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Le charivari — 60.1891

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Novembre
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https://doi.org/10.11588/diglit.23885#1302
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PARISIENNERIES

231


— Mais, ma chère, il n’est pas encore si mal conservé, ton vieux!

— Tais-toi donc, un amoureux en boîte!

veux avec son voisin de table ou avec son adver-
saire de pocker.

Mais le cercle est de rigueur, quand on est posé
d’une certaine façon.

Quelquefois, avant mon dîner, j’en suis de quinze
ou vingt mille au bac... Et je recommence une autre
tournée la nuit.

Le lendemain, quand je me lève, pas beaucoup de
différence entre un cadavre et moi.

Mais c'est la haute vie, ça... Et moi, ie suis tê-
tard !

C’est comme les villes d’eaux l’été.

Ce qu’on serait content de souffler un peu sous de
vrais arbres, sans concerts, sans cartes, sans ca-
sino, sans demoiselles plâtrées !

Lorsqu’on a avalé neuf mois de ce régime-là, se
mettre au vert, quel idéal!

Mais si on ne me voyait pas sur les planches de
Trouville, sur les galets de Dieppe, dans le parc de
Vichy, ce serait fini.

Rayé de la liste des hommes chic!

Alors il faut recommencer à tourner la même
meule en province, à revoir les mêmes grecs, à se
laisser plumer par les mêmes carotteuses.

Et ainsi de suite... Pas gratuit, mais obligatoire...
Je suis fêtard l

Quand on tient à être complet, il faut avoir dans
sa biographie le chapitre de la femme mariée.

Je l’ai eu. Je l’ai même eu trois fois.

La première, c’était une blonde. Le mari m’a
allongé un coup d’épée dans la rate, qui ne l’a pas
dêsopilée, je vous en réponds.

La seconde, c’était une brune. Le mari m’a inséré
une balle dans l’épaule droite.

La troisième, c’était une rousse. Le mari, comme
arme, a choisi la correctionnelle. J’y ai été de mes
trois mois de prison, à la Santé.

Mais aussi parlez de moi à n’importe qui. Pas un
qui puisse me démentir quand je le proclame, au
nom de mes états de services... Ahl mais oui, je
suis fêtard !

***

Evidemment il aurait été plus simple et plus
hygiénique de me marier tranquillement moi-même,
d’avoir une bonne petite femme douce, rangée,
aimante.

Plus deux ou trois bébés grimpant à l’escalade des
baisers.

Le foyer de famille, le coin du feu dans un bon
fauteuil. Tout ce qui fait vivre longtemps, faisant vi-
vre doucement.

De temps en temps, quand j’y pense, j’ai comme

une vague envie de me traiter d’imbécile pour avoir
choisi l’existence cahoteuse, abrutissante au fond,
inutile à la surface, que je mène depuis tantôt qua-
rante ans.

Mais est-ce que c’est ma faute, à moi?... Je suis
fêtard!

***

Je ne le serai peut-être pas longtemps, par exem-
ple.

Ce que je me sens usél Des douleurs par-ci... Plus
un poil sur la brosse...

Dans les jambes, un traînardement qui ressemble
aux premières sommations de l’ataxie.

Et une sacrée mauvaise toux... Ça sonne comme
dans un porte-voix... Hou!... hou!...

Positivement, je me fais l’effet de n’avoir été
qu’une fichue bête.

Trop tard pour s’en apercevoir... Par bonheur, je
ne laisserai pas de petits pour continuer papa.

Puis, j’aurai une aimable compensation.

Le jour où l’on annoncera mon décès prématuré,
— car il sera prématuré, je m’en doute, — sur le bou-
levard, dans les cercles, dans les bureaux de jour-
naux mondains, en guise de ci-gît, on redira :

— Ahl bah! il est claqué, Machin... En voilà un
animal qui peut se flatter d’avoir été fêtard!..,

BOCCACIN.
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