SOIXANTIÈME ANNÉE
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PARIS
Trois mois... 18 fr.
Six mois. —
Un an. 72 “
lu abonnements parlent des 1er et 16 de chaque mois
DIRECTION
Politique, Littéraire et Artistique
PIEU UE V É U 01\
Rédacteur en Chef
BUREAUX
DB LA RÉDACTION ET DE L’ADMINISTRATION
Rue de la Victoire, 20
MERCREDI 28 JANVIER 1891
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DÉPARTEMENTS
Trois moi». 20 fr.
Six mois. 40 —
Un an. 80 —
L'abonnement d'un an donne droit à la prime qratr^'
DIRECTION
Politique, Littéraire et Artistique
PI EUUE VÉUON
Rédacteur en Chef
ANNONCES
ADOLPHE EWIG, fermier de la publicité
92, Hue Richelieu
LE CHARIVARI
Les souscripteurs dont l'abonnement ex-
pire le 31 Janvier sont priés de le renou-
veler immédiatement s’ils ne veulent pas
éprouver d’interruption dans lenvoi du
journal.
BULLETIN POLITIQUE
Un bruit assez étrange est venu jusqu’à nous.
Ce bruit annonçait que M. Lavigerie aurait été
reçu par le pape et qu’ils auraient, de compte à
demi, décidé la publication d’un journal qui s’in-
titulerait la République catholique.
On ne disait pas comment les fonctions seraient
réparties.
Le cardinal, rédacteur en chef sans doute. Et
le pape?
Gérant peut-être. Bailleur de fonds â coup sur.
Emploi imprévu du denier de saint Pierre.
Le pape pourrait, au besoin, collaborer. On sait
qu’il a de la littérature.
Mais comme il cultive de prédilection les vers
latins, ce serait peut-être un peu aride comme
attraction pour l’abonné.
Il est donc probable que, si la République ca-
tholique voit le jour, le pape se bornera à en être
l’inspirateur.
Que diront les feuilles dévotes de cette cruelle
concurrence?
Et le cléricalisme? Quel embarras pour lui 1
Car il ne faut pas oublier que Léon XIII est
infaillible. Ce sont les croyants les plus farouches
qui l’ont voulu.
Probablement ils commencent à regretter cette
attribution dont ils ne prévoyaient pas les con-
séquences.
Voyez, en effet, où l’on en arrive.
Si le pape est infaillible et qu’il patronne un
journal républicain, les catholiques sont forcés
de confesser avec lui que la République est -le
meilleur des gouvernements. Et, par conséquent,
de lâcher cette pauvre monarchie.
Cela sans avoir même la ressource de discuter.
On ne discute pas avec celui qui ne peut se
tromper. On subit ses résolutions qui ont force
de loi divine.
Ce méli-mélo est gai comme un bon vaudeville.
Pour en compléter la drôlerie, il faudrait voir
par le trou de la serrure la tête que feront les
prétendants lâchés; le jour où la République
catholique leur enverra son premier pied de nez.
Pierre Véron.
PHILOSOPHES D'ASSISES
Le médecin aliéniste est devenu indispensable â
la justice ; il fait maintenant partie des acces-
soires de dame Thémis, et il est considéré comme
un immeuble judiciaire par destination.
Si on s’avisait de juger un procès où il ne vînt
montrer sa bonne tête indulgente d’homme qui
voit partout des fous ou des détraqués, on se di-
rait aussitôt, dans le public :
— Mais qui est-ce qui m’a fichu un procès pa-
reil!... Et des juges de cet acabit!... Ils veulent
donc que la cour de cassation infirme leur arrêt !
Pas de médecin aliéniste !... Autant se passer de
l’avocat général ou du greffier.
Toutefois, sans nier la grande utilité de l’alié-
niste, grâce auquel il n’y a pas beaucoup de cau-
ses désespérées, il me semble que, dans certains
cas, cet auxiliaire ne suffit point.
Car enfin, bien qu’il ne soit pas difficile de trou-
ver dans la vie d’un homme quelque excentricité
qu’on lui puisse imputer à folie, on est parfois
embarrassé.
Et alors, l’accusé convaincu de raison n’a plus
pour le défendre que son avocat, lequel en est
réduit â se débattre contre un texte de loi, ou de
plaider les circonstances atténuantes, — ce qui
est mince.
Donc, il y a une lacune qu’il faut combler au
plus vite.
Pourquoi ne prendrait - on pas désormais
comme accessoire, au même titre que l’aliéniste
de rigueur, le philosophe de cour d’assises ?
Il existe déjà, ce bon philosophe pour assassin,
et il est autrement indulgent que l’aliéniste
même !
Nous avons parfois des échantillons de ses doc-
trines dans les gazettes, où l’excellent homme
pontifie â propos de tout crime un peu convena-
ble, — c’est-â dire remarquablement féroce.
Il s’intitule psychologue, par opposition au pa-
thologue chargé de trouver la folie.
Il n’est pas un assassinat qu’il n’explique au
mieux des intérêts de l’accusé. — Il a l’art d’ac-
commoder les restes de la victime, de manière â
faire honneur â l’assassin.
Figurez-vous ce philosophe descendant dans
l’arène, c’est-à-dire dans le prétoire, luttant avec
les vieux préjugés et éclairant le crime â la lueur
avantageuse de sa philosophie.
Il va sans dire qu’il y aurait autant de philoso-
phes de cour d’assises que de systèmes philoso-
phiques. L’accusé choisirait dans le tas, suivant
qu’il désirerait passer pour un inconscient ou un
bienfaiteur de l’humanité.
Toutes les écoles de philosophie, depuis la
scolastique jusqu’à l’anarchique, seraient repré-
sentées; au besoin, on inventerait quelques sys-
tèmes nouveaux plus élastiques encore.
Voici, par exemple, un homme accusé d’avoir
assassiné toute une famille.
L’aliéniste s’est évertué à le faire passer pour
fou, mais ça n’a pas pris.
Alors apparaît le philosophe de cour d’assises.
« Messieurs, dit cet éminent, on a longtemps
discuté le point de savoir si l’état de vie était
supérieur ou inférieur à l’état de mort. Nous
avons admis la supériorité de l’état de mort, car
dans cet état-là l’homme cesse d’être malfaisant,
et on n’a plus qu’à se louer de lui.
Donc donner la mort à quelqu’un, c’est mettre
ce quelqu’un dans une position supérieure; c’est,
pour ainsi dire, lui octroyer de l’avancement,
c’est l’avantager!
Ainsi, cette femme que mon généreux client a
tuée allait tromper son mari, peut-être; —nous
avons empêché ce crime !
Cet homme heureusement assassiné aurait sans
doute dépensé son argent avec des drôlesses; —
nous ne l’avons pas permis!
Ces enfants envoyés dans la mort auraient
connu, hélas! toutes les amertumes delà vie; —
nous les en avons préservés!
C’est donc un inestimable service que l’accusé
a rendu à toute cette famille.
Les quelques billets de banque qu’il a dû pren-
dre comme acompte ne suffisent pas à payer la
dette de reconnaissance que ses prétendues vic-
times ont contractée envers lui !... »
Cette rhétorique spéciale varierait à l’infini,
suivant que le philosophe défendrait le droit im-
prescriptible au meurtre ou celui non moins im-
prescriptible à la liberté pure et simple.
Ça ferait un joli pendant à l’aliéniste, et les
audiences de cour d’assises ne manqueraient pas
de gaîté.
Jules Demolliens.
THEATRES
NOUVEAUTÉS : Les Coulisses de Paris.
Quand nous serons à cent...
Les Nouveautés, qui avaient dû fermer dans les
tristes conditions que Ton sait, ont aussi voulu
tâter de la revue pour leur réouverture»
Aimez-vous le couplet?... On en a mis partout.
Et ce n’est pas fini, puisque les Variétés nous
promettent un prochain contingent de flonflons
aristophanesques.
Les Coulisses de Paris — s’il faut en croire les
bruits qui nous ont raconté leur genèse — sont
dues à des auteurs qui opéraient auparavant dans
un Cercle fantaisiste.
Le succès fut très vif, ce qui amena l’idée de
donner une suite à cette tentative fortunée.
M. Micheau, prenant ex abrupto la direction
du théâtre, se trouvait assez dépourvu. Il enten-
dit parler de ces messieurs, qui aspiraient |à là
récidive. Tope là !
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éprouver d’interruption dans lenvoi du
journal.
BULLETIN POLITIQUE
Un bruit assez étrange est venu jusqu’à nous.
Ce bruit annonçait que M. Lavigerie aurait été
reçu par le pape et qu’ils auraient, de compte à
demi, décidé la publication d’un journal qui s’in-
titulerait la République catholique.
On ne disait pas comment les fonctions seraient
réparties.
Le cardinal, rédacteur en chef sans doute. Et
le pape?
Gérant peut-être. Bailleur de fonds â coup sur.
Emploi imprévu du denier de saint Pierre.
Le pape pourrait, au besoin, collaborer. On sait
qu’il a de la littérature.
Mais comme il cultive de prédilection les vers
latins, ce serait peut-être un peu aride comme
attraction pour l’abonné.
Il est donc probable que, si la République ca-
tholique voit le jour, le pape se bornera à en être
l’inspirateur.
Que diront les feuilles dévotes de cette cruelle
concurrence?
Et le cléricalisme? Quel embarras pour lui 1
Car il ne faut pas oublier que Léon XIII est
infaillible. Ce sont les croyants les plus farouches
qui l’ont voulu.
Probablement ils commencent à regretter cette
attribution dont ils ne prévoyaient pas les con-
séquences.
Voyez, en effet, où l’on en arrive.
Si le pape est infaillible et qu’il patronne un
journal républicain, les catholiques sont forcés
de confesser avec lui que la République est -le
meilleur des gouvernements. Et, par conséquent,
de lâcher cette pauvre monarchie.
Cela sans avoir même la ressource de discuter.
On ne discute pas avec celui qui ne peut se
tromper. On subit ses résolutions qui ont force
de loi divine.
Ce méli-mélo est gai comme un bon vaudeville.
Pour en compléter la drôlerie, il faudrait voir
par le trou de la serrure la tête que feront les
prétendants lâchés; le jour où la République
catholique leur enverra son premier pied de nez.
Pierre Véron.
PHILOSOPHES D'ASSISES
Le médecin aliéniste est devenu indispensable â
la justice ; il fait maintenant partie des acces-
soires de dame Thémis, et il est considéré comme
un immeuble judiciaire par destination.
Si on s’avisait de juger un procès où il ne vînt
montrer sa bonne tête indulgente d’homme qui
voit partout des fous ou des détraqués, on se di-
rait aussitôt, dans le public :
— Mais qui est-ce qui m’a fichu un procès pa-
reil!... Et des juges de cet acabit!... Ils veulent
donc que la cour de cassation infirme leur arrêt !
Pas de médecin aliéniste !... Autant se passer de
l’avocat général ou du greffier.
Toutefois, sans nier la grande utilité de l’alié-
niste, grâce auquel il n’y a pas beaucoup de cau-
ses désespérées, il me semble que, dans certains
cas, cet auxiliaire ne suffit point.
Car enfin, bien qu’il ne soit pas difficile de trou-
ver dans la vie d’un homme quelque excentricité
qu’on lui puisse imputer à folie, on est parfois
embarrassé.
Et alors, l’accusé convaincu de raison n’a plus
pour le défendre que son avocat, lequel en est
réduit â se débattre contre un texte de loi, ou de
plaider les circonstances atténuantes, — ce qui
est mince.
Donc, il y a une lacune qu’il faut combler au
plus vite.
Pourquoi ne prendrait - on pas désormais
comme accessoire, au même titre que l’aliéniste
de rigueur, le philosophe de cour d’assises ?
Il existe déjà, ce bon philosophe pour assassin,
et il est autrement indulgent que l’aliéniste
même !
Nous avons parfois des échantillons de ses doc-
trines dans les gazettes, où l’excellent homme
pontifie â propos de tout crime un peu convena-
ble, — c’est-â dire remarquablement féroce.
Il s’intitule psychologue, par opposition au pa-
thologue chargé de trouver la folie.
Il n’est pas un assassinat qu’il n’explique au
mieux des intérêts de l’accusé. — Il a l’art d’ac-
commoder les restes de la victime, de manière â
faire honneur â l’assassin.
Figurez-vous ce philosophe descendant dans
l’arène, c’est-à-dire dans le prétoire, luttant avec
les vieux préjugés et éclairant le crime â la lueur
avantageuse de sa philosophie.
Il va sans dire qu’il y aurait autant de philoso-
phes de cour d’assises que de systèmes philoso-
phiques. L’accusé choisirait dans le tas, suivant
qu’il désirerait passer pour un inconscient ou un
bienfaiteur de l’humanité.
Toutes les écoles de philosophie, depuis la
scolastique jusqu’à l’anarchique, seraient repré-
sentées; au besoin, on inventerait quelques sys-
tèmes nouveaux plus élastiques encore.
Voici, par exemple, un homme accusé d’avoir
assassiné toute une famille.
L’aliéniste s’est évertué à le faire passer pour
fou, mais ça n’a pas pris.
Alors apparaît le philosophe de cour d’assises.
« Messieurs, dit cet éminent, on a longtemps
discuté le point de savoir si l’état de vie était
supérieur ou inférieur à l’état de mort. Nous
avons admis la supériorité de l’état de mort, car
dans cet état-là l’homme cesse d’être malfaisant,
et on n’a plus qu’à se louer de lui.
Donc donner la mort à quelqu’un, c’est mettre
ce quelqu’un dans une position supérieure; c’est,
pour ainsi dire, lui octroyer de l’avancement,
c’est l’avantager!
Ainsi, cette femme que mon généreux client a
tuée allait tromper son mari, peut-être; —nous
avons empêché ce crime !
Cet homme heureusement assassiné aurait sans
doute dépensé son argent avec des drôlesses; —
nous ne l’avons pas permis!
Ces enfants envoyés dans la mort auraient
connu, hélas! toutes les amertumes delà vie; —
nous les en avons préservés!
C’est donc un inestimable service que l’accusé
a rendu à toute cette famille.
Les quelques billets de banque qu’il a dû pren-
dre comme acompte ne suffisent pas à payer la
dette de reconnaissance que ses prétendues vic-
times ont contractée envers lui !... »
Cette rhétorique spéciale varierait à l’infini,
suivant que le philosophe défendrait le droit im-
prescriptible au meurtre ou celui non moins im-
prescriptible à la liberté pure et simple.
Ça ferait un joli pendant à l’aliéniste, et les
audiences de cour d’assises ne manqueraient pas
de gaîté.
Jules Demolliens.
THEATRES
NOUVEAUTÉS : Les Coulisses de Paris.
Quand nous serons à cent...
Les Nouveautés, qui avaient dû fermer dans les
tristes conditions que Ton sait, ont aussi voulu
tâter de la revue pour leur réouverture»
Aimez-vous le couplet?... On en a mis partout.
Et ce n’est pas fini, puisque les Variétés nous
promettent un prochain contingent de flonflons
aristophanesques.
Les Coulisses de Paris — s’il faut en croire les
bruits qui nous ont raconté leur genèse — sont
dues à des auteurs qui opéraient auparavant dans
un Cercle fantaisiste.
Le succès fut très vif, ce qui amena l’idée de
donner une suite à cette tentative fortunée.
M. Micheau, prenant ex abrupto la direction
du théâtre, se trouvait assez dépourvu. Il enten-
dit parler de ces messieurs, qui aspiraient |à là
récidive. Tope là !