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Le dessin à l'école et dans la famille: revue d'éducation esthétique — 1.1922/​1923

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[octobre 1922]
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https://doi.org/10.11588/diglit.43073#0022
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là toute une nichée. Patience ! Bonne aubaine
pour notre chasse au furet ! x> Il s’éloigna.
— « Notre chasse au furet ? » Qu’est-ce que
cette menace nous présage de nouveaux dan-
gers ! Je compris trois jours plus tard. — Quels
souvenirs et quelle émotion ! Que Pataud était
donc bon enfant auprès de ces méchants petits
animaux souples et silencieux et combien altérés
de notre sang !
Pour le moment, tout à notre joie de la paix
retrouvée nous accablions de caresses notre
bonne mère dont le bonheur rayonnait si visi-
blement. Quelle angoisse, pour le cœur d’une
mère, que le péril de ses enfants !
La nuit fut calme. Au petit jour, avec mille
précautions, notre mère explora les abords du
terrier. Trois coups vigoureux de ses pattes de
derrière sur le sol, nous appelèrent au dehors.
Quel réveil délicieux après l’alerte de la nuit !
Combien l’air frais, embaumé des mille senteurs
du sous-bois, nous semblait agréable ! Quelles
gambades sur les pelouses emperlées de rosée !
Quelle course folle vers la prairie qui étendait
devant le château son moelleux tapis d’herbe
drue ! L’aube naissante nous révélait mille beau-
tés et toute une symphonie de couleurs. Les
hampes des graminées balançaient leurs pana-
ches au moindre souffle ; les marguerites aux
collerettes blanches frangées de rose, à côté
des véroniques aux fleurettes d’azur, émaillaient
l’émeraude du pré. Plus loin l’étang nous of-
frait sa tentation. Nous y courûmes.
Une lumière plus vive s’accrochait, sur la
face glauque des eaux, aux feuilles d’un vert
clair des nénuphars aux fleurs de nacre. Les
poules d’eau s’éveillaient au milieu des roseaux
et, gracieuses nacelles, traçaient avec aisance
leur sillage discret sur la nappe tranquille de
l’étang. La fauvette gazouillait déjà parmi les

joncs et bientôt le rougeoiement du ciel fut le
signal d’un concert. De tous les arbres, de tous
les arbustes, de toutes les touffes de noisetiers
qui bordent l’étang, des voix s’élevaient, de
plus en plus nombreuses, de plus en plus ani-
mées. La huppe que notre mère me désigna,
jetait à travers ce joli tumulte son appel mys-
térieux ; le roitelet babillait et voletait comme
en délire de ce renouveau de la lumière ; le pin-
son égrenait ses trilles, et le loriot redisait sa
chanson alerte et singulière.
Plus loin les geais se chamaillaient en ba-
vardant et là, tout près de nous, perché sur
une branche morte, à fleur d’eau, le martin-
pêcheur, en habit splendide, guettait sa proie.
Malheur au petit poisson trop confiant qui
s’aventurera à portée de son bec pointu ! Par-
tout c’est le danger pour quelque innocente
créature. Voici le putois allongé au bord de
l’eau et qui convoite les reinettes, ces jolies
grenouilles lustrées de vert, et qu’il happe
d’une langue gourmande; voici la fouine aux
allures mystérieuses qui s’arrangerait fort bien
d’un lapereau pour son petit déjeuner.
Longtemps j ’aurais admiré les merveilles des
fleurs d’eau, le vol des insectes qu’un premier
rayon de soleil éveillait. Le signal de notre
mère, trois coups précipités, nous rappela à la
réalité. Une silhouette venait de se dresser à
travers le taillis.C’était, cette fois, Jean-Pierre,
le braconnier qui achevait la visite de ses col-
lets. Sous les aunes et les noisetiers, prudem-
ment, à la file, nous reprîmes le chemin de notre
gîte. Le merle sifflait au-dessus de nous ; il fai-
sait bon vivre à la lumière ; mais l’ombre sou-
terraine était plus sûre, et en broutant au pas-
sage quelques brins de lavande et de serpolet,
nous regagnâmes notre terrier.
(A suivre).


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