ture à agrandir ou à colorier beaucoup
les ailes de ma jeune imagination. Ce
n’est que beaucoup plus tard, et peu à
peu, que les magnifiques scènes de la
création, la mer, les sublimes monta-
gnes, les lacs resplendissants des Alpes
et les monuments humains dans les
grandes villes frappèrent mes yeux. Au
commencement je ne vis que ce que
voient les enfants du plus agreste ha-
meau dans un pays sans physionomie
grandiose. Peut-être, est-ce la meilleure
condition pour bien jouir de la nature
et des ouvrages des hommes que de com-
mencer par ce qu’il y a de plus modeste
et de plus vulgaire, et de s’initier pour
ainsi dire lentement, et à mesure que
l’âme se développe, au spectacle de ce
monde. »
De ces observations, retenons que la
meilleure méthode sera d’initier l’en-
fant aux beautés de détails de la na-
ture qui l’entoure. Qu’on lui fasse donc
remarquer la richesse d’une verte prairie
émaillée de pâquerettes et de boutons
d’or ; qu’on lui dise le pittoresque d’une
source qui tombe en chantant de l’an-
fractuosité d’une roche, la grâce d’un
ruisseau qui jase sur un lit de cailloux ou
passe silencieux sous un berceau de feuil-
lage. Qu’on lui apprenne à regarder la
voûte d’un vieux pont aux arches mous-
sues, la giroflée qui s’épanouit sur un
mur en ruines, l’étang où dorment, au-
près de la barque au repos, les larges
feuilles des nénuphars, la roue du mou-
lin sous la cascade des eaux chantantes
qui s’épandent, blanche écume, où s’ir-
radient, au soleil, les harmonieuses cou-
leurs de l’arc-en-ciel.
Quoi de plus commun qu’une rangée
de saules au bord des eaux? Mais qu’on
les lui montre, ces vieux saules, dans le
pittoresque de leurs formes et de leur
vêtement, et l’enfant les admirera.
« Ils sont tortueux, ils sont gris,
A la fois solennels et drôles ;
Ils ont des chefs tout rabougris
Les bons vieux saules.
Quon les contemple de plus près en-
core, on leur découvrira bien des at-
traits,
LES VIEUX SAULES
50
les ailes de ma jeune imagination. Ce
n’est que beaucoup plus tard, et peu à
peu, que les magnifiques scènes de la
création, la mer, les sublimes monta-
gnes, les lacs resplendissants des Alpes
et les monuments humains dans les
grandes villes frappèrent mes yeux. Au
commencement je ne vis que ce que
voient les enfants du plus agreste ha-
meau dans un pays sans physionomie
grandiose. Peut-être, est-ce la meilleure
condition pour bien jouir de la nature
et des ouvrages des hommes que de com-
mencer par ce qu’il y a de plus modeste
et de plus vulgaire, et de s’initier pour
ainsi dire lentement, et à mesure que
l’âme se développe, au spectacle de ce
monde. »
De ces observations, retenons que la
meilleure méthode sera d’initier l’en-
fant aux beautés de détails de la na-
ture qui l’entoure. Qu’on lui fasse donc
remarquer la richesse d’une verte prairie
émaillée de pâquerettes et de boutons
d’or ; qu’on lui dise le pittoresque d’une
source qui tombe en chantant de l’an-
fractuosité d’une roche, la grâce d’un
ruisseau qui jase sur un lit de cailloux ou
passe silencieux sous un berceau de feuil-
lage. Qu’on lui apprenne à regarder la
voûte d’un vieux pont aux arches mous-
sues, la giroflée qui s’épanouit sur un
mur en ruines, l’étang où dorment, au-
près de la barque au repos, les larges
feuilles des nénuphars, la roue du mou-
lin sous la cascade des eaux chantantes
qui s’épandent, blanche écume, où s’ir-
radient, au soleil, les harmonieuses cou-
leurs de l’arc-en-ciel.
Quoi de plus commun qu’une rangée
de saules au bord des eaux? Mais qu’on
les lui montre, ces vieux saules, dans le
pittoresque de leurs formes et de leur
vêtement, et l’enfant les admirera.
« Ils sont tortueux, ils sont gris,
A la fois solennels et drôles ;
Ils ont des chefs tout rabougris
Les bons vieux saules.
Quon les contemple de plus près en-
core, on leur découvrira bien des at-
traits,
LES VIEUX SAULES
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