Prix du Numéro î 15 centime*
SOIXANTIÈME «ANNEE
ABONNEMENTS
PARIS
Trois mois. 18 fr.
Six mois.. «. 36 —
Un an. 72 —
Us abonnements partent des iet et 16 de chaque mois
DIRECTION
Politique. Littéraire et Artistique
PIERRE VÉRON
Rédacteur en Chef
BUREAUX
DE LA RÉDACTION ET DE L’ADMINISTRATION
Bue de la Victoire, 20
SAMEDI 10 JANVIER 1891
ABONNEMENTS
DÉPARTEMENTS
Trois mois. 20 .fc
Six mois. 40 —
Un an. 80 • •
L’abonnement d’un an donne droit à la prime grai?**
DIRECTION
Politique, Littéraire et Artistique
pierre \mm
Rédacteur en Cfee£
ANNONCES
ADOLPHE EWIG, fermier de la pusuant
92, Hue Richelieu
LE CHARIVARI
BULLETIN POLITIQUE
Il faut que la récolte du jour soit bien maigre pour
qu’on en soit réduit à commenter, comme document
important, un discours de M. Jules Méline,président
trè> oublié de la Chambre.
M. Méline, sous prétexte de célébrer en province
la reconstitution de l’alliance républicaine, s’est
borné à passer une revue banale des événements
connus de tous.
Tout au plus peut-on signaler quelques phrases
plus accentuées que le reste sur l’attitude du clergé.
« Quand le prêtre, a dit M. Méline, sort de son
vrai rôle, dans lequel il est protégé par l’Etat, quand
il dépouille sa soutane pour descendre dans l’arène
des partis et retourner contre l’Etat l’autorité qu’il
tient de lui, je ne vois plus en lui qu’un fonction-
naire ordinaire qui manque à son devoir, qui ne
mérite aucun ménagement. »
La conclusion de l’orateur a été que les adver-
saires de la République « se rendraient seulement
lejour où ils seraient bien convaincus de leur im-
puissance ».
C’est assez généralement dans ces conditions-là
qu’on se rend, et feu La Palisse pourrait revendiquer
cette constatation candide.
Du côté du bcu!angisme,un agréable pataugement.
Cela tourne tout à fait à l’opérette.
A midi, le général désavoue M. Deroulède. A deux
heures, celui-ci s’écrie : « Tout est rompu. » A qua-
tre heures, le général se retire complètement des
affaires. A six heures, le général ne se retire plus.
A huit heures, M. Deroulède ne rompt plus et part
pour Jersey.
Quand c’est fini, ça recommence.
Et ce que la France s’en moque, mon Dieu !
M. Andrieux n’a pas pris gaîment son échec de
Saint-Flour.
Il a usé des vingt-quatre heures qu’on a pour la
malédiction et écrit à ses électeurs une lettre pleine
d’amertume. On y lit :
« L’opportunisme a fait du suffrage universel une
sorte de tripot où les grecs de la politique gagnent à
coup sûr, et où les honnêtes gens ont tort de s’aven-
turer... 7>
Et plus loin :
« Ne perdez pas de temps à rédiger des protesta-
tions. Ceux qui ont mission de les juger sont les
complices dos tricheurs. S'ils s’avisaient de flétrir
le vol et la fraude, ils condamneraient leur propre
originel... »
Si M. Andrieux était sûr d’avance que le suffrage
universel fût frelaté et qu’il fût impossible d’en
démasquer les fraudes, pourquoi diable s’est-il pré-
senté? Pourquoi a-t-il joué une partie qu’il était sûr
de perdre?
Pierre Véron.
L’ÉCOLE DES DEMOISELLES
SAYNÈTE
La scène se passe dans les neuf dixièmes des inté-
rieurs parisiens, voire même français, où se trouve
une demoiselle candide.
Le second personnage donnant la réplique est
souvent un jeune frère, ou une amie, ou la mamau
même.
Supposons une amie, pour atténuer un peu les
incongruités de la situation. ^
La demoiselle candide. — Viens vite, j’ai pris le
journal. C’est le compte rendu de l’affaire Fou-
roux.
L’amie. — Ça va être bien amusant.
La demoiselle candide. — Lis avec moi.
L’amie . — Crois-tu, ma chère !
La demoiselle candide. — Alors, quand on a un
amant, on passe la nuit avec lui ?
L’amie. — Ou le jour.
La demoiselle candide. — Et il en résulte un
bébé? Comme à notre bonne cet hiver.
L’amie. —Et comme à Laure, qui était avec nous
au couvent et qui, l’année dernière...
La demoiselle candide. — Oui, je sais... Mais
quand on est enceinte, on peut se débarrasser par
des moyens...
L’amie. — Certainement. Tu ne savais pas ça?
La demoiselle candide. — Le procès raconte
qu’on vous pique avec une aiguille ou avec une
plume de fer. Oui, mais ça doit être fort dange-
reux.
L’amie. — Pas tant. Tu vois bien qu’elle n’en est
pas morte.
La demoiselle candide. — C’est tout de même
une ressource, en cas de besoin.
L’amie. — Je crois bien ! Et ce qu’il y a de gens
qui eu usent, à ce que mon cousin m’a conté 1 II
paraît qu’on va bientôt juger à Paris une avorteuse
quia pratiqué deux ou trois mille opérations.
La demoiselle candide. —Oh! comme le journal
sera intéressant ce jour-là! Tu viendras, nous le li-
rons encore ensemble.
(Elles continuent leur dialogue.)
MORALITÉ
Un autre jour, c’est l’affaire d’un gerministe dont
le compte rendu s’étale sur les tables de famille, ou
bien un procès en divorce pour cause de mœurs
lesbiennes, ou bien les cascades de la raccrocheuse
Gabrielle, ou bien..., ou bien..., ou bien...
Et toujours le journal reste à la portée de l’inno-
cence. Et l’on s’étonne, après, que cette innocence-
là soit vicieuse comme potence, que les jeunes
filles nourries de cette moelle fassent plus tard les
épouses cascadeuses que nous voyons pulluler I
Il y a pourtant une disposition du Gode qui auto-
rise le huis-clos, chaque fois que la publicité peut
entraîner un scandale. Mais est-ce que depuis long-
temps le mot scandale n’a pas cessé d’être français?...
GASGADIO.
--
CE SERAIT BIEN SIMPLE
Tous les jours, ou constate que ces dames ou de-
moiselles du téléphone se moquent absolument du
public, laissent carillonner les abonnés en s’amu-
sant comme de petifes folles, répondent même par
un Zut bien senti aux reproches qu’on leur adresse
tout le long, le long du fil.
Là-dessus, la direction répond :
— Laissez donc, on exagère. Les abonnés sont
quinteux, et puis on aime toujours à éreinter l’ad-
ministration en France... Comment voulez-vous que
nous sachions au juste ce qu’il y a de fondé dans
toutes vos doléances?
Gomment? Ohl par un moyen bien simple.
Ce moyen s’appelle le contrôle.
Vous prétendez que vous doutez? Eh bien, véri-
fiez, parbleu 1
Pour cela, il vous suffirait d’instituer une ou deux
douzaines de surveillants dont le fonctionnement
serait tout ce qu’il y a de plus convaincant.
Ges surveillants se rendraient de temps en temps
chez un abonné, et là ils demanderaient eux-mêmes
la communication ou prieraient l’abonné de la de-
mander devant eux.
Ce ne serait pas long, allez, la petite démonstra-
tion souhaitée. Dès la seconde expérience, sinon
dès la première, se produiraient les lenteurs, les bri-
mades, les Je rrien pchismes, que les employées du
téléphone pratiquent à jet continu.
Ne soupçonnant pas à qui elles ont à faire, elles
ne se gêneraient pas plus que d’habitude.
Et alors la direction générale, ne pouvant plus se
retrancher derrière les équivoques, serait bien forcée
de prendre des mesures pour sauver le téléphone,
que d’aussi monstrueux abus feront délaisser com-
plètement avant qu’il soit peu.
Le système des surveillants, une fois connu des
téléphoneuses, n’en exercerait pas moins une action
salutaire, car celles-ci, se sachant observées et cou-
chées en joue, n’oseraient plus pratiquer la cascade.
Pourquoi, s’il vous plaît, les fortes têtes de l’ad-
ministration n’ont-elles pas, en se cotisant, trouvé
cet expédient que nous leur suggérons sans exiger
aucune reconnaissance?
Comment, devant un état de choses absolument
intolérable, n’a-t-on pratiqué jusqu'ici que le laisser-
aller le plus méprisant?
Paul Girard*
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ADOLPHE EWIG, fermier de la pusuant
92, Hue Richelieu
LE CHARIVARI
BULLETIN POLITIQUE
Il faut que la récolte du jour soit bien maigre pour
qu’on en soit réduit à commenter, comme document
important, un discours de M. Jules Méline,président
trè> oublié de la Chambre.
M. Méline, sous prétexte de célébrer en province
la reconstitution de l’alliance républicaine, s’est
borné à passer une revue banale des événements
connus de tous.
Tout au plus peut-on signaler quelques phrases
plus accentuées que le reste sur l’attitude du clergé.
« Quand le prêtre, a dit M. Méline, sort de son
vrai rôle, dans lequel il est protégé par l’Etat, quand
il dépouille sa soutane pour descendre dans l’arène
des partis et retourner contre l’Etat l’autorité qu’il
tient de lui, je ne vois plus en lui qu’un fonction-
naire ordinaire qui manque à son devoir, qui ne
mérite aucun ménagement. »
La conclusion de l’orateur a été que les adver-
saires de la République « se rendraient seulement
lejour où ils seraient bien convaincus de leur im-
puissance ».
C’est assez généralement dans ces conditions-là
qu’on se rend, et feu La Palisse pourrait revendiquer
cette constatation candide.
Du côté du bcu!angisme,un agréable pataugement.
Cela tourne tout à fait à l’opérette.
A midi, le général désavoue M. Deroulède. A deux
heures, celui-ci s’écrie : « Tout est rompu. » A qua-
tre heures, le général se retire complètement des
affaires. A six heures, le général ne se retire plus.
A huit heures, M. Deroulède ne rompt plus et part
pour Jersey.
Quand c’est fini, ça recommence.
Et ce que la France s’en moque, mon Dieu !
M. Andrieux n’a pas pris gaîment son échec de
Saint-Flour.
Il a usé des vingt-quatre heures qu’on a pour la
malédiction et écrit à ses électeurs une lettre pleine
d’amertume. On y lit :
« L’opportunisme a fait du suffrage universel une
sorte de tripot où les grecs de la politique gagnent à
coup sûr, et où les honnêtes gens ont tort de s’aven-
turer... 7>
Et plus loin :
« Ne perdez pas de temps à rédiger des protesta-
tions. Ceux qui ont mission de les juger sont les
complices dos tricheurs. S'ils s’avisaient de flétrir
le vol et la fraude, ils condamneraient leur propre
originel... »
Si M. Andrieux était sûr d’avance que le suffrage
universel fût frelaté et qu’il fût impossible d’en
démasquer les fraudes, pourquoi diable s’est-il pré-
senté? Pourquoi a-t-il joué une partie qu’il était sûr
de perdre?
Pierre Véron.
L’ÉCOLE DES DEMOISELLES
SAYNÈTE
La scène se passe dans les neuf dixièmes des inté-
rieurs parisiens, voire même français, où se trouve
une demoiselle candide.
Le second personnage donnant la réplique est
souvent un jeune frère, ou une amie, ou la mamau
même.
Supposons une amie, pour atténuer un peu les
incongruités de la situation. ^
La demoiselle candide. — Viens vite, j’ai pris le
journal. C’est le compte rendu de l’affaire Fou-
roux.
L’amie. — Ça va être bien amusant.
La demoiselle candide. — Lis avec moi.
L’amie . — Crois-tu, ma chère !
La demoiselle candide. — Alors, quand on a un
amant, on passe la nuit avec lui ?
L’amie. — Ou le jour.
La demoiselle candide. — Et il en résulte un
bébé? Comme à notre bonne cet hiver.
L’amie. —Et comme à Laure, qui était avec nous
au couvent et qui, l’année dernière...
La demoiselle candide. — Oui, je sais... Mais
quand on est enceinte, on peut se débarrasser par
des moyens...
L’amie. — Certainement. Tu ne savais pas ça?
La demoiselle candide. — Le procès raconte
qu’on vous pique avec une aiguille ou avec une
plume de fer. Oui, mais ça doit être fort dange-
reux.
L’amie. — Pas tant. Tu vois bien qu’elle n’en est
pas morte.
La demoiselle candide. — C’est tout de même
une ressource, en cas de besoin.
L’amie. — Je crois bien ! Et ce qu’il y a de gens
qui eu usent, à ce que mon cousin m’a conté 1 II
paraît qu’on va bientôt juger à Paris une avorteuse
quia pratiqué deux ou trois mille opérations.
La demoiselle candide. —Oh! comme le journal
sera intéressant ce jour-là! Tu viendras, nous le li-
rons encore ensemble.
(Elles continuent leur dialogue.)
MORALITÉ
Un autre jour, c’est l’affaire d’un gerministe dont
le compte rendu s’étale sur les tables de famille, ou
bien un procès en divorce pour cause de mœurs
lesbiennes, ou bien les cascades de la raccrocheuse
Gabrielle, ou bien..., ou bien..., ou bien...
Et toujours le journal reste à la portée de l’inno-
cence. Et l’on s’étonne, après, que cette innocence-
là soit vicieuse comme potence, que les jeunes
filles nourries de cette moelle fassent plus tard les
épouses cascadeuses que nous voyons pulluler I
Il y a pourtant une disposition du Gode qui auto-
rise le huis-clos, chaque fois que la publicité peut
entraîner un scandale. Mais est-ce que depuis long-
temps le mot scandale n’a pas cessé d’être français?...
GASGADIO.
--
CE SERAIT BIEN SIMPLE
Tous les jours, ou constate que ces dames ou de-
moiselles du téléphone se moquent absolument du
public, laissent carillonner les abonnés en s’amu-
sant comme de petifes folles, répondent même par
un Zut bien senti aux reproches qu’on leur adresse
tout le long, le long du fil.
Là-dessus, la direction répond :
— Laissez donc, on exagère. Les abonnés sont
quinteux, et puis on aime toujours à éreinter l’ad-
ministration en France... Comment voulez-vous que
nous sachions au juste ce qu’il y a de fondé dans
toutes vos doléances?
Gomment? Ohl par un moyen bien simple.
Ce moyen s’appelle le contrôle.
Vous prétendez que vous doutez? Eh bien, véri-
fiez, parbleu 1
Pour cela, il vous suffirait d’instituer une ou deux
douzaines de surveillants dont le fonctionnement
serait tout ce qu’il y a de plus convaincant.
Ges surveillants se rendraient de temps en temps
chez un abonné, et là ils demanderaient eux-mêmes
la communication ou prieraient l’abonné de la de-
mander devant eux.
Ce ne serait pas long, allez, la petite démonstra-
tion souhaitée. Dès la seconde expérience, sinon
dès la première, se produiraient les lenteurs, les bri-
mades, les Je rrien pchismes, que les employées du
téléphone pratiquent à jet continu.
Ne soupçonnant pas à qui elles ont à faire, elles
ne se gêneraient pas plus que d’habitude.
Et alors la direction générale, ne pouvant plus se
retrancher derrière les équivoques, serait bien forcée
de prendre des mesures pour sauver le téléphone,
que d’aussi monstrueux abus feront délaisser com-
plètement avant qu’il soit peu.
Le système des surveillants, une fois connu des
téléphoneuses, n’en exercerait pas moins une action
salutaire, car celles-ci, se sachant observées et cou-
chées en joue, n’oseraient plus pratiquer la cascade.
Pourquoi, s’il vous plaît, les fortes têtes de l’ad-
ministration n’ont-elles pas, en se cotisant, trouvé
cet expédient que nous leur suggérons sans exiger
aucune reconnaissance?
Comment, devant un état de choses absolument
intolérable, n’a-t-on pratiqué jusqu'ici que le laisser-
aller le plus méprisant?
Paul Girard*