SOIXANTIÈME ANNÉE
Prix âit Homère : 13 tsmîïmm
MARDI 27 JANVIER 1891
ABONNEMENTS
PARIS
Trois mois. 18 fr.
Six mois. 30 —
Un an. 72 —
lit abonnements parlent des ior et 16 de chaque mois
DIRECTION
Politique, Littéraire et Artistique
PIERRE VÉII0i\
Rédacteur en Chef
BUREAUX
DB LA RÉDACTION ET DE L’ADMINISTRATION
Rue de la Victoire, 20
■MSKMBI
ABONNEMENTS
DÉPARTEMENTS
Trois mois. 20 fr.
S.x mois. 40 —
Un an. 80 —
L'abonnement d'un an donne droit à la prime oratuite
DIRECTION
Politique, Littéraire et Artistique
PIERRE VÉRON
Rédacteur en Chef
ANNONCES
ACCLPHE EWIG, fermier de la publicité
92, Rue Richelieu
LE CHARIVARI
Les souscripteurs dont l'abonnement ex-
pire le 31 Janvier sont priés de le renou-
veler immédiatement s’ils ne veulent pas
éprouver d’interruption dans l'envoi du
journal.
BULLETIN POLITIQUE
Le deuil, aussi imprévu que cruel, qui vient de
frapper la famille royale de Belgique a vivement
ému le monde politique.
Non seulement cette mort soudaine, terrassant
en quelques heures un vaillant jeune homme sur
qui l’avenir fondait des espérances déjà justifiées,
a touché les plus impassibles par son côté drama-
tique, mais les prévoyants sont allés au-delà, se
demandant ce qu’il arriverait si le seul héritier
mâle que la destinée ait laissé à la dynastie belge
succombait à son tour.
Des complications européennes de la plus haute
gravité pourraient surgir, car la loi d’hérédité
ferait passer aux mains d’un titulaire allemand
la couronne de Belgique, c.omme elle vient d’y
faire passer récemment le duché de Luxembourg.
Lorsqu’on assiste à ces catastrophes indivi-
duelles qui peuvent avoir pour toute une nation
d’irréparables conséquences, comment ne serait-
on pas amené à reconnaître l’inconlestable su-
périorité de la forme républicaine?
Avec la transmission monarchique, c’est le
hasard qui joue le grand rôle toujours et partout.
C’est le hasard qui donne un tyran pour suc-
cesseur à un honnête homme de prince, ou un
crétin pour remplaçant à un souverain de génie.
Mais ce ne sont encore là que les moindres
inconvénients de la tradition obligatoire.
C’est surtout lorsque les questions de nationa-
lité se trouvent en jeu qu’apparaît l’infériorité
du dogme monarchiste. S’il plaît à la nature
d’épuiser une famille, voilà que tout un pays
peut être obligé de passer dans des mains étran-
gères.
Si c’est Dieu qui, comme le prétendent les
croyants, mène toutes les choses d’ici-bas, c’est
alors Dieu qui, lorsqu’il frappe de pareils coups,
se charge de faire de la propagande en faveur
de là République.
Pierre Véron.
JALOUSIE LE MÉTIER
Le poêle mobile se rebifïe.
Le poêle mobile, ce dindon de toutes les farces
lugubres dont on a dit :
— Il ne réchauffe pas, ce poêle de malheur : il
refroidit. L’allumer équivaut à une tentative de
suicide. Escousse, s’il l’eut connu jadis, ne se
serait pas servi d’autre chose. Sauf qu’il coûte
beaucoup plus cher, ce poêle expéditif, il équi-
vaut au réchaud classique pour la prompte et
sûre asphyxie. C’est le réchaud des riches.
L’Académie de médecine, toujours soucieuse,
comme c’est son droit et son devoir, de la santé
des masses et des individus? a meme très vigou-
reusement attaché le grelot.
Un grelot qui sonnait comme un tocsin d’alarme,
un vrai glas d’enterrement.
Drelin, drelin, drelin!
fîtes-vous pressés de quitter la vie, braves
gens, achetez un poêle nouveau système. Rien ne
vaut la combustion lente pour provoquer une
mort rapide.
Drelin, drelin, drelin!
Héritiers pressés d’hériter, assassins fin de
siècle, qui voulez bien satisfaire vos haines en
évitant les inconvénients de la cour d’assises,
pas la peine d’employer l’arsenic, qui laisse des
traces accusatrices, ou d’acheter le revolver qui
fait un bruit de tous les diables : le poêle écono-
mique suffit à tout, répond à tout, supprime tout,
sans vacarme, sans responsabilité quelconque,
sans autre tapage qu’un fait-divers de deux ou
trois lignes dans quelques journaux, et je vous
le demande, qui donc, au temps où nous vivons,
s’arrête encore aux faits-divers des journaux?
Les juges d’instruction eux-mêmes n’y ajoutent
plus aucune importance. Ils savent ce qu’ils
valent : ils en font.
Donc, l’Académie de médecine,, après avoir
mûrement étudié la question, a tapé dur et ferme.
Non seulement elle a condamné en théorie, en
principe, au nom de l’hygiène publique; mais
encore elle a appelé toutes les rigueurs de l’au-
torité.
Jusqu’ici il est resté inerte, le bras séculier!
Peut-être par paresse, par négligence, par in-
souciance, jugea-t-il à propos de continuer à se
reposer. Ce brigand de bras séculier n’en fait
jamais d’autres.
Mais Feringhea a parlé à son tour. Le con-
damné a protesté.
J’ai aperçu, l’autre matin, un placard virulent
dans les environs de la Banque de France. Oh!
mes amis, quel nectar!
L’affiche en question n’y va pas par quatre che-
mins. File réplique du tac au tac et vous envoie
à l’Académie, en plein cœur, un de ces coups
droits dont les héros d’Alexandre Dumas père
sont coutumiers.
«Si les médecins crient tant, dit-elle,contre les
poêles économiques, c’est parce que les poêles
économiques, en empêchant ou en enrayant les
bronchites, les mauvais rhumes, les refroidisse-
ments et un tas d’autres maladies, enlèvent, littéra-
lement, le pain des dents de ces messieurs.
» D’ailleurs, en admettant que quelques décès,
causés, du reste, dans la presque unanimité des
cas, par l’imprudence des clients, aient pu se pro-
duire, qu’est-ce que ce chilire insignifiant .en face
des morts dues, chaque jour, à l’ignorance ou aux
erreurs des médecins? »
Vlan,, ça y est! Mets ça dans ton sac, ma vieille*
et tes diplômes par dessus.
Dans cette lutte épique entre le médecin et le
fumiste, nous nous contentons de marquer les
coups.
Le poêle mobile accuse carrément les docteurs
brevetés s. g. d. g. de tirer à eux toute la cou-
verture.... mortuaire.
Jalousie de métier! Mettons que vous vous par-
tagez la besogne, tuant chacun de votre côté.
Dieu, là-haut, reconnaîtra les siens.
Paul Girard.
THEATRES
COMÉDIE-FRANÇAISE : Thermidor.
Au temps où florissaientlessous-titr.es, l’affiche
aurait dit: Thermidor ou la Dernière charrette.
C’est même ainsi que le drame dut s’appeler à
l’époque de sa conception première. M. Sardou le
destinait à la Gaîté, et je dois dire qu’il a gardé
les traces de cette destination.
On sent que le côté spectacle devait y jouer un
rôle plus considérable, bien qu’il y tienne encore
une place tout à fait extraordinaire pour la Co-
médie-Française.
A ce point de vue, la pièce y paraît tant soit peu
déclassée, sortie de son cadre naturel. C’est l’im-
pression qui domine d’abord quand on recueille
ses souvenirs de la soirée à mise en scène que
s’est offerte la maison de Molière.
Nous dirons tout à l’heure les résultats de cette
soirée en faisant la part de chacun des inter-
prètes.
Commençons par vous mettre rapidement au
courant de la fable imaginée par M. Sardou pour
obtenir un succès de Terreur (avec ou sans majus-
cule).
Comme héroïne, Fabienne Lecoulieux. Le ro-
man de son amour avec Martial Ilugon a été brus-
quement interrompu par l’explosion révolution-
naire. Martial :est parti pour l’armée. Fabienne,
éplorée, s’est faite religieuse.
Quand l’action s’engage, c’est-à-dire le matin
même du 9 thermidor, — et elle se dénouera dans
la journée, —Fabienne est traquée par les me-
naces injurieuses de quelques harpies qui, tout
en lavant leur linge au bord de la Seine, ont re-
connu en elle une aristo. Elle serait perdue, si
soudain un passant n’intervenait pour la sauver*
Ce passant, c’est Labussière, le Deifs ex via-
china de la pièce.
On a tant et tant disserté .sur ce Labussfèye-là
depuis trois mois, .dans les chroniques, que je
n’ai plus à vous le présenter. Vous savez par cette
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Le deuil, aussi imprévu que cruel, qui vient de
frapper la famille royale de Belgique a vivement
ému le monde politique.
Non seulement cette mort soudaine, terrassant
en quelques heures un vaillant jeune homme sur
qui l’avenir fondait des espérances déjà justifiées,
a touché les plus impassibles par son côté drama-
tique, mais les prévoyants sont allés au-delà, se
demandant ce qu’il arriverait si le seul héritier
mâle que la destinée ait laissé à la dynastie belge
succombait à son tour.
Des complications européennes de la plus haute
gravité pourraient surgir, car la loi d’hérédité
ferait passer aux mains d’un titulaire allemand
la couronne de Belgique, c.omme elle vient d’y
faire passer récemment le duché de Luxembourg.
Lorsqu’on assiste à ces catastrophes indivi-
duelles qui peuvent avoir pour toute une nation
d’irréparables conséquences, comment ne serait-
on pas amené à reconnaître l’inconlestable su-
périorité de la forme républicaine?
Avec la transmission monarchique, c’est le
hasard qui joue le grand rôle toujours et partout.
C’est le hasard qui donne un tyran pour suc-
cesseur à un honnête homme de prince, ou un
crétin pour remplaçant à un souverain de génie.
Mais ce ne sont encore là que les moindres
inconvénients de la tradition obligatoire.
C’est surtout lorsque les questions de nationa-
lité se trouvent en jeu qu’apparaît l’infériorité
du dogme monarchiste. S’il plaît à la nature
d’épuiser une famille, voilà que tout un pays
peut être obligé de passer dans des mains étran-
gères.
Si c’est Dieu qui, comme le prétendent les
croyants, mène toutes les choses d’ici-bas, c’est
alors Dieu qui, lorsqu’il frappe de pareils coups,
se charge de faire de la propagande en faveur
de là République.
Pierre Véron.
JALOUSIE LE MÉTIER
Le poêle mobile se rebifïe.
Le poêle mobile, ce dindon de toutes les farces
lugubres dont on a dit :
— Il ne réchauffe pas, ce poêle de malheur : il
refroidit. L’allumer équivaut à une tentative de
suicide. Escousse, s’il l’eut connu jadis, ne se
serait pas servi d’autre chose. Sauf qu’il coûte
beaucoup plus cher, ce poêle expéditif, il équi-
vaut au réchaud classique pour la prompte et
sûre asphyxie. C’est le réchaud des riches.
L’Académie de médecine, toujours soucieuse,
comme c’est son droit et son devoir, de la santé
des masses et des individus? a meme très vigou-
reusement attaché le grelot.
Un grelot qui sonnait comme un tocsin d’alarme,
un vrai glas d’enterrement.
Drelin, drelin, drelin!
fîtes-vous pressés de quitter la vie, braves
gens, achetez un poêle nouveau système. Rien ne
vaut la combustion lente pour provoquer une
mort rapide.
Drelin, drelin, drelin!
Héritiers pressés d’hériter, assassins fin de
siècle, qui voulez bien satisfaire vos haines en
évitant les inconvénients de la cour d’assises,
pas la peine d’employer l’arsenic, qui laisse des
traces accusatrices, ou d’acheter le revolver qui
fait un bruit de tous les diables : le poêle écono-
mique suffit à tout, répond à tout, supprime tout,
sans vacarme, sans responsabilité quelconque,
sans autre tapage qu’un fait-divers de deux ou
trois lignes dans quelques journaux, et je vous
le demande, qui donc, au temps où nous vivons,
s’arrête encore aux faits-divers des journaux?
Les juges d’instruction eux-mêmes n’y ajoutent
plus aucune importance. Ils savent ce qu’ils
valent : ils en font.
Donc, l’Académie de médecine,, après avoir
mûrement étudié la question, a tapé dur et ferme.
Non seulement elle a condamné en théorie, en
principe, au nom de l’hygiène publique; mais
encore elle a appelé toutes les rigueurs de l’au-
torité.
Jusqu’ici il est resté inerte, le bras séculier!
Peut-être par paresse, par négligence, par in-
souciance, jugea-t-il à propos de continuer à se
reposer. Ce brigand de bras séculier n’en fait
jamais d’autres.
Mais Feringhea a parlé à son tour. Le con-
damné a protesté.
J’ai aperçu, l’autre matin, un placard virulent
dans les environs de la Banque de France. Oh!
mes amis, quel nectar!
L’affiche en question n’y va pas par quatre che-
mins. File réplique du tac au tac et vous envoie
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droits dont les héros d’Alexandre Dumas père
sont coutumiers.
«Si les médecins crient tant, dit-elle,contre les
poêles économiques, c’est parce que les poêles
économiques, en empêchant ou en enrayant les
bronchites, les mauvais rhumes, les refroidisse-
ments et un tas d’autres maladies, enlèvent, littéra-
lement, le pain des dents de ces messieurs.
» D’ailleurs, en admettant que quelques décès,
causés, du reste, dans la presque unanimité des
cas, par l’imprudence des clients, aient pu se pro-
duire, qu’est-ce que ce chilire insignifiant .en face
des morts dues, chaque jour, à l’ignorance ou aux
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Vlan,, ça y est! Mets ça dans ton sac, ma vieille*
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Dans cette lutte épique entre le médecin et le
fumiste, nous nous contentons de marquer les
coups.
Le poêle mobile accuse carrément les docteurs
brevetés s. g. d. g. de tirer à eux toute la cou-
verture.... mortuaire.
Jalousie de métier! Mettons que vous vous par-
tagez la besogne, tuant chacun de votre côté.
Dieu, là-haut, reconnaîtra les siens.
Paul Girard.
THEATRES
COMÉDIE-FRANÇAISE : Thermidor.
Au temps où florissaientlessous-titr.es, l’affiche
aurait dit: Thermidor ou la Dernière charrette.
C’est même ainsi que le drame dut s’appeler à
l’époque de sa conception première. M. Sardou le
destinait à la Gaîté, et je dois dire qu’il a gardé
les traces de cette destination.
On sent que le côté spectacle devait y jouer un
rôle plus considérable, bien qu’il y tienne encore
une place tout à fait extraordinaire pour la Co-
médie-Française.
A ce point de vue, la pièce y paraît tant soit peu
déclassée, sortie de son cadre naturel. C’est l’im-
pression qui domine d’abord quand on recueille
ses souvenirs de la soirée à mise en scène que
s’est offerte la maison de Molière.
Nous dirons tout à l’heure les résultats de cette
soirée en faisant la part de chacun des inter-
prètes.
Commençons par vous mettre rapidement au
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cule).
Comme héroïne, Fabienne Lecoulieux. Le ro-
man de son amour avec Martial Ilugon a été brus-
quement interrompu par l’explosion révolution-
naire. Martial :est parti pour l’armée. Fabienne,
éplorée, s’est faite religieuse.
Quand l’action s’engage, c’est-à-dire le matin
même du 9 thermidor, — et elle se dénouera dans
la journée, —Fabienne est traquée par les me-
naces injurieuses de quelques harpies qui, tout
en lavant leur linge au bord de la Seine, ont re-
connu en elle une aristo. Elle serait perdue, si
soudain un passant n’intervenait pour la sauver*
Ce passant, c’est Labussière, le Deifs ex via-
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On a tant et tant disserté .sur ce Labussfèye-là
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