Rencontre.
Le lendemain, un peu ému encore des inci-
dents de la nuit, je me promenai dans le bois,
rêvant à ma captivité et aux bons soins d’An-
drée. La journée s’annonçait radieuse et déjà
le soleil d’automne avait dissipé le brouillard
qui s’effilochait sur l’étang, achevant d’y mou-
rir.
Poussé par la curiosité je me dirigeai vers
la ferme. Déjà j’avais franchi la haie du jardin
et je me hasardai jusque la porte entr'ouverte
sur la cour de la ferme. Le calme qui régnait
partout me fut une déception. J’espérais ren-
contrer ma protectrice et j’attendis. Une porte
grinça ; un gloussement des poules retentit et
je les vis se grouper rapidement. Andrée venait
de paraître, apportant la pâtée matinale. Elle
portait un panier rempli de grain et sa main,
gentiment tendue, offrait à déjeuner à une oie
goulue.
Il me fut doux de revoir ma jeune amie que
je regardai avec un grand bonheur un peu mé-
lancolique pourtant. Que devait-elle penser de
mon évasion ! Mais ne l’avait-elle pas voulue I
Bravement, en dépit d’une vague inquiétude,
je restai là, contemplant ma bienfaitrice. Sou-
dain, se retournant, elle me reconnut. Que
faire? La prévenir et m’élancer vers elle ! C’était
le danger. Reculer prudemment et me ménager,
en cas d’alerte, une fuite possible ? C’est ce
que je fis. Andrée jeta aux poules le reste de
son grain et me suivit. Avec de bonnes paroles,
en me tendant les bras, elle s’approcha pour
me caresser. Je sentis ses mains passer douce-
ment sur ma fourrure et j’aurais voulu remer-
cier cette jeune enfant de la liberté que je lui
devais. Elle comprit mon désir et me félicita
du bonheur que son bon coeur m’avait rendu.
Ses frère et sœur accoururent en tumulte en
me voyant. Je partis. Le regard d’Andrée me
suivit jusque la haie d’où je lui envoyai un
au revoir qu’elle comprit.
Plus tard, je voulus explorer les environs de
la vieille église, le jardin du presbytère me
tentant. L’église est un monument du XIe siè-
cle, disent certains graves messieurs qui savent
reconnaître l’âge des pierres et qu’on voit, de
temps en temps, circuler autour de cette an-
tique construction. Elle n’est pas élégante,
cette église, mais elle me paraît bien grave et
bien recueillie, comme une vieille maman as-
sise parmi les tombeaux. Avec ses fenêtres en
meurtrière, ses murs de pierre, son toit de tui-
les, lourd comme une chape aux épaisses bro-
deries, avec son clocheton pointu, elle forme un
joli décor dans les tilleuls qui l’encadrent et
la protègent. J’ai entendu dire qu’elle conte-
nait le tombeau d’un saint personnage du
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