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Le dessin à l'école et dans la famille: revue d'éducation esthétique — 1.1922/​1923

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[mars 1923]
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https://doi.org/10.11588/diglit.43073#0181
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Dans le jardin, sur le banc où la jeune fille
à l’ours faisait ses confidences à la bonne dame,
je revis celle-ci entourée de jeunes enfants qui
l’écoutaient avec une attention mêlée d'effroi.
La dame, émue, disait aux enfants les mal-
heurs de sa protégée ravie à ses parents dès le
jeune âge, les tortures de son existence loin
d’une mère aimante et dévouée, les travaux
sans fin par toutes les saisons et sans demeure
fixe, sans abri assuré, parfois sans pain, avec
la mendicité pour moyen de subsistance et la
perpétuelle pauvreté pour compagne. La dame
dit les menaces, les coups, les mauvais traite-
ments et le regret du foyer perdu. Elle con-
clut: Mes petits enfants, ne vous éloignez jamais
du seuil de la maison, ne vous dérobez point
au regard de votre mère, et jamais, jamais ne
suivez l’inconnu qui vous attirerait par des
promesses !
Les enfants émus promirent la prudence et
la sagesse. Dans un retour immédiat sur moi-
même je me dis : pour moi aussi, sagesse et
prudence ! Bien vite je regagnai notre terrier.

Ma mère et ma sœur avaient osé tenter une
promenade dans le taillis ; partout les traces de
la sanglante aventure de la journée s’offraient
encore à leurs yeux consternés.
Je rencontrai un vieux lapin, ami de la fa-
mille ; il avait assisté plusieurs fois à des car-
nages de ce genre et portait, à l’oreille, une
blessure nouvelle, assez douloureuse, que lui
avait faite un grain de plomb égaré.
— J’en ai vu bien d’autres, me confia-t-il.
Un lapin ne passe pas quelques années dans le
voisinage des hommes sans souffrir de leurs
atteintes ; mais que voulez-vous ! La vie est
ainsi faite qu’il y faut pâtir quelque jour. J’ai
entendu dire, par un sage, « qu’il y faut man-
ger plus d’absinthe que de miel ». Elle nous

(Suite).

offre, par ailleurs, bien des compensations
qu’une aimable Providence place sagement
après les mauvaises heures ; demain ce sera la
tranquillité pour plusieurs semaines. Je dis :
pour plusieurs semaines, parce que les neiges
vont venir et alors, de-ci, de-là, il y aura la
chasse au furet, le braconnage, les longs jours
sans soleil. Mais il y aura aussi les bonnes
journées paisibles au fond du terrier, à l’abri
du froid et loin des atteintes de Jean-Pierre.
Vous le savez sans doute, le braconnier Jean-
Pierre est tout à fait guéri; il vient d’achever
sa petite tournée et je l’ai vu emportant deux
lapins et un faisan, pauvres victimes que les
chasseurs avaient blessées et qu’il a rencontrées
près de l’étang. C’est son chien, son affreux
Pataud qui a suivi la trace de ces pauvres la-
pins ; il les a dénoncés à son maître et ce soir
le bonhomme se régalera d’un bon civet en
l’honneun du châtelain et de ses invités. Nous
le reverrons ce Jean-Pierre ! Méfiez-vous de ses
lacets dès la première neige. Mais on vous at-
tend au logis, bien sûr, mon petit. Partez vite,
et bonsoir !
— Bonsoir ! criai-je à mon tour, et merci
pour vos sages conseils!... Et je me hâtai vers
notre terrier. Ma mère et ma sœur y rentrèrent
avec moi. Quelle joie de nous retrouver en
famille, le danger passé, et de vivre sans souci
dans cette bonne intimité du chez nous qu’au-
cun trouble ne menacerait plus avant de longs
jours !
Vers le soir, les enfants de la ferme passèrent
auprès de nous. Je reconnus leur voix et je
hasardai une petite sortie. Andrée marchait
avec son frère et sa sœur que suivait, à deux
pas, la bonne dame du presbytère. Je me plaçai
sur le chemin de ma petite amie, de manière
qu’elle pût m’apercevoir.
Les enfants parlaient du carnage de la jour-
née et disaient des chiffres fantastiques : cent

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