SALON DE 1868.
LITHOGRAPHIE ET BOIS.
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très-compliqués, et alors elle est cl’un prix élevé; mais d’ordinaire elle
s’applique à simplifier les tailles en respectant l’effet, et elle devient ainsi
d’un tirage beaucoup plus suivi et plus simple. Le principal mérite de
M. Swain1 est de conserver très-fidèlement le caractère de dessin et de
couleur propre à chaque artiste : transparent avec M. Whistler, tendre
avec M. Leighton, vif et gai avec Leech, plus serré avec M. Millais, il est
avec M. Frédéric Walker sentimental et animé. On pouvait suivre dans
son cadre tout le mouvement familier de l’art anglais contemporain.
Je ne prétends point que nous n’ayons en France des artistes aussi
capables. Cependant notre école est un peu pédante; elle se rapproche
trop souvent du burin sur métal; elle ne sait pas aussi adroitement
réserver et distribuer les taches des blancs et des noirs qui donnent une
saveur toute particulière. Elle avait toutes ces qualités au temps de
Gavarni, de Daumier. Elle les reprendrait vite si des dessinateurs d’un
talent absolu lui fournissaient l’occasion de travaux complets. Les publi-
cations en grand format, éditées dans ces dernières années et aujour-
d’hui passées de mode, montrent, dans les culs-de-lampe, dans les tètes
de chapitres, que nous avons encore des graveurs de premier ordre; les
grandes pages hors texte étaient seules insupportables. Parmi les gens
de talent, et je ne relève que les noms qui figurent au livret, il suffit
de rappeler MM. Pannemaker, Peulot, Verdeil, Pisan, Maurand, etc.
— M. Marais est un très-habile artiste; il a gravé pour le Paris-Guide,
dont l’impression est si défectueuse, mais dont les bois sont en eux-mêmes
si soignés, une petite Marche de cavaliers, d’après M. Meissonier, qui est
un chef-d’œuvre. M. Boetzel y a fait aussi des merveilles, la Pelile dame de
Rops, entre autres. M. Lefèvre y laissait à M. Edmond Morin tout le pétil-
lant de son crayon, toute la brillante harmonie de ses blancs.—: M. llougct
grave les oiseaux de M. Giacomelli, comme, dans leur modestie, ils n’au-
raient jamais aspiré à l’être. —»M. Prunaire s’est voué à l’œuvre de
M. Claudius Po-pelin; c’est lui qui, dans la dernière publication de ce
laborieux artiste, l’Art de l’émail, a traduit, avec toute la grâce sérieuse
des originaux, le buste de la lleyne Eleuthêrilide et le petit Génie bran-
dissant une torche. M. Prunaire avait au Salon la Dévideuse, d’après un
dessin de M. Bonvin; c’est un fac-similé plein de crânerie.
Le bois ne se borne pas au pittoresque et au canard ; il a aussi une
mission plus sérieuse : c’est la reproduction des documents exacts, des ob-
1. Le bois que nous reproduisons page L13, gravé par M. Swain d’après M. Millais,
la Mort lançant ses flèches, nous a été prêté fort obligeamment par les éditeurs du
Once a Week.
XXV.
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LITHOGRAPHIE ET BOIS.
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très-compliqués, et alors elle est cl’un prix élevé; mais d’ordinaire elle
s’applique à simplifier les tailles en respectant l’effet, et elle devient ainsi
d’un tirage beaucoup plus suivi et plus simple. Le principal mérite de
M. Swain1 est de conserver très-fidèlement le caractère de dessin et de
couleur propre à chaque artiste : transparent avec M. Whistler, tendre
avec M. Leighton, vif et gai avec Leech, plus serré avec M. Millais, il est
avec M. Frédéric Walker sentimental et animé. On pouvait suivre dans
son cadre tout le mouvement familier de l’art anglais contemporain.
Je ne prétends point que nous n’ayons en France des artistes aussi
capables. Cependant notre école est un peu pédante; elle se rapproche
trop souvent du burin sur métal; elle ne sait pas aussi adroitement
réserver et distribuer les taches des blancs et des noirs qui donnent une
saveur toute particulière. Elle avait toutes ces qualités au temps de
Gavarni, de Daumier. Elle les reprendrait vite si des dessinateurs d’un
talent absolu lui fournissaient l’occasion de travaux complets. Les publi-
cations en grand format, éditées dans ces dernières années et aujour-
d’hui passées de mode, montrent, dans les culs-de-lampe, dans les tètes
de chapitres, que nous avons encore des graveurs de premier ordre; les
grandes pages hors texte étaient seules insupportables. Parmi les gens
de talent, et je ne relève que les noms qui figurent au livret, il suffit
de rappeler MM. Pannemaker, Peulot, Verdeil, Pisan, Maurand, etc.
— M. Marais est un très-habile artiste; il a gravé pour le Paris-Guide,
dont l’impression est si défectueuse, mais dont les bois sont en eux-mêmes
si soignés, une petite Marche de cavaliers, d’après M. Meissonier, qui est
un chef-d’œuvre. M. Boetzel y a fait aussi des merveilles, la Pelile dame de
Rops, entre autres. M. Lefèvre y laissait à M. Edmond Morin tout le pétil-
lant de son crayon, toute la brillante harmonie de ses blancs.—: M. llougct
grave les oiseaux de M. Giacomelli, comme, dans leur modestie, ils n’au-
raient jamais aspiré à l’être. —»M. Prunaire s’est voué à l’œuvre de
M. Claudius Po-pelin; c’est lui qui, dans la dernière publication de ce
laborieux artiste, l’Art de l’émail, a traduit, avec toute la grâce sérieuse
des originaux, le buste de la lleyne Eleuthêrilide et le petit Génie bran-
dissant une torche. M. Prunaire avait au Salon la Dévideuse, d’après un
dessin de M. Bonvin; c’est un fac-similé plein de crânerie.
Le bois ne se borne pas au pittoresque et au canard ; il a aussi une
mission plus sérieuse : c’est la reproduction des documents exacts, des ob-
1. Le bois que nous reproduisons page L13, gravé par M. Swain d’après M. Millais,
la Mort lançant ses flèches, nous a été prêté fort obligeamment par les éditeurs du
Once a Week.
XXV.
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