ! D’habitude, on va de l’hôpital au cimetière, et
non vice versa.
1 Certains stylistes prétentieux nous font toujours
éclater de rire, quand iis ne nous font pas bâiller
dennui.
Sdvourez’ je vous prie, cet échantillon, tout ce qu’il
y a de plus dessus du panier, extrait d’uu article publié
dans un journal boulevardier par un écrivain dont la
signature fait autorité dans l’école des Incompréhen-
sibles.
Une petite explication préliminaire est indispensable,
comme dans les symphonies allemandes.
Il s’agit d’un mari et d’une femme dans le ménage
desquels il y a eu jadis une histoire d’adultère.
Attention ! Ça commence :
•’ Evidemment, rien ne s’était passé, puisque sans
efforts ils ne se souvenaient de rien et que naturelle-
ment, par le fait môme des évidences, le temporaire
exode et ses phases absconces s’étaient résorbés dans le
quotidien des jours subséquents. »
0 1angue.de Voltaire et de Jean-Jacques Rousseau!
Et que dirais-tu de ce français, toi, spirituel Rivarol,
qui as écrit cet axiome :
« Tout ce qui n’est pas clair n’est pas français! »
Petit dictionnaire de Ckarenton
RUBAN ACADÉMIQUE : Galon des refusés.
Les joyeusetés des Pelites Affiches :
« On demande, pour grande étude d’avoué, en pro-
vince, un petit clerc de quarante à quarante-cinq
ans. »
Un petit clerc de quarante-cinq ans !
Pourquoi pas un octogénaire ?
Saute-ruisseau à cheveux blancs... Le Fortunio d’Al-
fred de Musset, qui moissonnait si bien les belles fem-
mes mûres sous le pied du capitaine Clavaroche, n’a-
vait pas la moindre idée de ca.
Rencontré l’ami S..., tout frais débarqué d’un petit
séjour à Nice. Je lui demande s’il n’a pas trop souffert
du froid, dans ce long parcours en wagon.
— Du froid, pas trop, dit-il. Seulement, c’était plein
d’Anglaises et d’Anglais qui, le soir, m’ont encombré de
châles, de couvertures, etc., et qui, le matin, ouvrant
de volumineux nécessaires de toilette, se sont peignés,
astiqués, pomponnés et bichonnés pendant de? heures,
à mon nez et à ma barbe.
Et il conclut, avec un gros soupir de rancune :
— Les Anglais en voyage, voyez-vous : des gens qui
ne révent que plaids et brosses !
Actualités palpitantes.
Comme quoi il n’y a plus d’enfants.
M’sieu Moino, après avoir scrupuleusement collec-
tionné les jouets et les bonbons qu’il a trouvés dans
ses petits souliers, le 23 décembre au matin, dit à sa
mère :
— Le petit Noël, tu sais que je sais ce que c’est
maintenant ; c’est un fumiste !
Et comme la maman essaie de protester, le bambin
continue avec une logique implacable :
— Mais oui, puisqu’il travaille dans les chemi-
nées!
Henri Second.
BOURSE-EXPRESS
La liquidation anglaise s’est passée sans trop gros
incidents. Les reports, il est vrai, ont été chers ; mais
on s’y atlendait. Maintenant, pourvu que le règlement
de comptes se fasse sans accroc, tout sera bien..
Chez nous aussi, les reports seront chers. Mais on a
pris ses précautions; et il n’y a plus grand’chose à re-
porter.
En somme, nous n’avons pas trop à nous plaindre
des derniers jours de l’annéo. Il n’y a qu’au point de
vue des affaires qu’il y aurait quelque chose à dire. Mais
on ne peut pas tout faire à la fois ; et ce n’est pas quand
on achète des étrennes qu’on peut en' même temps
acheter des rentes.
Au contraire!
Gastorine.