Delisle, Léopold: Etudes sur la condition de la classe agricole et l'état de l'agriculture en Normandie au moyen âge (Evreux, 1851)

CHAPITRE VI.

DES ATFRANCHISSEMEJHTS ET DES COMMDNAUTES

Une verite, qui se presente sans cesse a la pensee du
theologien, du philosophe et de l’historien, c’est que
l’homme, toujours mecontent de son sort, soupire sans
relache apres une condition meilleure. Cette aspiration
vers un progres reel ou imaginaire est un puissant mo-
bile, dont il suit aveuglement 1’impulsion. Cette loi est
de tous les temps : le moven age en subissait done I’in-
lluence,tout aussi bien que les siecles modernes. Le
paysan de ces epoques reculees n’etait guere plus satis-
fait de sa condition que l’ouvrier de nos jours ne Test
de la sienne. Tous ses efforts tendirent a se rendre la
vie plus facile, et a leguer k sa posterity des charges
moins lourdes que celles qu’il avait recues de son pere.
Souvent il fut recompense par le succes. Et c’etait jus-
tice : car rarement il employait d’autres moyens que le
travail et la perseverance.
Dans l’origine il n’en avait peut-etre pas ete ainsi.
Sous le due Richard II, les paysans normands s’insur-
gerent contre leurs seigneurs, et voulurent secouer le
joug. Le trouvere Wace a raconte cette revolte dans des
vers pleins d’interet. Bien qu’ils soient generalement
connus, nous n’avons pas cru pouvoir nous dispenser
de les rapporter. Les plaintes que le poele a mises dans