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Le charivari — 60.1891

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245


LA DERNIÈRE COUPURE D’ÀNASTASIE
Ne faites pas aux autres ce que vous ne voudriez pas.

I-ARO OHBFOIÏC AD3S

Le parquet vient d’interjeter appel a minirna dans
l’affaire de ces parents immondes qui martyrisaient
leur fillette.

Je voudrais bien dire, à ce propos, ce que j’ai sur
le cœur, et j’en ai gros.

Nulle part, je crois, plus qu’en France, on ne pose
P°ur l’amour des enfants. Tous nos poètes ont exécuté
variations brillantes sur le thème du debetur
Puero reverentia; le théâtre a usé et abusé des tar-
des sentimentales sur le roi Bébé; on a débité, en
l’honneur de l’enfance, cent mille tirades plus pures
^intentions que de style.

Jo veux bien que ces attendrissements en com-
mandite aient un fonds de roulement de sincérité; je
Veux bien qu’on ait foi dans des sensibleries qui cir-
aient comme une monnaie courante.

Niais moins de paroles et plus d’actes feraient
mieux mon affaire, et surtout celle des pauvres vic-
ies qui, par centaines, souffrent autour de nous,
sans que nous ayons l’air de nous en apercevoir.

Je ne parle pas du grand et lamentable problème
ffui s’appelle le travail des enfants; je ne veux pas

sonder aujourd’hui cette plaie toujours saignante.

Mais sans aller chercher si loin, dans ce Paris
« plein d’or, de misères », nous sommes chaque
jour les témoins insouciants de crimes odieux.

On a installé, depuis quelques années, une multi-
tude de Sociétés protectrices. Il y en a pour tous
les goûts. Chaque animal aura bientôt la sienne. Si
vous vous permettez de marcher avec prémédita-
tion sur la patte d’un chien, la loi Grammont est
toute prête à intervenir, et je ne l’en blâme pas, le
chien étant une brave bête que j’estime fort. Si vous
battez un cheval, un agent de police se précipite im-
médiatement.

Encore une fois, je suis prêt à applaudir à ces
institutions ultra-sentimentales. Je ne demande pas
mieux que l’on couvre d’une sympathie tutélaire les
caniches,les matous, les serins, les perroquets, les
grenouilles, les escargots et toute la gent anim ale
de plume ou de poil, terrestre ou aquatique. Mais
c’est à condition qu’on n’oubliera pas l’homme.
Etant un animal aussi, ses petits ont le droit, ne
fût-ce qu’à ce titre, d’être un brin sauvegardés.

C’est de la vie privée, me direz-vous.

Comme si tous les jours, sous les prétextes les
plus divers, l’autorité n’escaladait pas le mur de
cette vie-là pour regarder ce qui se passe derrière.

Nous avons, par exemple, le bonheur de posséder
une commission dite des logements insalubres. A
voir dans quels chenils certains propriétaires con- !
tinuent à faire pourrir leurs locataires, il est permis

de supposer que la commission en question a de
bien vastes tolérances. Mais enfin, elle existe et
rend quelques services, sans doute. Pourquoi n’y
aurait-il pas une commission des éducations insa-
lubres aussi? Pourquoi, quand des parents se méta-
morphosent en bourreaux, l’intervention ne serait-
elle pas immédiate?

Je me rappelle qu’il y a quelque temps, on jugeait
un autre gredin qui avait fait mourir sa fille en la
martyrisant; le président, en l’interrogeant, constata
qu’il avait été déjà trois fois condamné comme char-
retier brutal. La loi lui avait donc arraché des
mains ses chevaux, mais elle lui avait laissé son
enfant.

D’ailleurs, vous pouvez, presque tous les jours,
vous rendre compte par vous-même de l’agréable
différence que l’habitude a établie sur ce point. Pro-
menez-vous dans un quartier populeux : vous verrez
des mégères et des brutes administrer, en pleine
rue, les plus épouvantables corrections à leurs mio-
ches, sans que les passants et les voisins détour-
nent la tête. Ils la retourneraient plutôt pour jouir du
coup d’œil. Qu’au contraire, un roquet pousse des
cris plaintifs, il y aura sur-le-champ émoi parmi les
commères, qui ne comprennent décidément que l’at-
tendrissement à quatre pattes.

Trêve d’hypocrisies ou trêve de vilenies! Si nous
aimons les enfants, prouvons-le ; si nous ne les ai-
mons pas, disons-le.

UN PHILOSOPHE.
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