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— Eh bien, voulez-vous que je vous dise, mon petit? Je connais Madame... Moi, à votre
place, je tâcherais de trouver autre chose pour ses étrennes.
LE CARNET D’EN ACTEÀLISTË
Coup de balai.
J’ose espérer qu’il ne se trouvera pas un seul jour-
nal pour prétendre que la liberté est violentée par
les poursuites intentées au Théâtre-Réaliste et à ses
incongruités scandaleuses.
Y a-t-il un dictionnaire français, par hasard, pour
prétendre que liberté et obscénité sont synonymes?
Pas bégueule! Et je m’en vante. J’adore le bon rire.
Je dirais le rire gaulois, si la formule n’avait été usée
et ridiculisée par la consommation abusive qu’en
ont faite les clichés des phraseurs.
Le moyen pourtant de ne pas être nauséabondé
par les malpropretés qui s’étalent autour de nous?
En vérité, l’étranger qui se promène à travers le
Paris actuel doit emporter d’une promenade à tra-
| vers nos mœurs une idée bien rabaissante pour
nous.
Après ce qu’on lit, ce qu’on écoute. Je suppose que
notre étranger s’en aille, le soir, dans certains cafés
à musique.
Il s’asseoit et regarde.
, Le public d’abord.
Public mêlé, — mais, par dessus tout, bourgeois.
Déjà la promiscuité l’abasourdit, — surtout s’il
n’est pas venu visiter la capitale depuis quelques
années.
Il voit autour de lui des cascadeuses de toute caté-
gorie, assises pêle-mêle àcôté de bons Prudhommes,
de leurs épouses et de leurs rejetons féminins.
Que viennent donc déguster en commun ces per-
sonnalités si singulièrement entre-croisées ?
L’étranger est tout oreilles, après avoir été tout
yeux.
Je passe sur l’ineptie professionnelle des scies à la
mode. L’ineptie n’est rien en comparaison du reste.
Mon étranger se contente de hausser les épaules
et de penser :
-Est-ce que, par hasard, il faudra dire bientôt :
La bêtise française, comme on disait jadis : L'esprit
français ?
Ce n’est qu’un prélude. Un monsieur qui répond
au nom de comique, — lui seul est de cet avis, hélas !
sur cette appréciation de son absence de talent,—
un monsieur arrive en scène, grimaçant et mono-
corde.
Il ouvre la bouche.
Non! mon étranger s’imagine qu’il n’a pas bien en-
tendu. La suite lui démontre qu’il ne s’était pas
trompé.
On n’y simule pas encore l’acte de possession ou
l’avortement. Mais, dans une chanson qui provoque
des spasmes d’hilarité convulsée, il n’est question
que de... que du... que de la...
Savez-vous bien que je ne trouve pas de moyen
décent pour mettre les lecteurs, et surtout les lec-
trices, au courant de cette élucubration qui fait dé-
lirer les papas, les mamans et les demoiselles de la
bourgeoisie?
Il s’agit d’une chose qui, sur les murs et dans les
réclames médicales, prend la qualification de secrète.
Ce secret ne paraît avoir rien de mystérieux pour
l’auditoire, — pas plus au masculin qu’au féminin, —
car les joies redoublent quand le comique (c’est tou-
jours lui qui se dénomme ainsi) insiste sur des dé-
tails, dont à l’hôpital du Midi, on pourrait apprécier
l’exactitude technique.
Mon Dieu! oui, on en est là.
On en est à mettre en couplets des affections...
qui n’ont rien de commun avec les peines de cœur.
Et pas un sifflet ne se fait entendre, protestant au
nom de la salubrité.
On a l’air de trouver ça tout naturel, charmant, —
instructif peut-être.
La mère, un de ces jours, en prescrira l’audition à
sa fille.
C’est simplement honteux, cette décadence de la
pudeur publique. Honteux sans excuse.
Dieu sait si la censure nous a toujours paru faire
une bête de besogne !
Mais les immondices appellent le balai, pourtant.
On croirait, ma parole, qu’il y a des gens intéres-
sés à rendre impossible la pratique de la liberté.
Méfions-nous. Le jour où la République sanction-
nerait définitivement le droit à l’ordure, nous serions
sûrs d’avoir bientôt perdu tous nos autres droits.
QUIVALA.
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— Eh bien, voulez-vous que je vous dise, mon petit? Je connais Madame... Moi, à votre
place, je tâcherais de trouver autre chose pour ses étrennes.
LE CARNET D’EN ACTEÀLISTË
Coup de balai.
J’ose espérer qu’il ne se trouvera pas un seul jour-
nal pour prétendre que la liberté est violentée par
les poursuites intentées au Théâtre-Réaliste et à ses
incongruités scandaleuses.
Y a-t-il un dictionnaire français, par hasard, pour
prétendre que liberté et obscénité sont synonymes?
Pas bégueule! Et je m’en vante. J’adore le bon rire.
Je dirais le rire gaulois, si la formule n’avait été usée
et ridiculisée par la consommation abusive qu’en
ont faite les clichés des phraseurs.
Le moyen pourtant de ne pas être nauséabondé
par les malpropretés qui s’étalent autour de nous?
En vérité, l’étranger qui se promène à travers le
Paris actuel doit emporter d’une promenade à tra-
| vers nos mœurs une idée bien rabaissante pour
nous.
Après ce qu’on lit, ce qu’on écoute. Je suppose que
notre étranger s’en aille, le soir, dans certains cafés
à musique.
Il s’asseoit et regarde.
, Le public d’abord.
Public mêlé, — mais, par dessus tout, bourgeois.
Déjà la promiscuité l’abasourdit, — surtout s’il
n’est pas venu visiter la capitale depuis quelques
années.
Il voit autour de lui des cascadeuses de toute caté-
gorie, assises pêle-mêle àcôté de bons Prudhommes,
de leurs épouses et de leurs rejetons féminins.
Que viennent donc déguster en commun ces per-
sonnalités si singulièrement entre-croisées ?
L’étranger est tout oreilles, après avoir été tout
yeux.
Je passe sur l’ineptie professionnelle des scies à la
mode. L’ineptie n’est rien en comparaison du reste.
Mon étranger se contente de hausser les épaules
et de penser :
-Est-ce que, par hasard, il faudra dire bientôt :
La bêtise française, comme on disait jadis : L'esprit
français ?
Ce n’est qu’un prélude. Un monsieur qui répond
au nom de comique, — lui seul est de cet avis, hélas !
sur cette appréciation de son absence de talent,—
un monsieur arrive en scène, grimaçant et mono-
corde.
Il ouvre la bouche.
Non! mon étranger s’imagine qu’il n’a pas bien en-
tendu. La suite lui démontre qu’il ne s’était pas
trompé.
On n’y simule pas encore l’acte de possession ou
l’avortement. Mais, dans une chanson qui provoque
des spasmes d’hilarité convulsée, il n’est question
que de... que du... que de la...
Savez-vous bien que je ne trouve pas de moyen
décent pour mettre les lecteurs, et surtout les lec-
trices, au courant de cette élucubration qui fait dé-
lirer les papas, les mamans et les demoiselles de la
bourgeoisie?
Il s’agit d’une chose qui, sur les murs et dans les
réclames médicales, prend la qualification de secrète.
Ce secret ne paraît avoir rien de mystérieux pour
l’auditoire, — pas plus au masculin qu’au féminin, —
car les joies redoublent quand le comique (c’est tou-
jours lui qui se dénomme ainsi) insiste sur des dé-
tails, dont à l’hôpital du Midi, on pourrait apprécier
l’exactitude technique.
Mon Dieu! oui, on en est là.
On en est à mettre en couplets des affections...
qui n’ont rien de commun avec les peines de cœur.
Et pas un sifflet ne se fait entendre, protestant au
nom de la salubrité.
On a l’air de trouver ça tout naturel, charmant, —
instructif peut-être.
La mère, un de ces jours, en prescrira l’audition à
sa fille.
C’est simplement honteux, cette décadence de la
pudeur publique. Honteux sans excuse.
Dieu sait si la censure nous a toujours paru faire
une bête de besogne !
Mais les immondices appellent le balai, pourtant.
On croirait, ma parole, qu’il y a des gens intéres-
sés à rendre impossible la pratique de la liberté.
Méfions-nous. Le jour où la République sanction-
nerait définitivement le droit à l’ordure, nous serions
sûrs d’avoir bientôt perdu tous nos autres droits.
QUIVALA.