Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 3.1870

DOI Heft:
Nr. 3
DOI Artikel:
Ménard, René: Overbeck
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.21406#0222

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
212

OVERBECK.

foi, et il a cru que l'inspiration qui s'élève au ciel pouvait se dispenser
de traduire les réalités terrestres. De là l'absence de vie et d'individualité
dans des œuvres, qui dénotent d'ailleurs l'âme pieuse d'un chrétien et
l'esprit élevé d'un penseur.

Si un artiste a tenté de réaliser la doctrine esthétique de Savonarole,
c'est Overbeck. Le fougueux moine, qui voyait dans l'art un moyen de
ranimer la foi, s'indignait de retrouver les traits d'une courtisane dans
une madone que les fidèles venaient invoquer à l'autel, et il disait aux
artistes que l'art n'est pas l'imitation d'une réalité vulgaire, mais la re-
production d'un idéal que découvre toujours un cœur nourri par la prière.
Dans un auto-da-fé célèbre, les artistes ont vu brûler de sang-froid, à côté
de leurs propres ouvrages, des débris de l'art antique signalés comme
impurs par l'impitoyable prédicateur. Overbeck n'a rien brûlé; mais il a
passé sa vie à Rome au milieu des chefs-d'œuvre de l'antiquité, et il a
détourné les yeux ; il a pu contempler pendant quarante ans la nature
italienne, ses paysages toujours accentués par de grandes lignes, ses
figures d'une tournure si fi ère, ses types aux traits fortement accusés, et
il semble n'avoir rien vu de tout cela. Ses figures sont des réminiscences
d'Albert Durer et de Lucas de Leycle, dont elles empruntent le costume.
11 a admiré ces tableaux de l'école florentine où des figures pleines de vie
et de réalité adorent une madone tout idéale, escortée d'anges qui n'ont
rien de commun avec la terre; mais il n'a vu que le haut du tableau.
En voulant éviter tout ce qui rappelle la réalité, il s'est privé de la res-
source puissante des oppositions et semble toujours conventionnel.

Est-ce à dire qu'Overbeck n'a, comme on le prétend quelquefois,
qu'une valeur purement archéologique, et qu'il n'a donné qu'une nou-
velle édition, forcément affadie, d'œuvres qui avaient leur raison d'être
il y a plusieurs siècles, et dont la reproduction ne saurait être aujourd'hui
qu'un objet de curiosité? S'il en était ainsi, les œuvres d'Overbeck pour-
raient être appréciées de quelques hommes spéciaux, mais n'auraient pu
être comprises et acceptées par la masse du public. En prenant la dé-
froque d'un autre âge pour en habiller ses personnages, Overbeck leur a
donné l'âme d'un chrétien du xixe siècle, et c'est là son originalité. Il se
rattache à un ordre d'idées dont Chateaubriand a donné la formule dans-
le Génie du christianisme. Une expression de bonté et de mélancolie
douce pare toutes ses œuvres et leur donne une grâce charmante.

Le Christ d'Overbeck est toujours plus grand que les figures qui l'en-
tourent. Il est maigre sans être osseux, et sa figure rêveuse et douce
montre une bienveillance qui ne se dément jamais. Il semble que les vices
du genre humain l'affligent plutôt qu'ils ne l'indignent. Ce n'est pas le
 
Annotationen