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Le dessin à l'école et dans la famille: revue d'éducation esthétique — 1.1922/​1923

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[juillet 1923]
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https://doi.org/10.11588/diglit.43073#0309
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Une alerte.
Le soleil descendait vers l’horizon et son
grand disque rouge mettait comme des lueurs
d’incendie au-dessus des fermes du village,
lorsque Marguerite et son père quittèrent le
château. Ma longue absence du terrier mater-
nel devait inquiéter les miens ; je rentrai au
plus vite.
Le calme régnait dans le bois ; de-ci, de-là,
un lapin passait furtif et regagnait son gîte.
Dans la futaie, du côté du c< Chemin rouge »,
les corbeaux piaillaient sans trêve, selon leur
habitude, avant de se fixer sur quelque branche
des ormes et des peupliers pour dormir. Us ne
craignent pas l’hiver, ces maraudeurs amis des
neiges qui fuient nos campagnes au printemps
pour y revenir avec les premiers froids. Ce soir
leur croassement m’importunait et me semblait
d’un triste présage. Oh! ce n’est pas.que je
croie aux présages et que j ’aie foi aux augures.
Souvent j’ai entendu mère Séraphine se plain-
dre du graillement des corneilles ou du hulu-
lement du chat-huant et en tirer de fâcheuses
conjectures. Ma petite amie Andrée a la cons-
cience mieux formée sur ce sujet; il me sou-
vient de son juste courroux lorsque le valet de
ferme cloua si cruellement une chouette à la
porte de la grange et de la leçon qu’elle donna,
sans crainte, à de méchants gamins.
Une impression fâcheuse me demeurait
pourtant ; il fallut le bon accueil de ma mère
et de ma sœur et la douce tranquillité de notre
asile pour me rassurer pleinement.
Nous dormions paisiblement lorsque des pas
retentirent aux environs de notre terrier. Une
voix disait :
— Us sont ici plusieurs. Plaçons nos collets,
vite, et filons !
J’entendis un bruit léger à l’entrée de notre
gîte. Jean-Pierre plaçait le piège qui devait

nous étrangler. Son crime préparé, le bracon-
nier s’éloigna pour tendre de nouveaux lacets
dans les taillis.
Que faire ! Qu’allions-nous devenir ? Com-
ment nous évader de notre gîte sans périr, sinon
en creusant une nouvelle galerie qui nous mè-
nerait au jour et nous rendrait la liberté. Ou
bien allions-nous pratiquer un passage sous le
piège même et lui échapper ? En tout cas nous
pouvions attendre le grand jour. Nous prîmes
ce parti.
Dès le lever du jour, des pas connus se rap-
prochèrent.
— Oh ! le bandit ! Il en veut encore à mes
lapins !
Un coup de canne fit voler au loin le piège
tendu. C’était le « jeune h oronge brun » qui
faisait sa promenade matinale et nous délivrait.
Une neige fine qui tombait déjà au début
de la nuit avait saupoudré le bois. Les traces
de nos pas avaient révélé notre présence à
Jean-Pierre qui, lui aussi, laissa sur le blanc
tapis l’empreinte de sa lourde chaussure. Le
promeneur remarqua1 ces indices et son inter-
vention providentielle devint notre salut.
Une heureuse trouvaille.
La journée s’annonçait radieuse. Un froid
sec et vif sévissait dans la plaine ; le bois nous
préservait de la bise et il faisait bon gam-
bader sur la1 neige aux rayons du soleil mati-
nal. Les corneilles et les corbeaux avaient
quitté leur asile de nuit ; on les entendait se
quereller pour le partage de quelque maigre
butin découvert sous la neige. Leur vol court
et sautillant mettait des taches noires sur l’her-
mine d’une neige immaculée, et je suivais avec
curiosité les manœuvres de ces singuliers oi-
seaux aussi craintifs que prudents.
Du côté du « Chemin Rouge » les bûcherons

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