ACTUALITÉS
H
— D’mandez la nouvelle question du jour : Cherchez Padlewski !
— On le trouve ?
— Pardine !
— Plus la peine que nous nous en occupions pour lorss.
C’est un chœur perpétuel :
— Qu’il est bien, qu’il est beau ! Comme ce pourpoint
abricot lui sied à ravir! Que cette toque à plumes trico-
lores c mronne agréablement son chef !
Ces flatteries ne contribuent pas peu à fausser ce que
le tyran pourrait avoir de sens commun. Car ce ne sont
pas seulement ses toilettes que l'adulation applaudit
sans vergogne. A peine le tyran a-t-il ouvert la bou-
che, fût-ce pour dire une monstrueuse bêtise, que la
bande des claqueurs tout entière murmure avec des in-
tonations idolâtres :
— Mais c’est charmant! Plein d’esprit! Comment fait-
il pour mettre ainsi du sel dans scs moindres mots?
Là-dessus, les gazettes, car la presse est naturelle-
ment aussi à sa dévotion, de s’en aller colporter avec
amour telle ou telle réplique absolument idiote.
On fait mieux. Lorsque le tyran ne dit rien, on fabri-
que d( s mots qu’ensuite on propage en les lui attri-
buant. Et les claqueurs applaudissent toujours.
***
Racine, dit-on, mourut du chagrin que lui avait
causé un regard de Louis XIV ; de même, j’ai rencontré
un vieillard, aussi recommandable par le talent que
par le caractère, qui pleurait presque lorsque le tyran
n’avait pas daigné lui sourire depuis deux jours.
Il y a, en effet, ceci de particulier, que c’est une
tyrannie que l’on aime, au-devant de laquelle on court,
et que ceux qui ne l’ont pas subie encore appellent de
tous leurs vœux !
C’est un monstre, ce tyran ! Il a tous les défauts dont
je vous ai donné une faible idée, il en a bien d’autres
encore.
Comme un Vitellius, il est l’esclave de sa gourman-
dise; comme un Théocloros, il est l’esclave de sa colère.
Il est entêté, ignorant, dissimulé, tapageur, querelleur,
vindicatif... J'épuiserais presque la kyrielle entière des
épithètes défavorables.
Mais, à côté de ces défauts ou de ces vices, réside en
lui je ne sais quel attrait magnétique qui fait qu’on ne
peut résister. Malgré soi, on se sent prêt à mourir pour
le sauver, et l’on a peine à comprendre comment l’on
pourrait lui survivre.
Jamais, on peut l’affirmer, aucun autre souverain
n’inspira des sentiments aussi profonds et aussi vrais.
Ce ne sont pas ici des tendresses officielles a la formule
banale, c’est un dévouement universel.
***
Et pourtant, il ne distribue, celui-là, ni places, ni
rubans, ni dignités, ni sinécures, ni titres de noblesse,
ni dotations. Il faut, sans cesse, lui donner, au con-
traire, pour ne recevoir souvent en échange que de
I l’ingratitude.
N’imporfe!
Il faut croire que celui-là est vraiment un souverain
de droit divin, puisque personne ne songe à se sous-
traire à sa domination!
Je vous entends d’ici me demander dans quelle par-
tie du monde règne et gouverne le tyran en question.
Je vous l’ai dit déjà : Partout! En Europe, en Asie,
m Afrique, en Amérique, en Océanie. Il a réalisé, le
gaillard, l’unité de gouvernement rêvée par les utopis-
tes.
Vous haussez les épaules et vous semblez me prendre
pour un fou ou pour un mystificateur.
Ni l’un, ni l’aulre. S’il faut vous le dire et si vous no
l’üvez deviné, le lyran charmant et abominable, adoré
et maudit, s’appelle le Roi bébé.
C’est l’enfant devant qui, tou-, tant que nous sommes,
nous nous troublons, nous faiblissons; l’enfant dont
les décrets ayant force de loi sont promulgués par un
regard; l’enfant dont nous sommes les très humbles,
très fidèles et très obéissants serviteurs et sujets.
Cette formule consacrée, qui sonna faux bien souvent,
n’est ici, je vous l’assure, que l’expression de la réelle
réalité.
Dieu nous le garde longtemps, le tyran !
FANTAcIO.
H
— D’mandez la nouvelle question du jour : Cherchez Padlewski !
— On le trouve ?
— Pardine !
— Plus la peine que nous nous en occupions pour lorss.
C’est un chœur perpétuel :
— Qu’il est bien, qu’il est beau ! Comme ce pourpoint
abricot lui sied à ravir! Que cette toque à plumes trico-
lores c mronne agréablement son chef !
Ces flatteries ne contribuent pas peu à fausser ce que
le tyran pourrait avoir de sens commun. Car ce ne sont
pas seulement ses toilettes que l'adulation applaudit
sans vergogne. A peine le tyran a-t-il ouvert la bou-
che, fût-ce pour dire une monstrueuse bêtise, que la
bande des claqueurs tout entière murmure avec des in-
tonations idolâtres :
— Mais c’est charmant! Plein d’esprit! Comment fait-
il pour mettre ainsi du sel dans scs moindres mots?
Là-dessus, les gazettes, car la presse est naturelle-
ment aussi à sa dévotion, de s’en aller colporter avec
amour telle ou telle réplique absolument idiote.
On fait mieux. Lorsque le tyran ne dit rien, on fabri-
que d( s mots qu’ensuite on propage en les lui attri-
buant. Et les claqueurs applaudissent toujours.
***
Racine, dit-on, mourut du chagrin que lui avait
causé un regard de Louis XIV ; de même, j’ai rencontré
un vieillard, aussi recommandable par le talent que
par le caractère, qui pleurait presque lorsque le tyran
n’avait pas daigné lui sourire depuis deux jours.
Il y a, en effet, ceci de particulier, que c’est une
tyrannie que l’on aime, au-devant de laquelle on court,
et que ceux qui ne l’ont pas subie encore appellent de
tous leurs vœux !
C’est un monstre, ce tyran ! Il a tous les défauts dont
je vous ai donné une faible idée, il en a bien d’autres
encore.
Comme un Vitellius, il est l’esclave de sa gourman-
dise; comme un Théocloros, il est l’esclave de sa colère.
Il est entêté, ignorant, dissimulé, tapageur, querelleur,
vindicatif... J'épuiserais presque la kyrielle entière des
épithètes défavorables.
Mais, à côté de ces défauts ou de ces vices, réside en
lui je ne sais quel attrait magnétique qui fait qu’on ne
peut résister. Malgré soi, on se sent prêt à mourir pour
le sauver, et l’on a peine à comprendre comment l’on
pourrait lui survivre.
Jamais, on peut l’affirmer, aucun autre souverain
n’inspira des sentiments aussi profonds et aussi vrais.
Ce ne sont pas ici des tendresses officielles a la formule
banale, c’est un dévouement universel.
***
Et pourtant, il ne distribue, celui-là, ni places, ni
rubans, ni dignités, ni sinécures, ni titres de noblesse,
ni dotations. Il faut, sans cesse, lui donner, au con-
traire, pour ne recevoir souvent en échange que de
I l’ingratitude.
N’imporfe!
Il faut croire que celui-là est vraiment un souverain
de droit divin, puisque personne ne songe à se sous-
traire à sa domination!
Je vous entends d’ici me demander dans quelle par-
tie du monde règne et gouverne le tyran en question.
Je vous l’ai dit déjà : Partout! En Europe, en Asie,
m Afrique, en Amérique, en Océanie. Il a réalisé, le
gaillard, l’unité de gouvernement rêvée par les utopis-
tes.
Vous haussez les épaules et vous semblez me prendre
pour un fou ou pour un mystificateur.
Ni l’un, ni l’aulre. S’il faut vous le dire et si vous no
l’üvez deviné, le lyran charmant et abominable, adoré
et maudit, s’appelle le Roi bébé.
C’est l’enfant devant qui, tou-, tant que nous sommes,
nous nous troublons, nous faiblissons; l’enfant dont
les décrets ayant force de loi sont promulgués par un
regard; l’enfant dont nous sommes les très humbles,
très fidèles et très obéissants serviteurs et sujets.
Cette formule consacrée, qui sonna faux bien souvent,
n’est ici, je vous l’assure, que l’expression de la réelle
réalité.
Dieu nous le garde longtemps, le tyran !
FANTAcIO.