LE CHARIVARI
J’entendis bien des fois revenir ce propos :
— C’est M. Ratazzi, premier ministre d’Italie.
Comment a-t-il fait ce mariage inattendu?
Et l’on se montrait, debout près de la table de
jeu, derrière Mme Ratazzi qui suivait la partie
lorgnon à la main, un grand monsieur, très mai-
gre, très pâle, d’aspect cassé, sur qui semblait
peser un énorme ennui ou un incurable regret.
Rien dans la physionomie qui annonçât
l’homme d’élite.
Plutôt quelque chose de piteux et d’épuisé.
Il pointait docilement les coups de trente-et-
quarante sur une carte; dès que sa femme faisait
un mouvement, d’un geste machinal, avec un au-
tomatique empressement, il se hâtait de tendre
le papier indicateur.
Mme Ratazzi jetait un coup d’œil sur la marche
du jeu, et reprenait sa partie avec une indiffé-
rence complète de celui qui lui servait de re-
gistre.
r^jn
Ui\i
Doxic, c’était là un homme qui avait eu entre les
mains les destinées d’un peuple 1
Un homme dont les échos avaient, dans toutes
les langues, redit les exploits oratoires et vanté
le haut talent 1
Ft cet homme, volontairement, s’était réduit au
rôle qui lui était attribué devant la rouge et la
noire, sans que, sous le coup des ironiques curio-
sités, il eût envie de déserter ce poste bizarre !
Quelle domination n’avait-il pas fallu que la
compagne hardiment choisie exerçât sur savolonté
pour qu’il se résignât à cette figuration cruelle !
Amour, amour, quand tu nous tiens ! ..
Et ce ne devait pas être l’ultime conquête.
M. Ratazzi succombait peu après. Une dizaine
d’années plus tard, un troisième mari, également
subjugué, prenait sa^place.
«M/"»
Il est mort, lui aussi, aujourd’hui. Et si, de l’au-
tre monde, il a pu suivre les phases] du procès
actuel, peut-être n’a-t-il pas regretté d’être parti
pour les régions plus sereines.
C’était un grand et solide Espagnol que l’hono-
rable M. de Rute.
L’air d’un très doux, très dévoué et très galant
homme, — mais avec la même passivité que son
devancier.
On le sentait maîtrisé par la même main, do-
cile au même regard, bien que le temps eût sin-
gulièrement éteint l’éclat de ce regard-là.
Le voilà, le problème curieux et compliqué.
Comment ? Pourquoi ?
D’où venait cette puissance qui tenait en escla-
vage des hommes ayant chacun une importance,
une notoriété, une valeur ?
On discuterait longtemps à ce propos sans pou-
voir pénétrer les dessous de ce magnétisme dé-
concertant.
Bien d’autres ont cherché, et ce fut un sujet de
conversation renouvelé à chaque apparition de
celle qui subjuguait et de celui qui était subju-
gué.
Messieurs les romanciers modernistes, vous
qui vous piquez d’aller plus au fond des choses,
répondez donc!
Monsieur Bourget, quelle belle occasion d’écrire
un pendant à Cruelle énigme !
FRANCILLON.
t AU© OHBFOITC! ADSS
Vous rappelez-vous ?
C’était au lendemain de la guerre. De toutes
les poitrines sortait un seul cri, et ce seul cri
disait : Régénération! Régénération!
On y ajoutait de longs commentaires sur la
pourriture impériale, sur la dépravation morale
qui avait amené l’affaiblissement matériel et la
défaite finale.
Sur quoi, tout le monde de reprendre en
chœur : Régénération! Régénération!
Il y a vingt ans de cela. Vous plaît-il de re-
garder où en sont les régénérés ?
Une pièce de conviction s’offre fort à propos.
C’est le programme d’une représentation donnée
ce soir même au Théâtre-Réaliste, un de ceux
qui ont la prétention de prendre la tête du mou-
vement intellectuel et qui doivent, par consé-
quent, contribuer le plus à nous relever.
On y joue quoi ? Une pièce intitulée : La Pros-
tituée. Une autre pièce intitulée : L'Avortement.
Comme on voit tout de suite, rien que dans ces
titres, poindre la fameuse régénération !
Mais le titre n’est pas seul à promettre. Une
alléchante réclame a fait savoir aux amateurs
que, ce soir, ils pourraient assister, le rideau levé,
à une scène cle possession mimée éloquemment
devant le public ; que, d’autre part, ce même pu-
blic serait ingénieusement initié aux secrets inti-
mes et pratiques des manœuvres abortives.
La voilà, la réponse à cette question: « Sommes-
nous régénérés? » Tels sont les résultats obte-
nus.
Et tout porte à croire qu’on ne s’en tiendra pas
là. Ce n’est qu’une entrée de jeu.
Toujours à seule fin de nous remonter dans
l’estime des nations, le théâtre novateur nous tient
en réserve bien d’autres sublimités. Bientôt on ne
nous cachera plus rien, rien, rien. Nous verrons,
joie suprême, l’héroïne de la pièce entrer dans
leswater-closets,où elle exécutera sans contrainte
ni réserve ce que l’on appellera peut-être la
scène de dépossession. Pas un détail n’y man-
quera, pas un bruit, pas un parfum. Il faut être
réaliste ou ne pas l’être.
Que d’autres révélations encore seront offertes
à notre admiration éclairée et éclairante !
Un acte d’un prochain drame vécu se passera
à l’hôpital du Midi, heure de la visite, et il y aura
surabondance de documents humains.
L’autre acte, pour qu’il n’y ait pas de jalousie
entre les deux sexes, se déroulera à l’hôpital de
Lourcine. Même heure de la visite. Même luxe
documentaire.
Le sentez-vous, maintenant, qu’on est entré
dans l’ère .régénératrice? Le sentez-vous?
UN PHILOSOPHE.
EXTRAIT D’A.BS1NTHX SUPKRMÆURM
GrEMPP PERNOD
G-III&N OliETvérïtabl®, COINTREAUd’ANGERS
BOURG-UÏCtNO N, pu.issa.nt digestif*
à base d’ale ool vieux pur de vin
SIMON aîné, CHALON -sur-SAONE
CHRQIIQUE DU JOUR
L’Europe fera bien de ne pas négliger la Chine,
cette menaçante agglomération d’hommes, qu’un
politicien français mal inspiré a naguère traitée de
« quantité négligeable ».
Les petits Chinois de l’œuvre de la Sainte-Enfance,
devenus grands, se remuent comme des diables
dans un bénitier.
Et ils n’ont pas précisément l’air de nous avoir en
odeur de sainteté, ces jaunes sujets du Fils du So-
leil.
Il se pourrait bien qu’un de ces jours, l’Empire du
Milieu se portât, vis-à-vis de la face blanche, à de
fâcheuses extrémités.
A Shanghaï, on a fait des perquisitions dans six
boutiques de prêteurs sur gages (une concurrence
déloyale à notre Mont-de-Piôté).
Or, chez chacun de ces banquiers de bas étage
(puisqu’ils opéraientau rez-de-chaussée), on a trouvé
des livres excitant au massacre des étrangers.
Européens, mes frères (bien que nous ne soyons
pas tous cousins), nous aurions grand tort de pren-
dre ça pour des gages de tendresse.
Connaissiez-vous Césarine Poirot?
Non, probablement.
Eh bien, je vous en félicite, car ladite Césarine n’é-
tait pas ce qu’on peut appeler une bonne connais-
sance.
Elle était même tellement mauvaise, que le chif-
fonnier qui vivait avec elle a failli en mourir, à la
suite d’un coup de bouteille que sa douce moitié
d’occasion lui a asséné de la façon la plus crâne,
c’est-à-dire sur la tète.
Si la bouteille était vide, la femme était plus que
complète. Il paraît, d’ailleurs, que c’est chez elle une
habitude invétérée, et qu’elle a constamment mal aux
cheveux, à ses cheveux gris.
Cependant, Césarine n’a pas toujours vécu aux
crochets d’un biffin. Avant de dégringoler jusqu’au
bas-fond de la hotte, elle a connu les douceurs de la
« haute ». Avant d’être une personne de très mau-
vaise compagnie, elle a été dame de compagnie chez
un maréchal de France.
Mais voilà, il n’est si bonne dame de compagnie
qu’on ne cuite, et Césarine Poirot est devenue Césa-
rine Poivrot.
Tout arrive.
Le Collège de France, dont un ministre de l’ins-
truction publique de l’ordre moral, le fameux M. de
Cumont, qu'on désignait couramment par cette péri-
phrase « la charrue avant les bœufs », demandait à
visiter les dortoirs, le Collège de France, faute de
mieux, vient de rouvrir ses cours.
Dans le petit programme qui accompagnait l’an-
nonce de cette petite fête universitaire, je vois que
les personnes qui le désireront pourront obtenir un
certificat de présence aux leçons de MM. les profes-
seurs.
Attendons-nous donc, au prochain Jour de l’An, à
recevoir quelques cartes de visite ainsi libellées :
PIERRE, PAUL, ou JACQUES
Auditeur au Collège de France.
Et le conseil d’Etat va en rager, ô Institut Pas-
teur!
Quand on fête des centenaires, on n’en saurait trop
fêter.
Ç’a été le tour, dernièrement, du centième anni-
versaire de la mort de Mozart.
A ce propos, on nous a appris ou rappelé que le
jeune Woifang-Chrysostôme Mozart, qui pianotait
déjà sur le coup de la troisième année, — un vir-
tuose au biberon, quoi! — avait, dès l’âge de six ans,
composé un concerto pour violon.
A six ans, bone Deus!
Voilà, en effet, ce qu’on peut appeler un concert
tôt !
Petit dictionnaire de Charenton :
SÉNATEUR. — Curulard.
Bêtisiana.
Entre artistes instrumentistes.
— Tiens ! voilà ton affaire, à toi qui joue si bien
de la trompe de chasse. On ouvre un concours pour
un emploi de cor à l’orchestre de l’Opéra.
-Laisse-moi donc tranquille ! Je les connaisseurs
concours. Le talent, ça ne suffit pas ; faut des pro-
tections, des démarches, un tas de salamalecs...
Bref, pour une pauvre petite place de cor, je devrais
me mettre aux pieds de tout le monde !
L’esprit des rues.
Deuxjeunes apprentis en rupture d’atelier regar-
dent, sur le coup de midi, heure du déjeuner, une
noce qui sort de l’église.
La mariée marche timidement, rougissante sous
sa blanche fleur d’oranger, les paupières baissées,
ainsi qu’il sied à une jeune épouse bien pensante.
— Oh! là là, Gugusse, s’écrie Gavroche ; pige-moi
un peu cette sainte Nitouche. Dirait-on pas que c’est
ce soir qu’elle va faire sa première communion I
Henri Second.
BOURSE-EXPRESS
On est morne. Bien décidément, le marché est
tombé dans un état comateux dont il ne paraît pas
vouloir sortir de sitôt. Les affaires sont d’une nul-
lité absolue, non seulement à Paris, mais sur toutes
les places étrangères de quelque importance.
Cela ne changera que lorsque les marchés du de-
hors s’occuperont de leur liquidation de fin de mois,
ce qui ne tardera guère, du reste. Alors, il faudra
pourtant bien qu’on s’occupe de régler les comptes ;
et peut-être que ça donnera un peu de mouvement
aux cours.
Mais vous savez,je n’en jurerais pas. En attendant,
on maintient à peu près les cours.
Castorine.
Le Directeur-Gérant, Pierre Véron.
Paria. — Alcan-Lévy, Imprimeur breveté, 24, roe Chaachat.
J’entendis bien des fois revenir ce propos :
— C’est M. Ratazzi, premier ministre d’Italie.
Comment a-t-il fait ce mariage inattendu?
Et l’on se montrait, debout près de la table de
jeu, derrière Mme Ratazzi qui suivait la partie
lorgnon à la main, un grand monsieur, très mai-
gre, très pâle, d’aspect cassé, sur qui semblait
peser un énorme ennui ou un incurable regret.
Rien dans la physionomie qui annonçât
l’homme d’élite.
Plutôt quelque chose de piteux et d’épuisé.
Il pointait docilement les coups de trente-et-
quarante sur une carte; dès que sa femme faisait
un mouvement, d’un geste machinal, avec un au-
tomatique empressement, il se hâtait de tendre
le papier indicateur.
Mme Ratazzi jetait un coup d’œil sur la marche
du jeu, et reprenait sa partie avec une indiffé-
rence complète de celui qui lui servait de re-
gistre.
r^jn
Ui\i
Doxic, c’était là un homme qui avait eu entre les
mains les destinées d’un peuple 1
Un homme dont les échos avaient, dans toutes
les langues, redit les exploits oratoires et vanté
le haut talent 1
Ft cet homme, volontairement, s’était réduit au
rôle qui lui était attribué devant la rouge et la
noire, sans que, sous le coup des ironiques curio-
sités, il eût envie de déserter ce poste bizarre !
Quelle domination n’avait-il pas fallu que la
compagne hardiment choisie exerçât sur savolonté
pour qu’il se résignât à cette figuration cruelle !
Amour, amour, quand tu nous tiens ! ..
Et ce ne devait pas être l’ultime conquête.
M. Ratazzi succombait peu après. Une dizaine
d’années plus tard, un troisième mari, également
subjugué, prenait sa^place.
«M/"»
Il est mort, lui aussi, aujourd’hui. Et si, de l’au-
tre monde, il a pu suivre les phases] du procès
actuel, peut-être n’a-t-il pas regretté d’être parti
pour les régions plus sereines.
C’était un grand et solide Espagnol que l’hono-
rable M. de Rute.
L’air d’un très doux, très dévoué et très galant
homme, — mais avec la même passivité que son
devancier.
On le sentait maîtrisé par la même main, do-
cile au même regard, bien que le temps eût sin-
gulièrement éteint l’éclat de ce regard-là.
Le voilà, le problème curieux et compliqué.
Comment ? Pourquoi ?
D’où venait cette puissance qui tenait en escla-
vage des hommes ayant chacun une importance,
une notoriété, une valeur ?
On discuterait longtemps à ce propos sans pou-
voir pénétrer les dessous de ce magnétisme dé-
concertant.
Bien d’autres ont cherché, et ce fut un sujet de
conversation renouvelé à chaque apparition de
celle qui subjuguait et de celui qui était subju-
gué.
Messieurs les romanciers modernistes, vous
qui vous piquez d’aller plus au fond des choses,
répondez donc!
Monsieur Bourget, quelle belle occasion d’écrire
un pendant à Cruelle énigme !
FRANCILLON.
t AU© OHBFOITC! ADSS
Vous rappelez-vous ?
C’était au lendemain de la guerre. De toutes
les poitrines sortait un seul cri, et ce seul cri
disait : Régénération! Régénération!
On y ajoutait de longs commentaires sur la
pourriture impériale, sur la dépravation morale
qui avait amené l’affaiblissement matériel et la
défaite finale.
Sur quoi, tout le monde de reprendre en
chœur : Régénération! Régénération!
Il y a vingt ans de cela. Vous plaît-il de re-
garder où en sont les régénérés ?
Une pièce de conviction s’offre fort à propos.
C’est le programme d’une représentation donnée
ce soir même au Théâtre-Réaliste, un de ceux
qui ont la prétention de prendre la tête du mou-
vement intellectuel et qui doivent, par consé-
quent, contribuer le plus à nous relever.
On y joue quoi ? Une pièce intitulée : La Pros-
tituée. Une autre pièce intitulée : L'Avortement.
Comme on voit tout de suite, rien que dans ces
titres, poindre la fameuse régénération !
Mais le titre n’est pas seul à promettre. Une
alléchante réclame a fait savoir aux amateurs
que, ce soir, ils pourraient assister, le rideau levé,
à une scène cle possession mimée éloquemment
devant le public ; que, d’autre part, ce même pu-
blic serait ingénieusement initié aux secrets inti-
mes et pratiques des manœuvres abortives.
La voilà, la réponse à cette question: « Sommes-
nous régénérés? » Tels sont les résultats obte-
nus.
Et tout porte à croire qu’on ne s’en tiendra pas
là. Ce n’est qu’une entrée de jeu.
Toujours à seule fin de nous remonter dans
l’estime des nations, le théâtre novateur nous tient
en réserve bien d’autres sublimités. Bientôt on ne
nous cachera plus rien, rien, rien. Nous verrons,
joie suprême, l’héroïne de la pièce entrer dans
leswater-closets,où elle exécutera sans contrainte
ni réserve ce que l’on appellera peut-être la
scène de dépossession. Pas un détail n’y man-
quera, pas un bruit, pas un parfum. Il faut être
réaliste ou ne pas l’être.
Que d’autres révélations encore seront offertes
à notre admiration éclairée et éclairante !
Un acte d’un prochain drame vécu se passera
à l’hôpital du Midi, heure de la visite, et il y aura
surabondance de documents humains.
L’autre acte, pour qu’il n’y ait pas de jalousie
entre les deux sexes, se déroulera à l’hôpital de
Lourcine. Même heure de la visite. Même luxe
documentaire.
Le sentez-vous, maintenant, qu’on est entré
dans l’ère .régénératrice? Le sentez-vous?
UN PHILOSOPHE.
EXTRAIT D’A.BS1NTHX SUPKRMÆURM
GrEMPP PERNOD
G-III&N OliETvérïtabl®, COINTREAUd’ANGERS
BOURG-UÏCtNO N, pu.issa.nt digestif*
à base d’ale ool vieux pur de vin
SIMON aîné, CHALON -sur-SAONE
CHRQIIQUE DU JOUR
L’Europe fera bien de ne pas négliger la Chine,
cette menaçante agglomération d’hommes, qu’un
politicien français mal inspiré a naguère traitée de
« quantité négligeable ».
Les petits Chinois de l’œuvre de la Sainte-Enfance,
devenus grands, se remuent comme des diables
dans un bénitier.
Et ils n’ont pas précisément l’air de nous avoir en
odeur de sainteté, ces jaunes sujets du Fils du So-
leil.
Il se pourrait bien qu’un de ces jours, l’Empire du
Milieu se portât, vis-à-vis de la face blanche, à de
fâcheuses extrémités.
A Shanghaï, on a fait des perquisitions dans six
boutiques de prêteurs sur gages (une concurrence
déloyale à notre Mont-de-Piôté).
Or, chez chacun de ces banquiers de bas étage
(puisqu’ils opéraientau rez-de-chaussée), on a trouvé
des livres excitant au massacre des étrangers.
Européens, mes frères (bien que nous ne soyons
pas tous cousins), nous aurions grand tort de pren-
dre ça pour des gages de tendresse.
Connaissiez-vous Césarine Poirot?
Non, probablement.
Eh bien, je vous en félicite, car ladite Césarine n’é-
tait pas ce qu’on peut appeler une bonne connais-
sance.
Elle était même tellement mauvaise, que le chif-
fonnier qui vivait avec elle a failli en mourir, à la
suite d’un coup de bouteille que sa douce moitié
d’occasion lui a asséné de la façon la plus crâne,
c’est-à-dire sur la tète.
Si la bouteille était vide, la femme était plus que
complète. Il paraît, d’ailleurs, que c’est chez elle une
habitude invétérée, et qu’elle a constamment mal aux
cheveux, à ses cheveux gris.
Cependant, Césarine n’a pas toujours vécu aux
crochets d’un biffin. Avant de dégringoler jusqu’au
bas-fond de la hotte, elle a connu les douceurs de la
« haute ». Avant d’être une personne de très mau-
vaise compagnie, elle a été dame de compagnie chez
un maréchal de France.
Mais voilà, il n’est si bonne dame de compagnie
qu’on ne cuite, et Césarine Poirot est devenue Césa-
rine Poivrot.
Tout arrive.
Le Collège de France, dont un ministre de l’ins-
truction publique de l’ordre moral, le fameux M. de
Cumont, qu'on désignait couramment par cette péri-
phrase « la charrue avant les bœufs », demandait à
visiter les dortoirs, le Collège de France, faute de
mieux, vient de rouvrir ses cours.
Dans le petit programme qui accompagnait l’an-
nonce de cette petite fête universitaire, je vois que
les personnes qui le désireront pourront obtenir un
certificat de présence aux leçons de MM. les profes-
seurs.
Attendons-nous donc, au prochain Jour de l’An, à
recevoir quelques cartes de visite ainsi libellées :
PIERRE, PAUL, ou JACQUES
Auditeur au Collège de France.
Et le conseil d’Etat va en rager, ô Institut Pas-
teur!
Quand on fête des centenaires, on n’en saurait trop
fêter.
Ç’a été le tour, dernièrement, du centième anni-
versaire de la mort de Mozart.
A ce propos, on nous a appris ou rappelé que le
jeune Woifang-Chrysostôme Mozart, qui pianotait
déjà sur le coup de la troisième année, — un vir-
tuose au biberon, quoi! — avait, dès l’âge de six ans,
composé un concerto pour violon.
A six ans, bone Deus!
Voilà, en effet, ce qu’on peut appeler un concert
tôt !
Petit dictionnaire de Charenton :
SÉNATEUR. — Curulard.
Bêtisiana.
Entre artistes instrumentistes.
— Tiens ! voilà ton affaire, à toi qui joue si bien
de la trompe de chasse. On ouvre un concours pour
un emploi de cor à l’orchestre de l’Opéra.
-Laisse-moi donc tranquille ! Je les connaisseurs
concours. Le talent, ça ne suffit pas ; faut des pro-
tections, des démarches, un tas de salamalecs...
Bref, pour une pauvre petite place de cor, je devrais
me mettre aux pieds de tout le monde !
L’esprit des rues.
Deuxjeunes apprentis en rupture d’atelier regar-
dent, sur le coup de midi, heure du déjeuner, une
noce qui sort de l’église.
La mariée marche timidement, rougissante sous
sa blanche fleur d’oranger, les paupières baissées,
ainsi qu’il sied à une jeune épouse bien pensante.
— Oh! là là, Gugusse, s’écrie Gavroche ; pige-moi
un peu cette sainte Nitouche. Dirait-on pas que c’est
ce soir qu’elle va faire sa première communion I
Henri Second.
BOURSE-EXPRESS
On est morne. Bien décidément, le marché est
tombé dans un état comateux dont il ne paraît pas
vouloir sortir de sitôt. Les affaires sont d’une nul-
lité absolue, non seulement à Paris, mais sur toutes
les places étrangères de quelque importance.
Cela ne changera que lorsque les marchés du de-
hors s’occuperont de leur liquidation de fin de mois,
ce qui ne tardera guère, du reste. Alors, il faudra
pourtant bien qu’on s’occupe de régler les comptes ;
et peut-être que ça donnera un peu de mouvement
aux cours.
Mais vous savez,je n’en jurerais pas. En attendant,
on maintient à peu près les cours.
Castorine.
Le Directeur-Gérant, Pierre Véron.
Paria. — Alcan-Lévy, Imprimeur breveté, 24, roe Chaachat.