SOIXANTIÈME ANNÉE
Prix du Numéro 2 25 centime^
JEUDI 1er OCTOBRE 1891
ABONNEMENTS
PARIS
Trois mois. 18 fr.
Six mois. 36 —
Un an. 72 —
(les mandats télégraphiques ne sont pas reçus)
les abonnements 'parlent des iot et 16 de chaque mois
DIRECTION
Politique, Littéraire et Artistique
IME H fi 15 VÉKON
ffiédacf eur en Chef
BUREAUX
DE LA RÉDACTION ET DE L’ADMINISTRATION
Rue de la Victoire 20
ABONNEMENTS
DÉPARTEMENTS
Trois moU. 20 fr.
Six mois. 40 —
ün an. 80 —
(les mandats télégraphiques ne sont pas reçus)
L'abonnement d'un an donne droit à la prime gratuite
DIRECTION
Politique, Littéraire et Artistique
PI15 11 \\ 15 VÉKON
U é cî a c t e u r en Chef
ANNONCES
ADOLPHE EWIG, fermier de la publicité
92, Rue Richelieu
LE CHARIVARI
BULLETIN POLITIQUE
Il y a de l’écho.
L’autre jour, c’était M. Ribot qui très digne-
ment affirmait la paix.
Le tour est venu de M. de Gaprivi, chancelier
allemand, dont les déclarations semblent avoir
répercuté le discours de notre ministre des affai-
res étrangères.
M. de Caprivi ne s’est pas borné à une déclara-
tion vague. Il a mis le doigt sur le point qui pa-
raissait sensible et affirmé que le rapprochement
de la Russie et de la France ne lui inspirait au-
cune inquiétude. Cela dans les termes que voici
et dont la netteté est tout ce qu’il y a de plus ca-
tégorique :
« Un coup d’œil jeté sur le passé montre ce
que le présent a su conquérir : les craintes rela-
tives à la durée de l’état de choses actuel ne sont
pas fondées; aucun homme d’Etat n’a le désir de
troubler la paix et de provoquer une guerre eu-
ropéenne; les relations plus étroites qui se sont
établies entre différents Etats dans ces derniers
temps ne donnent pas lieu non plus â des appré-
hensions; ces rapprochements ne constituent
probablement pas autre chose que l’établisse-
ment de l’équilibre européen tel qu’il existait
autrefois.
» Aucun des gouvernements européens, autant
que je puis le prévoir, ne souhaite une guerre
qui dépasserait en calamités et en conséquences
toutes les guerres antérieures. »
La situation occupée par M. de Caprivi donne
à son langage une importance particulière. C’est
l’Allemagne officielle qui a parlé par sa bouche.
AU rightl
Un détail complémentaire. Ce discours a été
prononcé dans un local qui porte le titre de
Salle de la Paix.
Le hasard même se fait tranquillisant.
Suite des éloquences.
M. Jules Ferry a porté un toast au Président
de la République dans un comice agricole.
Etonnant comme l’agriculture pousse à la rhé-
torique. On prétend qu’elle manque de bras;
mais, à coup sûr, elle ne manque pas de langues.
M. Jules Ferry a constaté, lui aussi, que le
calme s’impose d’autant plus que les conditions
de- vie européennes se sont plus complètement
modifiées.
« Le relèvement de la France, a-t-il dit fort
justement, n’est point au prix des manifestations
bruyantes, toujours stériles, souvent nuisibles.
On ne le hâterait pas d’une heure, on ne pourrait
que le retarder par une politique de provocations
et d’imprudence. »
Je n’oserais faire chorus aussi résolument
avec l’optimisme ministériel manifesté par l’ora-
teur dans le passage suivant :
« L’heure actuelle est unique dans notre his-
toire contemporaine.
» La session d’automne, qui ramène souvent
les Parlements mécontents ou agités, ne trou-
blera pas votre quiétude laborieuse. Vous n’avez
pas à redouter de crise, une de ces crises que
vous craignez à bon droit et qui sont devenues
odieuses au pays. »
Le pays! M. Jules Ferry araison.il ne souhaite
pas de crise; mais en souhaitait-il davantage aux
heures de bousculade ?
Il ne faut pas oublier que la vraie France et la
France parlementaire font deux. Il ne faut pas
oublier qu’il suffit de quelques ambitions pres-
sées pour ourdir des intrigues qui amènent à
l’improviste un vote culbutant.
Ce vote, nous ne voulons pas le prévoir; mais
il y a toujours là un qui sait? dont M. Jules
Ferry, qui est moins Pangloss d’ordinaire, n’a
peut-être pas tenu assez compte dans ses pronos-
tics.
Plus avisé serait celui qui, â propos de crise,
s’approprierait la formule du vieux paysan :
— J’jurerions bien qu’il n’y en aura pas, mais
j’ie parierions point!
Pour terminer, enregistrons un de ces événe-
ments mémorables qui font date dans l’histoire.
L’Univers a reçu de Rome cette dépêche fré-
missante :
« Réception dans Saint-Pierre. Elle a duré
deux heures. Acclamations continuelles. Fran-
çois Veuillot et moi présentés par M. de Mun
avec jeunesse française. Le Pape nous dit : « Je
bénis Eugène, Pierre et François Veuillot. »
Puis, s’adressant à moi, il ajoute : « Je vous
charge de dire que j’accorde une bénédiction
spéciale à la rédaction de VUnivers. »
Quand on prend de la bénédiction, on n’en sau-
rait ti op prendre. Eugène, Pierre, François,
Chose, Machin, tous, tous I Y compris le corres-
pondant Tavernier, qui n’est pas ici, comme dans
les mélodrames, le Tavernier du diable, mais le
Tavernier du bon Dieu.
Oui, tous, tous. Le pape, cependant, a commis
une fameuse omission.
Pendant qu’il y était, il ne lui aurait pas coûté
davantage de bénir les abonnés de Y Univers par
dessus le marché. Et c’eût été une réclame de
'primo cartello.
Quelle amorce pour l’abonnement, si Eugène,
Pierre et François avaient pu faire coller sur les
murs des affiches illustrées où l’on aurait vu
Léon, les bras étendus, et au-dessous :
GRANDE PRIME GRATUITE
PGUR TOUS LES ABONNÉS
MÊME D’UN MOIS
Comment résister à l’idée de se procurer une
bénédiction papale pour cent sous ?
Ce sera pour le prochain pèlerinage, pas
vrai?...
Pierre Véron.
vmw
A LA PETITE SEMAINE
Comme on s’instruit, tout de même, en lisant
les gazettes de high-life I
C’est ainsi que j’ai appris un détail de la vie
fin de siècle qui m’était complètement inconnu.
Il paraît qu’à cette époque de l’année, la galan-
terie rencontre au rabais des occasions extraor-
dinaires. Ces occasions, ce sont les dames qui re-
viennent des villes d’eaux et des plages sans
avoir réussi â conquérir le rastaquouère entrevu
dans leurs rêves.
Semblables à la cigale, elles se trouvent fort
dépourvues lorsque la bise est venue, et,toujours
au dire des journaux à la gomme, on peut se pro-
curer alors, â 50 pour 0/0 au-dessous du cours,
des amours tout ce qu’il y a de plus faciles.
Il est vraiment doux de voir comme la presse
comprend bien son sacerdoce aujourd’hui. Rien
de ce qui est humain ne lui est étranger. On
peut même s’attendre, le progrès aidant, à ce
que les annonces donnent prochainement l’a-
dresse et le tarif des jeunes personnes â qui
l’existence thermale n’a pas bien réussi, et dont
la bonne volonté demande â se rattraper sur les
habitants de la capitale.
«MT»
Ol\j
Toujours d’après les renseignements des spé-
cialistes, il semble avéré que la saison qui
s’achève a été généralement désastreuse pour
tout le monde. Les rhumatismes, les pituites, les
catarrhes, lesgravelles avaient-ils donc organisé
une grève d’espèce nouvelle ? C’est ce qu’on au-
rait cru, â voirie vide des piscines et le chômage
des douches.
Vide et chômage provenant tout simplement de
la température abominable qui a signalé un été
burlesque. Comme tout s’enchaîne 1 Les malades
ne sont pas allés aux eaux parce qu’il fait mauvais
temps, et, les malades n’allant point aux eaux, les
cocottes sont sans ouvrage.
C’est que, pour dire toute la vérité, ces scélé-
rats de maris — le mien était du nombre —pren-
nent, la plupart du temps, les eaux comme un
prétexte pour aller jouer du canif loin de nous.
La comédie de Sixte-Quint renouvelée et mul-
tipliée 1 Ils partent cacochymes,éreintés, tousso-
tant, branlant la tête.
Puis, â peine arrivés, ils se redressent, se cam-
brent et commencent â courir après les donzelles
venues là pour giboyer congrûment.
C’est ce qui vous expliquera, âmes candides,
pourquoi la vie thermale a tant d'adorateurs. La
médecine n’y est presque pour rien. Tout pour
la cascade !
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LE CHARIVARI
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Il y a de l’écho.
L’autre jour, c’était M. Ribot qui très digne-
ment affirmait la paix.
Le tour est venu de M. de Gaprivi, chancelier
allemand, dont les déclarations semblent avoir
répercuté le discours de notre ministre des affai-
res étrangères.
M. de Caprivi ne s’est pas borné à une déclara-
tion vague. Il a mis le doigt sur le point qui pa-
raissait sensible et affirmé que le rapprochement
de la Russie et de la France ne lui inspirait au-
cune inquiétude. Cela dans les termes que voici
et dont la netteté est tout ce qu’il y a de plus ca-
tégorique :
« Un coup d’œil jeté sur le passé montre ce
que le présent a su conquérir : les craintes rela-
tives à la durée de l’état de choses actuel ne sont
pas fondées; aucun homme d’Etat n’a le désir de
troubler la paix et de provoquer une guerre eu-
ropéenne; les relations plus étroites qui se sont
établies entre différents Etats dans ces derniers
temps ne donnent pas lieu non plus â des appré-
hensions; ces rapprochements ne constituent
probablement pas autre chose que l’établisse-
ment de l’équilibre européen tel qu’il existait
autrefois.
» Aucun des gouvernements européens, autant
que je puis le prévoir, ne souhaite une guerre
qui dépasserait en calamités et en conséquences
toutes les guerres antérieures. »
La situation occupée par M. de Caprivi donne
à son langage une importance particulière. C’est
l’Allemagne officielle qui a parlé par sa bouche.
AU rightl
Un détail complémentaire. Ce discours a été
prononcé dans un local qui porte le titre de
Salle de la Paix.
Le hasard même se fait tranquillisant.
Suite des éloquences.
M. Jules Ferry a porté un toast au Président
de la République dans un comice agricole.
Etonnant comme l’agriculture pousse à la rhé-
torique. On prétend qu’elle manque de bras;
mais, à coup sûr, elle ne manque pas de langues.
M. Jules Ferry a constaté, lui aussi, que le
calme s’impose d’autant plus que les conditions
de- vie européennes se sont plus complètement
modifiées.
« Le relèvement de la France, a-t-il dit fort
justement, n’est point au prix des manifestations
bruyantes, toujours stériles, souvent nuisibles.
On ne le hâterait pas d’une heure, on ne pourrait
que le retarder par une politique de provocations
et d’imprudence. »
Je n’oserais faire chorus aussi résolument
avec l’optimisme ministériel manifesté par l’ora-
teur dans le passage suivant :
« L’heure actuelle est unique dans notre his-
toire contemporaine.
» La session d’automne, qui ramène souvent
les Parlements mécontents ou agités, ne trou-
blera pas votre quiétude laborieuse. Vous n’avez
pas à redouter de crise, une de ces crises que
vous craignez à bon droit et qui sont devenues
odieuses au pays. »
Le pays! M. Jules Ferry araison.il ne souhaite
pas de crise; mais en souhaitait-il davantage aux
heures de bousculade ?
Il ne faut pas oublier que la vraie France et la
France parlementaire font deux. Il ne faut pas
oublier qu’il suffit de quelques ambitions pres-
sées pour ourdir des intrigues qui amènent à
l’improviste un vote culbutant.
Ce vote, nous ne voulons pas le prévoir; mais
il y a toujours là un qui sait? dont M. Jules
Ferry, qui est moins Pangloss d’ordinaire, n’a
peut-être pas tenu assez compte dans ses pronos-
tics.
Plus avisé serait celui qui, â propos de crise,
s’approprierait la formule du vieux paysan :
— J’jurerions bien qu’il n’y en aura pas, mais
j’ie parierions point!
Pour terminer, enregistrons un de ces événe-
ments mémorables qui font date dans l’histoire.
L’Univers a reçu de Rome cette dépêche fré-
missante :
« Réception dans Saint-Pierre. Elle a duré
deux heures. Acclamations continuelles. Fran-
çois Veuillot et moi présentés par M. de Mun
avec jeunesse française. Le Pape nous dit : « Je
bénis Eugène, Pierre et François Veuillot. »
Puis, s’adressant à moi, il ajoute : « Je vous
charge de dire que j’accorde une bénédiction
spéciale à la rédaction de VUnivers. »
Quand on prend de la bénédiction, on n’en sau-
rait ti op prendre. Eugène, Pierre, François,
Chose, Machin, tous, tous I Y compris le corres-
pondant Tavernier, qui n’est pas ici, comme dans
les mélodrames, le Tavernier du diable, mais le
Tavernier du bon Dieu.
Oui, tous, tous. Le pape, cependant, a commis
une fameuse omission.
Pendant qu’il y était, il ne lui aurait pas coûté
davantage de bénir les abonnés de Y Univers par
dessus le marché. Et c’eût été une réclame de
'primo cartello.
Quelle amorce pour l’abonnement, si Eugène,
Pierre et François avaient pu faire coller sur les
murs des affiches illustrées où l’on aurait vu
Léon, les bras étendus, et au-dessous :
GRANDE PRIME GRATUITE
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Comment résister à l’idée de se procurer une
bénédiction papale pour cent sous ?
Ce sera pour le prochain pèlerinage, pas
vrai?...
Pierre Véron.
vmw
A LA PETITE SEMAINE
Comme on s’instruit, tout de même, en lisant
les gazettes de high-life I
C’est ainsi que j’ai appris un détail de la vie
fin de siècle qui m’était complètement inconnu.
Il paraît qu’à cette époque de l’année, la galan-
terie rencontre au rabais des occasions extraor-
dinaires. Ces occasions, ce sont les dames qui re-
viennent des villes d’eaux et des plages sans
avoir réussi â conquérir le rastaquouère entrevu
dans leurs rêves.
Semblables à la cigale, elles se trouvent fort
dépourvues lorsque la bise est venue, et,toujours
au dire des journaux à la gomme, on peut se pro-
curer alors, â 50 pour 0/0 au-dessous du cours,
des amours tout ce qu’il y a de plus faciles.
Il est vraiment doux de voir comme la presse
comprend bien son sacerdoce aujourd’hui. Rien
de ce qui est humain ne lui est étranger. On
peut même s’attendre, le progrès aidant, à ce
que les annonces donnent prochainement l’a-
dresse et le tarif des jeunes personnes â qui
l’existence thermale n’a pas bien réussi, et dont
la bonne volonté demande â se rattraper sur les
habitants de la capitale.
«MT»
Ol\j
Toujours d’après les renseignements des spé-
cialistes, il semble avéré que la saison qui
s’achève a été généralement désastreuse pour
tout le monde. Les rhumatismes, les pituites, les
catarrhes, lesgravelles avaient-ils donc organisé
une grève d’espèce nouvelle ? C’est ce qu’on au-
rait cru, â voirie vide des piscines et le chômage
des douches.
Vide et chômage provenant tout simplement de
la température abominable qui a signalé un été
burlesque. Comme tout s’enchaîne 1 Les malades
ne sont pas allés aux eaux parce qu’il fait mauvais
temps, et, les malades n’allant point aux eaux, les
cocottes sont sans ouvrage.
C’est que, pour dire toute la vérité, ces scélé-
rats de maris — le mien était du nombre —pren-
nent, la plupart du temps, les eaux comme un
prétexte pour aller jouer du canif loin de nous.
La comédie de Sixte-Quint renouvelée et mul-
tipliée 1 Ils partent cacochymes,éreintés, tousso-
tant, branlant la tête.
Puis, â peine arrivés, ils se redressent, se cam-
brent et commencent â courir après les donzelles
venues là pour giboyer congrûment.
C’est ce qui vous expliquera, âmes candides,
pourquoi la vie thermale a tant d'adorateurs. La
médecine n’y est presque pour rien. Tout pour
la cascade !