SOIXANTIÈME ANNÉE
Prix du Numéro : 2 S centimes
VENDREDI 16 JANVIER 1891
ABONNEMENTS
PARIS
Trois mois. 18 fr.
Six mois. 36 —
Un an. 72 —
les abonnements parlent des ior et iG de chaque mois
DIRECTION
Polilique, Littéraire et Artistique
IM K II II K Y É II O A'
Rédacteur en Chef
BUREAUX
DR LA RÉDACTION ET DE L’ADMINISTRATION
Rue de la Victoire, 20
ABONNEEENTS
DÉPARTEMENTS
Trois mois. 20 fr.
Six mois. 40 7—
Un an. 80 —
l'abonnement d'un an donne droit à la prime gratuite
DIRECTION
Politique, Littéraire et Artistique
PI EU lie Y É II OA
Rédacteur eu Chef
ANNONCES
ADOLPHE EW1G, fermier de la publicité
92, Rue Richelieu
LE CHARIVARI
BULLETIN POLITIQUE
Le spectacle que vient, de nous donner l’arres-
tation du Padlewski d’Espagne n’est pas fait pour
relever le prestige des polices européennes.
Croirait-on vraiment être dans le siècle de la
vapeur, du télégraphe, du téléphone, de la pho-
tographie, quand on voit les lenteurs, les tâton-
nements, les tergiversations, les incohérences qui
se sont trémoussés autour de ces questions : Est-
ce Padlewski? Est-ce un fou? Est-ce un mystifica-
teur?
On était fixé sur l’identité d’Eyraud en qua-
rante-huit heures, d’Eyraud qui avait été arrêté
à quatorze cents lieues d’ici.
Le Padlewski en litige est pincé tout près de
notre frontière, et l’on barbote pendant près
d’une semaine dans des incertitudes véritable-
ment extravagantes.
Etonnez-vous ensuite si, avec de pareils procé-
dés, notre civilisation, qui se croit raffinée, laisse
échapper les trois quarts des coupables après les-
quels elle court. Ce qui est surprenant, c’est
qu’elle puisse réussir à en attraper un seul.
La mollesse déployée en cette circonstance par
le gouvernement français pourrait bien, d’ail-
leurs, n’être pas exempte de préméditation, non
plus que d’embarras. On ne serait peut-être pas
absolument ravi de tenir le vrai Padlewski. Son
procès risquerait d’entraîner des complications
épineuses; son absence simplifie tout.
La Chambre a reconstitué son bureau.
Nous avions eu raison de ne pas prêter l’oreille
aux rumeurs qui menaçaient M. Floquet de con-
currence dangereuse pour le fameux fauteuil. Sa
candidature a une fois de plus passé comme une
lettre à la poste, personne n’ayant entamé la
lutte sérieusement contre lui.
Va-t-on maintenant faire de la besogne utile
ou se quereller sans profit? Consultez chaque dé-
puté de la gauche, il vous jurera qu’il veut se
mettre au travail avec un zèle sans pareil.
Quant â la droite, son impuissance ne l’empê-
chera pas de chercher à être tapageuse. Mais si
les républicains s’entendent pour la réduire au
silence, ce ne sera pas long.
On recommence a rencontrer çà et là dans les
journaux le mot désarmement.
De vagues rumeurs courent sur un projet de
Congrès européen qui aurait pour but de mettre
fin aux dépenses ruineuses de tous les budgets.
Au premier abord, il semblerait que ce Con-
grès dût être animé d’excellentes intentions;
mais, pour peu qu’on y réfléchisse, on se prend à
murmurer avec le fabuliste :
Est-il besoin d’indiquer les motifs pour lesquels
un effort fait en apparence dans le sens de la
conciliation aboutirait fatalement à la discorde?
De la diversité des intérêts naîtrait fatalement
la diversité des opinions.
Tout indique, par conséquent, que le plus sage
est de s’en tenir, pour le moment, à la vieille for-
mule : Si tu veux la paix, continue à préparer la
guerre.
Car ce Congrès, qui semblerait vouloir préparer
la paix universelle, nous mènerait, je le crains
bien, à une guerre certaine.
V Univers n’est pas content.
Delaplanche, l’éminent sculpteur, a stipulé, en
mourant, qu’il voulait un enterrement civil. Or,
VUnivers rappelle que l’une des dernières œuvres
de l’artiste fut le monument du cardinal Donnet,
et il s’écrie :
— Comment peut-on choisir aussi peu sérieuse-
ment ceux à qui l’on confie l’exécution d’œuvres
religieuses?
C’est évident, on a tort. Pour ces besognes, on
ne devrait pas demander à un sculpteur s’il a du
talent, mais exiger de lui un simple billet de
confession.
Pierre Véron.
AUTOGRAPHES DU JOUR
M. DEROULÈDE
(retour de Jersey)
Et s'il n’en reste qu'un... je ne veux plus être
celui-là.
M. FLOQUET
J'y suis, j'y reste.
Mlle LA GOULUE
(des bals de l’Opéra)
Pourquoi qu'ils en veulent à ma danse, ces
municipaux, puisqu'on dit que le ventre ano-
blit?...
M. DE GA8TÉ.
(président
«
C'est beaucoup d'avoii un jjur.
M. R AN O
(retour des banquets donnés î son honneur)
Mais c'est charmant u et .■ sénateur... On est
nourri!
Mlle YVETTE GUILBERT
Pas ma faute si le public veut absolument
des chansons qui prouvent que fin du siècle et
siècle du fin ne sont pas synonymes.
AbïcSi'c Laroclic.
LE FAUTEUIL DE M. RANC
Les prochaines séances du Sénat ne peuvent
manquer de présenter le plus vif intérêt (ce qui
modifiera sensiblement la physionomie de cette
Assemblée, aussi grave que somnifère).
Est-ce donc que nos Pères Conscrits vont se
mettre à faire de l’esprit? A ne plus parler qu’en
vers? A remplacer les longs et insipides discours
par de piquantes épigrammes?
Hélas! non.
C’est tout simplement que M. Ranc, l’un des
plus éminents parmi les nouveaux sénateurs de la
Seine, n’ajmntpu trouver un seul fauteuil dispo-
nible dans les rangs de la gauche, a été obligé
d’en « choisir » un à l’extrême droite.
Cela n’a l’air de rien, ce petit incident. Et ce-
pendant, je suis persuadé que la singulière place
assignée à l’honorable M. Ranc par les hasards
d’une installation... encombrée nous ménage plus
d’une agréable surprise.
En effet, il est impossible que des malentendus
ne se produisent pas à chaque instant, par suite
. * T posii ion exceptionnelle de ce républicain
égaré parmi les . ^actionnaires.
On se figure même assez aisément ce que seront
ces malentendus dans la plupart des cas.
Exemple :
M. le président. — Je mets aux voix la propo-
sition de l’honorable M. de...., tendant à la laï-
cisation des hôpitaux de chiens malades.
Une voix, à l'extrême droite. — C’est une
honte pour la France !
Une autre voix, également à l'extrême
droite. — C’est une plaisanterie.
M. le président, se tournant du côté d'où est
partie cette dernière observation. — Je m’étonne
que de pareilles paroles soient prononcées par
un membre de l’extrême droite...
La même voix. — Je ne suis pas un extrême-
droitier, je suis M. Ranc!
Le président. — C’est juste; j’avais oublié
qu’en effet l’honorable M. Ranc avait dû, faute de
place à gauche, prendre un fauteuil à l’extrême
droite.
Autre incident probable.
Un sénateur d’extrême droite se livre à une
charge à fond de train contre l’obligation pour
les séminaristes d’accomplir leur service mili-
taire.
Ce bloc enfariné ne me dit rien qui vaille.
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LE CHARIVARI
BULLETIN POLITIQUE
Le spectacle que vient, de nous donner l’arres-
tation du Padlewski d’Espagne n’est pas fait pour
relever le prestige des polices européennes.
Croirait-on vraiment être dans le siècle de la
vapeur, du télégraphe, du téléphone, de la pho-
tographie, quand on voit les lenteurs, les tâton-
nements, les tergiversations, les incohérences qui
se sont trémoussés autour de ces questions : Est-
ce Padlewski? Est-ce un fou? Est-ce un mystifica-
teur?
On était fixé sur l’identité d’Eyraud en qua-
rante-huit heures, d’Eyraud qui avait été arrêté
à quatorze cents lieues d’ici.
Le Padlewski en litige est pincé tout près de
notre frontière, et l’on barbote pendant près
d’une semaine dans des incertitudes véritable-
ment extravagantes.
Etonnez-vous ensuite si, avec de pareils procé-
dés, notre civilisation, qui se croit raffinée, laisse
échapper les trois quarts des coupables après les-
quels elle court. Ce qui est surprenant, c’est
qu’elle puisse réussir à en attraper un seul.
La mollesse déployée en cette circonstance par
le gouvernement français pourrait bien, d’ail-
leurs, n’être pas exempte de préméditation, non
plus que d’embarras. On ne serait peut-être pas
absolument ravi de tenir le vrai Padlewski. Son
procès risquerait d’entraîner des complications
épineuses; son absence simplifie tout.
La Chambre a reconstitué son bureau.
Nous avions eu raison de ne pas prêter l’oreille
aux rumeurs qui menaçaient M. Floquet de con-
currence dangereuse pour le fameux fauteuil. Sa
candidature a une fois de plus passé comme une
lettre à la poste, personne n’ayant entamé la
lutte sérieusement contre lui.
Va-t-on maintenant faire de la besogne utile
ou se quereller sans profit? Consultez chaque dé-
puté de la gauche, il vous jurera qu’il veut se
mettre au travail avec un zèle sans pareil.
Quant â la droite, son impuissance ne l’empê-
chera pas de chercher à être tapageuse. Mais si
les républicains s’entendent pour la réduire au
silence, ce ne sera pas long.
On recommence a rencontrer çà et là dans les
journaux le mot désarmement.
De vagues rumeurs courent sur un projet de
Congrès européen qui aurait pour but de mettre
fin aux dépenses ruineuses de tous les budgets.
Au premier abord, il semblerait que ce Con-
grès dût être animé d’excellentes intentions;
mais, pour peu qu’on y réfléchisse, on se prend à
murmurer avec le fabuliste :
Est-il besoin d’indiquer les motifs pour lesquels
un effort fait en apparence dans le sens de la
conciliation aboutirait fatalement à la discorde?
De la diversité des intérêts naîtrait fatalement
la diversité des opinions.
Tout indique, par conséquent, que le plus sage
est de s’en tenir, pour le moment, à la vieille for-
mule : Si tu veux la paix, continue à préparer la
guerre.
Car ce Congrès, qui semblerait vouloir préparer
la paix universelle, nous mènerait, je le crains
bien, à une guerre certaine.
V Univers n’est pas content.
Delaplanche, l’éminent sculpteur, a stipulé, en
mourant, qu’il voulait un enterrement civil. Or,
VUnivers rappelle que l’une des dernières œuvres
de l’artiste fut le monument du cardinal Donnet,
et il s’écrie :
— Comment peut-on choisir aussi peu sérieuse-
ment ceux à qui l’on confie l’exécution d’œuvres
religieuses?
C’est évident, on a tort. Pour ces besognes, on
ne devrait pas demander à un sculpteur s’il a du
talent, mais exiger de lui un simple billet de
confession.
Pierre Véron.
AUTOGRAPHES DU JOUR
M. DEROULÈDE
(retour de Jersey)
Et s'il n’en reste qu'un... je ne veux plus être
celui-là.
M. FLOQUET
J'y suis, j'y reste.
Mlle LA GOULUE
(des bals de l’Opéra)
Pourquoi qu'ils en veulent à ma danse, ces
municipaux, puisqu'on dit que le ventre ano-
blit?...
M. DE GA8TÉ.
(président
«
C'est beaucoup d'avoii un jjur.
M. R AN O
(retour des banquets donnés î son honneur)
Mais c'est charmant u et .■ sénateur... On est
nourri!
Mlle YVETTE GUILBERT
Pas ma faute si le public veut absolument
des chansons qui prouvent que fin du siècle et
siècle du fin ne sont pas synonymes.
AbïcSi'c Laroclic.
LE FAUTEUIL DE M. RANC
Les prochaines séances du Sénat ne peuvent
manquer de présenter le plus vif intérêt (ce qui
modifiera sensiblement la physionomie de cette
Assemblée, aussi grave que somnifère).
Est-ce donc que nos Pères Conscrits vont se
mettre à faire de l’esprit? A ne plus parler qu’en
vers? A remplacer les longs et insipides discours
par de piquantes épigrammes?
Hélas! non.
C’est tout simplement que M. Ranc, l’un des
plus éminents parmi les nouveaux sénateurs de la
Seine, n’ajmntpu trouver un seul fauteuil dispo-
nible dans les rangs de la gauche, a été obligé
d’en « choisir » un à l’extrême droite.
Cela n’a l’air de rien, ce petit incident. Et ce-
pendant, je suis persuadé que la singulière place
assignée à l’honorable M. Ranc par les hasards
d’une installation... encombrée nous ménage plus
d’une agréable surprise.
En effet, il est impossible que des malentendus
ne se produisent pas à chaque instant, par suite
. * T posii ion exceptionnelle de ce républicain
égaré parmi les . ^actionnaires.
On se figure même assez aisément ce que seront
ces malentendus dans la plupart des cas.
Exemple :
M. le président. — Je mets aux voix la propo-
sition de l’honorable M. de...., tendant à la laï-
cisation des hôpitaux de chiens malades.
Une voix, à l'extrême droite. — C’est une
honte pour la France !
Une autre voix, également à l'extrême
droite. — C’est une plaisanterie.
M. le président, se tournant du côté d'où est
partie cette dernière observation. — Je m’étonne
que de pareilles paroles soient prononcées par
un membre de l’extrême droite...
La même voix. — Je ne suis pas un extrême-
droitier, je suis M. Ranc!
Le président. — C’est juste; j’avais oublié
qu’en effet l’honorable M. Ranc avait dû, faute de
place à gauche, prendre un fauteuil à l’extrême
droite.
Autre incident probable.
Un sénateur d’extrême droite se livre à une
charge à fond de train contre l’obligation pour
les séminaristes d’accomplir leur service mili-
taire.
Ce bloc enfariné ne me dit rien qui vaille.