SOIXANTIÈME ANNÊË
Prix du Numéro : 2 S centimes
JEUDJ 10 DECEMBRE 1891
A.
ABONNEMENTS
PARIS
Trois mois. 18 fr.
Six mois. 36 —
Un an. 72 —
(les mandats télégraphiques ne sont pas reçus)
Les abonnements partent des ior et 16 de chaque mois
DIRECTION
Politique, Littéraire et Artistique
PIERRE VÉRON
Rédacteur en Chef
BUREAUX
DE LA RÉDACTION ET DE L’ADMINISTRATION
Rue de la Victoire 20
ABONNEMENTS
DÉPARTEMENTS
Trois mois. 20 fr.
Six mois. 40 —
Un an. 80 —
(les mandats télégraphiques ne sont pas reçus)
Vabonnement d’un an donne droit à la prime gratuit
DIRECTION
Politique, Littéraire et Artistique
PIERRE VÉRON
Rédacteur en Chef
ANNONCES
ADOLPHE EWIG, fermier de la publicœtS
92, Eue Richelieu
LE CHARIVARI
BULLETIN POLITIQUE
Depuis un certain temps, le bonapartisme se
tenait coi, éclipsé par le boulangisme.
Que nous aurait-il dit, d’ailleurs, que ce bou-
langisme n’eût pas dit avant lui?
La concurrence ayant fermé boutique, on se
ravise et l’on reprend en sous-œuvre la propa-
gande interrompue.
C’est M. Clément de Royer qui s’est chargé de
rattacher le grelot; opération difficile, car les
fils ne correspondent plus à rien.
Dans une harangue toute récente, M. de Royer
a « posé les bases du programme qui sera, dès
aujourd’hui, le programme désiré de tous les dé-
mocrates de France, et qui sera demain le pro-
gramme nécessaire de tous les candidats indé-
pendants aux élections législatives prochaines ».
Comme vous le voyez, l’orateur y va carré-
ment. Il s’écrie : « La France, c’est nous. »
Oui, M. de Royer ne nous l’envoie pas dire :
tous les candidats adopteront son programme.
Ne lui demandez pas pourquoi, s’ils sont indé-
pendants, ils éprouveront le besoin de subir un
mot d’ordre.
Ne lui demandez pas non plus pourquoi les
électeurs démocrates se prosterneront devant le
principe de Totorité.
On lance ces belles phrases-lâ, on ne les expli-
que pas.
Bien entendu, c’est toujours le vieux dada plé-
biscitaire qui traîne le char si longtemps em-
bourbé. Pour le tirer de l’ornière, on lui a ad-
joint un cheval de renfort : la révision.
M. de Royer n’hésite pas à nous jurer que l’ar-
mée plébiscito-revisionniste est plus compacte
et plus puissante que jamais.
Franchement, ce n’est pas beaucoup dire, si
l’on en juge par le résultat de tous les scrutins
qui ont donné successivement la victoire aux
candidatures républicaines.
Elle devient vraiment étonnante de puérilité,
l'obstination avec laquelle les débris du bonapar-
tisme s’efforcent de nous faire croire que les
électeurs qui mettent tant de persistance à choisir
des députés républicains voteraient avec enthou-
siasme un plébiscite rétablissant l’Empire.
Donc, malgré le ton pathétique de l’orateur,
elle restera sans portée, cette exclamation:
« Par la loi de l’armée, on vous prend vos en-
fants. Par la loi du budget, on vous prend votre
argent. Et vous n’auriez pas le droit de choisir la
forme du régime sous lequel vous voulez vivre et
de désigner celui qui doit vous représenter à sa
tête! x>
Est-ce que, par hasard, si l’Empire était res-
tauré, il ne nous prendrait pas nos enfants pour les
faire massacrer? Répondez, souvenirs de Sébas-
topol, d’Italie, du Mexique et de 1870 1
Est-ce qu’il ne nous prendrait pas notre ar-
gent/Avec cette différence qu'il lui en faudrait
beaucoup plus pour payer les listes civiles et les
gros traitements des favoris.
Non, vrai, après que le bonapartisme nous a
valu trois invasions, il faut croire le suffrage
universel complètement idiot pour le supposer
capable d’en réclamer une quatrième.
Pierre Véron
LE QUATRAIN D’HIER
Encore un crime, hélas! des horribles grisous!
Veuves, demandez donc aux gens du presbytère
Si leur Dieu de bonté qui veille sur la terre
Ne regarde jamais dessous!
SIFFLET.
—- -—-
FATJZ BILLETS
SP’tsn con #*•#buu ble.
Monsieur le préfet,
C’est à vous que je m’adresse, parce que je ne
tiens pas beaucoup à entrer en relations avec
notre Conseil municipal, qui vraiment a trop l’air
de se moquer de nous, les pauvres contribuables,
qui payons les frais de ses bêtises.
C’est à vous que je m’adresse pour vous deman-
der un petit renseignement, un tout petit ren-
seignement.
A combien de victimes arrêtera-t-on l’expé-
rience de ce bon funiculaire? Combien de bles-
sés, combien de tués faudra-t-il pour que l’on
confesse l’atroce bévue commise?
Il est vraiment inouï que l’on continue à pro~
mener, à travers les rues d’une capitale qui se
pique de marcher à la tête de la civilisation, cette
machine à massacrer qui compte les jours par
les accidents.
Je ne vous cacherai pas, monsieur le préfet,
que nous en avons assez, que nous sommes à
bout de patience.
Si donc on s’obstine, il ne faudra pas s’étonner
de voir un jour la foula ameutée se ruer sur une
de vos voitures homicides et la coucher sur le
flanc.
Vous m’avouerez que ce sera le cas de légitime
défense. "
À moins, ce qui serait plus simple, que nous ne
nous entendions pour organiser la grève des
voyageurs.
Mais n’appartient-il pas à l’autorité tutélaire
de prendre l’initiative de couper court aux
exploits sinistres de ce véhicule dont on rirait
tant, s’il ne forçait pas à pleurer les familles qu’il
met en deuil?
D’autant plus, monsieur le préfet, qu’il est vrai-
ment humiliant pour notre amour-propre natio-
nal de laisser constater ainsi l’incapacité na-
vrante de nos ingénieurs officiels. Car, enfin,
dans dix autres pays, il y en a, des funiculaires
qui fonctionnent sans encombre et qui ne font
jamais parler de leurs attentats.
Tenez-vous donc à démontrer que nous som-
mes à la queue du progrès, alors que nous nous
flattons de toujours marcher à sa tête?
L’intérêt national et le salut des particuliers
sont d’accord, par conséquent, pour imposer la
mesure que je réclame et que tout le monde
souhaite.
Je me plais à croire que vous n’hésiterez pas
plus longtemps à donner satisfaction aux vœux
qui vous crient : « Délivrez-nous ! Sauvez-nous ! »
Dans cette espérance, monsieur le préfet, je
vous prie d’agréer l’expression de ma reconnais-
sance anticipée, à laquelle se joindront les ac-
tions de grâces de tous les Parisiens.
UN CONTRIBUABLE.
P .S. — Je ne vous parle pas, bien entendu, du
lugubre canard qui a prétendu qu’au lieu de sup-
primer le funiculaire n° 1, on allait installer un
funiculaire n° 2 pour accroître le nombre des
décès.
C’est une fumisterie navrante, n’est-ce pas?...
u. c.
RÉFORMES ADMINISTRATIVES
Les bureaux de l’Assistance publique.
Jacques Misère, humblement. —Monsieur, j’ai
une femme et six enfants qui n’ont pas mangé
depuis deux jours.
L’employé. — Très bien. Donnez votre nom et
votre adresse. On fera une enquête.
Huit jours après. Chez la concierge de Jacques
Misère.
L’employé. — Vous avez ici un nommé Jacques
Misère qui a une femme et six enfants?
La concierge. — Non, monsieur.
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PIERRE VÉRON
Rédacteur en Chef
ANNONCES
ADOLPHE EWIG, fermier de la publicœtS
92, Eue Richelieu
LE CHARIVARI
BULLETIN POLITIQUE
Depuis un certain temps, le bonapartisme se
tenait coi, éclipsé par le boulangisme.
Que nous aurait-il dit, d’ailleurs, que ce bou-
langisme n’eût pas dit avant lui?
La concurrence ayant fermé boutique, on se
ravise et l’on reprend en sous-œuvre la propa-
gande interrompue.
C’est M. Clément de Royer qui s’est chargé de
rattacher le grelot; opération difficile, car les
fils ne correspondent plus à rien.
Dans une harangue toute récente, M. de Royer
a « posé les bases du programme qui sera, dès
aujourd’hui, le programme désiré de tous les dé-
mocrates de France, et qui sera demain le pro-
gramme nécessaire de tous les candidats indé-
pendants aux élections législatives prochaines ».
Comme vous le voyez, l’orateur y va carré-
ment. Il s’écrie : « La France, c’est nous. »
Oui, M. de Royer ne nous l’envoie pas dire :
tous les candidats adopteront son programme.
Ne lui demandez pas pourquoi, s’ils sont indé-
pendants, ils éprouveront le besoin de subir un
mot d’ordre.
Ne lui demandez pas non plus pourquoi les
électeurs démocrates se prosterneront devant le
principe de Totorité.
On lance ces belles phrases-lâ, on ne les expli-
que pas.
Bien entendu, c’est toujours le vieux dada plé-
biscitaire qui traîne le char si longtemps em-
bourbé. Pour le tirer de l’ornière, on lui a ad-
joint un cheval de renfort : la révision.
M. de Royer n’hésite pas à nous jurer que l’ar-
mée plébiscito-revisionniste est plus compacte
et plus puissante que jamais.
Franchement, ce n’est pas beaucoup dire, si
l’on en juge par le résultat de tous les scrutins
qui ont donné successivement la victoire aux
candidatures républicaines.
Elle devient vraiment étonnante de puérilité,
l'obstination avec laquelle les débris du bonapar-
tisme s’efforcent de nous faire croire que les
électeurs qui mettent tant de persistance à choisir
des députés républicains voteraient avec enthou-
siasme un plébiscite rétablissant l’Empire.
Donc, malgré le ton pathétique de l’orateur,
elle restera sans portée, cette exclamation:
« Par la loi de l’armée, on vous prend vos en-
fants. Par la loi du budget, on vous prend votre
argent. Et vous n’auriez pas le droit de choisir la
forme du régime sous lequel vous voulez vivre et
de désigner celui qui doit vous représenter à sa
tête! x>
Est-ce que, par hasard, si l’Empire était res-
tauré, il ne nous prendrait pas nos enfants pour les
faire massacrer? Répondez, souvenirs de Sébas-
topol, d’Italie, du Mexique et de 1870 1
Est-ce qu’il ne nous prendrait pas notre ar-
gent/Avec cette différence qu'il lui en faudrait
beaucoup plus pour payer les listes civiles et les
gros traitements des favoris.
Non, vrai, après que le bonapartisme nous a
valu trois invasions, il faut croire le suffrage
universel complètement idiot pour le supposer
capable d’en réclamer une quatrième.
Pierre Véron
LE QUATRAIN D’HIER
Encore un crime, hélas! des horribles grisous!
Veuves, demandez donc aux gens du presbytère
Si leur Dieu de bonté qui veille sur la terre
Ne regarde jamais dessous!
SIFFLET.
—- -—-
FATJZ BILLETS
SP’tsn con #*•#buu ble.
Monsieur le préfet,
C’est à vous que je m’adresse, parce que je ne
tiens pas beaucoup à entrer en relations avec
notre Conseil municipal, qui vraiment a trop l’air
de se moquer de nous, les pauvres contribuables,
qui payons les frais de ses bêtises.
C’est à vous que je m’adresse pour vous deman-
der un petit renseignement, un tout petit ren-
seignement.
A combien de victimes arrêtera-t-on l’expé-
rience de ce bon funiculaire? Combien de bles-
sés, combien de tués faudra-t-il pour que l’on
confesse l’atroce bévue commise?
Il est vraiment inouï que l’on continue à pro~
mener, à travers les rues d’une capitale qui se
pique de marcher à la tête de la civilisation, cette
machine à massacrer qui compte les jours par
les accidents.
Je ne vous cacherai pas, monsieur le préfet,
que nous en avons assez, que nous sommes à
bout de patience.
Si donc on s’obstine, il ne faudra pas s’étonner
de voir un jour la foula ameutée se ruer sur une
de vos voitures homicides et la coucher sur le
flanc.
Vous m’avouerez que ce sera le cas de légitime
défense. "
À moins, ce qui serait plus simple, que nous ne
nous entendions pour organiser la grève des
voyageurs.
Mais n’appartient-il pas à l’autorité tutélaire
de prendre l’initiative de couper court aux
exploits sinistres de ce véhicule dont on rirait
tant, s’il ne forçait pas à pleurer les familles qu’il
met en deuil?
D’autant plus, monsieur le préfet, qu’il est vrai-
ment humiliant pour notre amour-propre natio-
nal de laisser constater ainsi l’incapacité na-
vrante de nos ingénieurs officiels. Car, enfin,
dans dix autres pays, il y en a, des funiculaires
qui fonctionnent sans encombre et qui ne font
jamais parler de leurs attentats.
Tenez-vous donc à démontrer que nous som-
mes à la queue du progrès, alors que nous nous
flattons de toujours marcher à sa tête?
L’intérêt national et le salut des particuliers
sont d’accord, par conséquent, pour imposer la
mesure que je réclame et que tout le monde
souhaite.
Je me plais à croire que vous n’hésiterez pas
plus longtemps à donner satisfaction aux vœux
qui vous crient : « Délivrez-nous ! Sauvez-nous ! »
Dans cette espérance, monsieur le préfet, je
vous prie d’agréer l’expression de ma reconnais-
sance anticipée, à laquelle se joindront les ac-
tions de grâces de tous les Parisiens.
UN CONTRIBUABLE.
P .S. — Je ne vous parle pas, bien entendu, du
lugubre canard qui a prétendu qu’au lieu de sup-
primer le funiculaire n° 1, on allait installer un
funiculaire n° 2 pour accroître le nombre des
décès.
C’est une fumisterie navrante, n’est-ce pas?...
u. c.
RÉFORMES ADMINISTRATIVES
Les bureaux de l’Assistance publique.
Jacques Misère, humblement. —Monsieur, j’ai
une femme et six enfants qui n’ont pas mangé
depuis deux jours.
L’employé. — Très bien. Donnez votre nom et
votre adresse. On fera une enquête.
Huit jours après. Chez la concierge de Jacques
Misère.
L’employé. — Vous avez ici un nommé Jacques
Misère qui a une femme et six enfants?
La concierge. — Non, monsieur.