SOIXANTIÈME ANNÉE
Prix du Numéro : 25 centimes
VENDREDI 11 DECEMBRE 1891
ABONNEMENTS
PARIS
Trois mois. 18 fr.
Six mois. 36 —
Un an. 72 —
(les mandats télégraphiques ne sont pas reçus)
les abonnements partent des 1er et 16 de chaque mois
DIRECTION
Politique, Littéraire et Artistique
PIERRE VÉRON
Rédacteur eu Chef
BUREAUX
)N ET DE L'j
Rue de la Victoire 20
y/ _ f£p£:LA RÉDACTION ET DE ^ADMINISTRATION
ABONNEMENTS
DÉPARTEMENTS
Trois mois. 20 fr.
Six mois. 40 —
Un an. 80 —
(les mandats télégraphiques ne sont pas reçus)
Ij abonnement d’un an donne droit à la prime gratuit
DIRECTION
Politique, Littéraire et Artistique
PIERRE VÉRON
Rédacteur en Chef
ANNONCES
ADOLPHE EWIG, fermier de la PUBLiûrrâ
92, Rue Richelieu
CHARIVARI
Les souscripteurs dont Tabonnement ex-
pire le 15 Décembre sont priés de le re-
nouveler immédiatement s’ils ne veulent
pas éprouver d’interruption dans l’envoi du
journal. Nous rappelons à nos abonnés que
les mandats télégraphiques ne sont pas reçus.
BULLETIN POLITIQUE
La première audition de M.Lafargue au Palais-
Bourbon a prouvé une fois de plus que les can-
didatures d’occasion aboutissent toujours à l’a-
vortement.
Je veux dire qu’elles n’ont guère mis en scène
jusqu’à présent que des médiocrités.
Tel me paraît être le cas pour le nouvel élu du
Nord, et son coup d’essai à la tribune est loin,
hélas ! d’avoir été un coup de maître.
Autre chose est d’éblouir dans les réunions
publiques un auditoire plus passionné que con-
naisseur, en lui débitant des banalités ardentes;
autre chose est d’affronter une Assemblée qui a
quelques connaissances en matière de rhétorique
et qui ne se compose pas de gens venus tout ex-
près pour applaudir quand même.
Vainement nous avons cherché, dans la très
zigzagante harangue du député de Lille, une idée
qui lui appartînt en propre. Tout y est du déjà
lu, et déclamation n’est pas raison.
Aucun mandataire du suffrage universel n’a
le droit de se donner pour le représentant exclu-
sif des travailleurs. Chacun se doit à tous.
S’il en était différemment, ce serait la guerre
civile de la parole qui fonctionnerait dans les
Chambres d’un bout de l’année à l’autre.
Heureusement M. Lafargue, même à ce point
de vue, ne paraît guère redoutable. Il n’a vrai-
ment pas ce qu’il faut pour enflammer un audi-
toire, quel qu’il soit.
Comme les ouvriers feraient mieux de choisir,
pour parler en leur nom, des hommes qui sa-
chent persuader, au lieu d’accorder toujours leurs
voix à des hommes qui ne savent que menàcer!
Pierre Véron.
LE QUATRAIN D’HIER
Lepuis Vassassinat double die boulevard,
Sur l'air de Faust, Goron chaule, morne, hagard :
— Je voudrais bien savoir quel était ce jeune homme,
Si c'est son premier coup, et comment il se nomme!
SIFFLET.
POUR COLONISER
Nous ne sommes pas très colonisateurs en
France, et cependant nous ne répugnons point
aux conquêtes coloniales; de sorte que nous
avons, un peu partout, des masses de territoires
français, sans un seul Français pour les habiter,
ainsi que l’a constaté un député.
On sait comment s’opère généralement ce
genre de conquête.
Un monsieur, auquel une saison à Biarritz ne
suffit plus comme villégiature, part, un beau
matin, pour quelque région inÔonnue.Ii ne tarde
pas à rencontrer une peuplade de sauvages quel-
conque, par un nombre respectable de longitudes
et de latitudes.
Un dialogue court, mais énergique, s’engage
alors entre le voyageur et le chef de la tribu :
— Ouâââ !... Ouâââ !... dit ce dernier avec quel-
que solennité.
— Ouâââ!... répond le voyageur, sachant qu’on
doit toujours,par politesse, parler la langue du
pays.
— Titi lolo, reprend le chef.
— Lolo ?... Lolo !... J’ai compris, se dit le voya-
geur; ça doit vouloir dire qu’il me fait cadeau de
son pays pour le compte de mon gouvernement.
Et il écrit aussitôt une lettre enthousiaste, in-
formant que nous avons une colonie de plus.
Parfois, le grand chef le reçoit simplement en
lui allongeant son pied au bas du veston.
Alors le voyageur s’imagine qu’il vient de re-
cevoir l’investiture royale à la mode du pays, et
se proclame incontinent roi de la contrée.
Quelquefois aussi il est rôti et mangé ; alors ça
nous fait une colonie dé moins.
Quoi qu’il en soit, il est certain que la France
se trouve posséder, du chef de ces aventureux,
une foule de territoires dont on ignore le nom,
et que personne ne verra probablement jamais.
On baptise, généralement, le pays : Untelville,
du nom du monsieur qui l’a découvert.
Mais des habitants? clament les coloniaux.
Ça, c’est une autre affaire.
Voici une manière originale de coloniser, pro-
posée par l’honorable dont j’ai parlé plus haut.
— Nos prisons regorgent, dit-il; nous n’osons
pas appliquer la loi sur la relégation, à cause des
frais énormes que cela entraînerait; nous avons
des forçats à la Nouvelle qui nous coûtent les
yeux de la tête!
Pourquoi ne pas prendre tous ces gens-là, en
charger quelques navires, et les déposer à Ma-
chinville avec des vivres, des armes, des graines
pour ensemencer .., etc..., et leur dire :
— Maintenant, colonisez !... Bonsoir, messieurs!
Et alors, — merveille de la civilisation! — ces
hommes se bâtiraient une ville.
On ne voit pas bien comment; mais on peut
supposer qu’il y aurait parmi eux quelque archi-
tecte récidiviste.
Après quoi, l’un des déportés, le plus hardi,
accroche, un beau matin, à sa maison une ensei-
gne ainsi conçue :
PALAIS DE LA PRÉSIDENCE
Du territoire de Machinville
Il met à sa porte deux ou trois repris de jus-
tice, et leur ordonne de garder son palais et sa
personne.
Un vieux tambour, qui a été apporté avec les
bagages, sert à un ancien faux monnayeur, de-
venu ministre des finances, à faire annoncer, par
la ville, que la population a enfin un gouverne-
ment organisé.
Le Code pénal est adopté, et le premier soin
du président est de faire confectionner une guil-
lotine.
Un cheval de retour, qui la connaît dans les
coins, est nommé juge d’instruction.
Un ancien huissier faussaire est chargé de
percevoir les impôts.
Et voilà comment un pays se transforme et se
civilise.
Jules Demolliens.
THÉÂTRES
OPÉRA : Débuts de Mme Descliamps-Jéhin. —
COMÉDIE-FRANÇAISE : La Ciguë.
Une des dernières fêtes offertes au public par
l’ancienne direction, que les débuts de Mme Des-
champs-Jéliin.
Déjà les bravos du public avaient donné la
bienvenue au merveilleux contralto. Dans la Fa-
vorite, Mme Deschamps-Jéhin a pris définitive-
ment possession.
Le beau rôle de Léonor, — oui, le beau rôle,
quoi qu’en disent les ironies des Wagnérolâtres,
— semble avoir été écrit tout exprès pour mettre
en relief les qualités de l’artiste à la voix chaude
et puissante.
Elle Ta chanté d’un grand style et avec une
émotion profondément sentie.
Soirée qui comptera dans sa belle carrière.
Cependant, à la Comédie-Française, on fêtait
Emile Augier. C’était comme la préface de l’apo-
théose qui l’attendait le lendemain à l’Académie.
Au programme, trois pièces du maître, d’autant
plus regretté que personne ne s’est encore pré-
senté pour prendre sa place.
Prix du Numéro : 25 centimes
VENDREDI 11 DECEMBRE 1891
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PARIS
Trois mois. 18 fr.
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Un an. 72 —
(les mandats télégraphiques ne sont pas reçus)
les abonnements partent des 1er et 16 de chaque mois
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PIERRE VÉRON
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92, Rue Richelieu
CHARIVARI
Les souscripteurs dont Tabonnement ex-
pire le 15 Décembre sont priés de le re-
nouveler immédiatement s’ils ne veulent
pas éprouver d’interruption dans l’envoi du
journal. Nous rappelons à nos abonnés que
les mandats télégraphiques ne sont pas reçus.
BULLETIN POLITIQUE
La première audition de M.Lafargue au Palais-
Bourbon a prouvé une fois de plus que les can-
didatures d’occasion aboutissent toujours à l’a-
vortement.
Je veux dire qu’elles n’ont guère mis en scène
jusqu’à présent que des médiocrités.
Tel me paraît être le cas pour le nouvel élu du
Nord, et son coup d’essai à la tribune est loin,
hélas ! d’avoir été un coup de maître.
Autre chose est d’éblouir dans les réunions
publiques un auditoire plus passionné que con-
naisseur, en lui débitant des banalités ardentes;
autre chose est d’affronter une Assemblée qui a
quelques connaissances en matière de rhétorique
et qui ne se compose pas de gens venus tout ex-
près pour applaudir quand même.
Vainement nous avons cherché, dans la très
zigzagante harangue du député de Lille, une idée
qui lui appartînt en propre. Tout y est du déjà
lu, et déclamation n’est pas raison.
Aucun mandataire du suffrage universel n’a
le droit de se donner pour le représentant exclu-
sif des travailleurs. Chacun se doit à tous.
S’il en était différemment, ce serait la guerre
civile de la parole qui fonctionnerait dans les
Chambres d’un bout de l’année à l’autre.
Heureusement M. Lafargue, même à ce point
de vue, ne paraît guère redoutable. Il n’a vrai-
ment pas ce qu’il faut pour enflammer un audi-
toire, quel qu’il soit.
Comme les ouvriers feraient mieux de choisir,
pour parler en leur nom, des hommes qui sa-
chent persuader, au lieu d’accorder toujours leurs
voix à des hommes qui ne savent que menàcer!
Pierre Véron.
LE QUATRAIN D’HIER
Lepuis Vassassinat double die boulevard,
Sur l'air de Faust, Goron chaule, morne, hagard :
— Je voudrais bien savoir quel était ce jeune homme,
Si c'est son premier coup, et comment il se nomme!
SIFFLET.
POUR COLONISER
Nous ne sommes pas très colonisateurs en
France, et cependant nous ne répugnons point
aux conquêtes coloniales; de sorte que nous
avons, un peu partout, des masses de territoires
français, sans un seul Français pour les habiter,
ainsi que l’a constaté un député.
On sait comment s’opère généralement ce
genre de conquête.
Un monsieur, auquel une saison à Biarritz ne
suffit plus comme villégiature, part, un beau
matin, pour quelque région inÔonnue.Ii ne tarde
pas à rencontrer une peuplade de sauvages quel-
conque, par un nombre respectable de longitudes
et de latitudes.
Un dialogue court, mais énergique, s’engage
alors entre le voyageur et le chef de la tribu :
— Ouâââ !... Ouâââ !... dit ce dernier avec quel-
que solennité.
— Ouâââ!... répond le voyageur, sachant qu’on
doit toujours,par politesse, parler la langue du
pays.
— Titi lolo, reprend le chef.
— Lolo ?... Lolo !... J’ai compris, se dit le voya-
geur; ça doit vouloir dire qu’il me fait cadeau de
son pays pour le compte de mon gouvernement.
Et il écrit aussitôt une lettre enthousiaste, in-
formant que nous avons une colonie de plus.
Parfois, le grand chef le reçoit simplement en
lui allongeant son pied au bas du veston.
Alors le voyageur s’imagine qu’il vient de re-
cevoir l’investiture royale à la mode du pays, et
se proclame incontinent roi de la contrée.
Quelquefois aussi il est rôti et mangé ; alors ça
nous fait une colonie dé moins.
Quoi qu’il en soit, il est certain que la France
se trouve posséder, du chef de ces aventureux,
une foule de territoires dont on ignore le nom,
et que personne ne verra probablement jamais.
On baptise, généralement, le pays : Untelville,
du nom du monsieur qui l’a découvert.
Mais des habitants? clament les coloniaux.
Ça, c’est une autre affaire.
Voici une manière originale de coloniser, pro-
posée par l’honorable dont j’ai parlé plus haut.
— Nos prisons regorgent, dit-il; nous n’osons
pas appliquer la loi sur la relégation, à cause des
frais énormes que cela entraînerait; nous avons
des forçats à la Nouvelle qui nous coûtent les
yeux de la tête!
Pourquoi ne pas prendre tous ces gens-là, en
charger quelques navires, et les déposer à Ma-
chinville avec des vivres, des armes, des graines
pour ensemencer .., etc..., et leur dire :
— Maintenant, colonisez !... Bonsoir, messieurs!
Et alors, — merveille de la civilisation! — ces
hommes se bâtiraient une ville.
On ne voit pas bien comment; mais on peut
supposer qu’il y aurait parmi eux quelque archi-
tecte récidiviste.
Après quoi, l’un des déportés, le plus hardi,
accroche, un beau matin, à sa maison une ensei-
gne ainsi conçue :
PALAIS DE LA PRÉSIDENCE
Du territoire de Machinville
Il met à sa porte deux ou trois repris de jus-
tice, et leur ordonne de garder son palais et sa
personne.
Un vieux tambour, qui a été apporté avec les
bagages, sert à un ancien faux monnayeur, de-
venu ministre des finances, à faire annoncer, par
la ville, que la population a enfin un gouverne-
ment organisé.
Le Code pénal est adopté, et le premier soin
du président est de faire confectionner une guil-
lotine.
Un cheval de retour, qui la connaît dans les
coins, est nommé juge d’instruction.
Un ancien huissier faussaire est chargé de
percevoir les impôts.
Et voilà comment un pays se transforme et se
civilise.
Jules Demolliens.
THÉÂTRES
OPÉRA : Débuts de Mme Descliamps-Jéhin. —
COMÉDIE-FRANÇAISE : La Ciguë.
Une des dernières fêtes offertes au public par
l’ancienne direction, que les débuts de Mme Des-
champs-Jéliin.
Déjà les bravos du public avaient donné la
bienvenue au merveilleux contralto. Dans la Fa-
vorite, Mme Deschamps-Jéhin a pris définitive-
ment possession.
Le beau rôle de Léonor, — oui, le beau rôle,
quoi qu’en disent les ironies des Wagnérolâtres,
— semble avoir été écrit tout exprès pour mettre
en relief les qualités de l’artiste à la voix chaude
et puissante.
Elle Ta chanté d’un grand style et avec une
émotion profondément sentie.
Soirée qui comptera dans sa belle carrière.
Cependant, à la Comédie-Française, on fêtait
Emile Augier. C’était comme la préface de l’apo-
théose qui l’attendait le lendemain à l’Académie.
Au programme, trois pièces du maître, d’autant
plus regretté que personne ne s’est encore pré-
senté pour prendre sa place.