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Le charivari — 60.1891

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Juin
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SOIXANTIÈME ANNÉE

Prix du Numéro ; 25 centimes

LUNDI 1er JUIN 1891

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PARIS

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Politique, Littéraire et Artistique
PIERRE VÉRON

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DIRECTION

Politique, Littéraire et Artistique
PIERRE VÉRON
Rédacteur en Chef

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ADOLPHE EWIG, fermier de la publicité
92, Rue Richelieu

LE CHARIVARI

LA SEMAINE DE LA BOURSE

Paris, le 31 mai 1801.

Monsieur le Directeur,

Les vendeurs sont dans le lac! J’en connais qui
perdent ce mois-ci des sommes considérables,
bien que, depuis la dernière liquidation, les dif-
férences ne soient pas bien importantes. Gom-
ment les baissiers s’y sont-ils pris pour se faire
« ratiboiser » en un mois qui a vu se produire
une baisse de cinquante sous à trois francs sur
la rente (car, à un moment, le mouvement de re-
cul a atteint ce cliiffre-lâ), c’est ce qu’il n’est pas
bien difficile de comprendre. Vous et moi, si
nous gagnions d’aussi fortes différences, nous
n’aurions qu’une idée : réaliser nos bénéfices, et
plus vite que ça. Mais vous et moi sommes des
gens raisonnables, qui n’avons pas la prétention
de tout avaler.

Tandis que les baissiers, ils l’ont, eux, la pré-
tention de tout avaler. C’est gourmand et com-
pagnie, ces gens-là. Trois francs de différence
représentent un bénéfice de trois mille francs
par 3.000 de rentes; et comme,en spéculation, on
peut acheter 3,000 de rentes avec un billet de
cinquante louis déposé à titre de couverture, il
s’ensuit que les vendeurs, à un moment donné,
se sont trouvés gagner 200 0/0 de leur capital.

Une position de 30,000 est une position très
ordinaire; il n’est pas un petit spéculateur qui
n’ait une position comme celle-là, et plusieurs
fois par mois. Or, cela représentait 30,000 francs
de profits, et des gens raisonnables s’en seraient
montrés archi-satisfaits. Mais les vendeurs ont
voulu pousser les choses à l’extrémité, et décaver
tout le monde d’un seul coup.

Or, il est arrivé qu’ils n’ont rien décavé du
tout. Quand le comptant a vu l’énormité du mou-
vement de recul, il a cherché à se rendre compte
de la valeur des arguments employés; et lorsqu’il
a vu que ces arguments n’étaient pas bien solides,
il s’est mis tout doucement à racheter. Les ven-
deurs, grisés par leur succès, n’ont pas voulu
croire à ce revirement, et ils ont vendu de nou-
veau. L’épargne a riposté par de nouveaux
achats; et, comme

Le comptant l'emporte toujours

en pareil cas, le mouvement de hausse s’est pro-
duit malgré tous les efforts des casseurs de cours.
Jusqu’au dernier moment, ces messieurs ont cru
que cela ne durerait pas; et c’est seulement pen-
dant la semaine qui vient de s’écouler qu’ils se
sont résignés à des rachats que l’approche, je
dirai même l’imminence de la liquidation, ren-

' V.

dait indispensables. Il est à peine besoin de dire
que ces rachats ont été effectués dans les hauts
cours. En sorte que la situation des vendeurs se
formule ainsi : Ils ont gagné un moment de 2.50
à 3 francs par 3,000 de rentes, — mais ils ne ver-
ront jamais la couleur de cet argent-là, puisqu’ils
n’ont pas su se liquider en tfemps utile; et ils ont
perdu entre 15 et 30 sous, puisqu’ils ont racheté
au plus haut ce qu’ils avaient vendu à découvert
beaucoup plus bas.

Vous voyez, ça n’est pas drôle pour ces pauvres
diables. En revanche, c’est tout à fait comique
pour leurs adversaires. Caii enfin, il est désor-
mais démontré que rien ire réussit aux baissiers,
pas même la baisse! -t

Nous passons notre temps à nous indigner, à
protester contre les manœuvres employées par
quelques-uns des groupes de baissiers. Nous con-
sacrons tout ce que nous avons d’éloquence sur
nous à flétrir ces manœuvres, qui ne tendent à
rien moins qu’à ruiner l’épargne. Mais

Soyons justes !

Avec ça que l’épargne se gêne pour ruiner les
groupes de baissiers ! C’est au comptant, et au
comptant seul, qu’est du le revirement qui, de-
puis quelque temps, s’est produit dans les dispo-
sitions générales. La spéculation à la hausse se
cachait dans tous les coins, la grande lâche I Et
je ne sais vraiment pas où seraient les cours, si
l’épargne ne s’était mêlee de les relever.

En ce faisant, il est clair comme le jour qu’elle
a porté le plus grand préjudice à la spéculation
à la baisse. Et remarquez bien que ce n’est pas
la première fois que cela arrive. Il y a récidive,
ce qui est une circonstance aggravante. Depuis
tantôt cinq ans, la spéculation à la baisse se con-
sume en efforts prodigieux pour gagner quelque
argent, et toujours le comptant se met en tra-
vers.

Gela étant, il serait peut-être temps de re-
noncer à mes déclamations contre la spéculation
à la baisse. Elle n’est coupable que d’essayer de
rendre coup pour coup. Elle est en cas de légi-
time défense, et nous n’aurons rien à dire le jour
où il plaira à des financiers de fantaisie de lever
le pied en emportant les économies d’un grand
nombre de clients. Le client, c’est le comptant ;
les financiers de fantaisie, c’est la spéculation à
la baisse : celle-ci se venge de celui-là; tout est
dans Tordre. Tout ce que nous pourrons faire, ce
sera d’employer nos phrases les plus émues pour
déplorer le sort des malheureux gogos qui se
laisseront voler. Gela, nous le ferons avec autant
de plaisir que de manque de conviction; car s’il
nous fallait renoncer à la spéculation baissière,
nous serions dans de jolis draps!

Ah! s’il y avait des affaires,

je ne dis pas. Avec un joli mouvement d’affaires,
il y a toujours moyen de gagner sa pauvre vie ;

mais quand il n’y a pas d’affaires, et c’est le cas
en ce moment, on aurait le plus grand tort de
priver le marché d’un de ses éléments les plus
productifs. Nous avons le plus grand besoin des
spéculateurs à la baisse. Ces chevaliers du
doigt dans l’œil, pendant les mois de chômage,
sont la consolation et des intermédiaires et de la
clientèle à la hausse. Ils donnent des ordres à
tort et à travers, dans le seul but de faire baisser
les cours, et sans aucunement discuter les évène-
ments. Il arrive donc que, neuf fois sur dix, ils
font fausse route ; et, quand ils ne se trompent
pas, ils se gardent bien de profiter de leurs avan-
tages : ils l’ont prouvé ce mois-ci. Il est vrai que,
par les manœuvres dont il a été question ci-des-
sus, ils font parfois perdre de l’argent au comp-
tant ; mais, comme, par leur aveugle obstina-
tion, ils lui en rendent dix fois plus qu’ils ne lui
en prennent, nous serions coupables en les acca-
blant de malédictions !

Nous serions plus avisés, au contraire, en les
cajolant; car nous avons grand besoin d’eux. Ge
mois-ci, ils ont tapé sur les rentes : qu’est-ce que
les rentiers y ont perdu? Rien du tout. Le mois
dernier, ils avaient tapé sur les valeurs de crédit ;
quel mal leurs attaques ont-elles fait aux por-
teurs des actions des établissements de crédit?
Aucun. Au contraire : on a pu profiter d’une
baisse momentanée pour acheter des titres à bon
compte. A un moment, les actions du Crédit Fon-
cier ont valu— souvenez-vous-en! — dans les
1,150 francs. J’en ai acheté à ces prix-là, et je
pourrais les revendre 1,280 francs si j’en avais
envie. Vous tous qui êtes dans la même situation,
avez-vous la moindre rancune contre les baissiers
qui vous ont procuré cette aubaine?

Evidemment, non!

Quant aux obligations, elles sont de plus en
plus demandées; et, elles aussi, avaient été for-
tement attaquées. Du reste, le mouvement de
hausse se comprend admirablement. Aux cours
actuels, les titres à lots du Crédit Foncier sont
évidemment à l’abri de tout risque de déprécia-
tion. L’acheteur est assuré de retrouver son ca-
pital entier quand il voudra vendre.

C’est en grande partie aux attaques des bais-
siers que nous devons d’avoir pu acheter des
obligations du Crédit Foncier à très bon marché.
Si nous voulions mal de mort aux baissiers, nous
serions de rudes ingrats.

Et ce que je dis là pour les titres du Foncier,
je pourrais le dire aussi pour ceux du Mobilier,
pour ceux du Lyonnais, — pour d’autres encore.
Quel dommage que les efforts de ces messieurs
ne se soient pas exercés encore sur les obliga-
tions Linarès-Alméria ou Porto-Rico! Aux cours
actuels, ces excellentes valeurs ne sont pas
chères, et nous les verrons monter; mais comme
ce serait chic si la fantaisie venait un jour aux
baissiers de perdre de l’argent dessus en en ven-
dant comme des sourds !

Castorine,
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