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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 3.1870

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Nr. 3
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Ménard, René: Overbeck
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https://doi.org/10.11588/diglit.21406#0223

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GAZETTE DES BEAUX-A HT S.

213

Christ qui prend le fouet pour chasser les vendeurs du temple, qui inter-
dit au riche le royaume des deux, qui vient prédire la lutte, apporter la
guerre et non la paix, ce n'est pas le grand Christ byzantin, droit, roide,
immobile et immense, qui se détache sur un fond d'or et reçoit les ado-
rations des fidèles prosternés ; c'est un Christ humain, triste et résigné,
qui affirme sa bonté et semble oublier sa puissance. Jamais il n'est si
beau que quand il pardonne à ceux qui l'outragent et que les petits enfants
viennent lui prendre les mains. Les saints qui peuplent son paradis sont,
vraiment dignes de lui. Ce ne sont pas ces vaillants athlètes de la foi qui
couraient au martyre en maudissant les faux dieux, qui abattaient les
temples et brisaient les idoles, qui combattaient les démons dans la Thé-
baïde, luttaient en tout lieu contre les hérésies et fuyaient au désert
pour éviter le contact du monde. L'artiste aurait beau les appeler saint
Jérôme ou saint Antoine, leur expression montre qu'ils sont de la famille
de saint Vincent de Paul; je lis sur leur visage la charité d'un homme de
bien et non la passion d'un ascète.

Overbeck est un chrétien qui s'est nourri de Y Imitation. Il ne con-
naît pas les Pères de la primitive Église et ne traduit pas les accents de
l'âge héroïque; aussi il ne sait pas peindre le diable, cette étrange créa-
tion du moyen âge qui a épouvanté nos pères et qui fait sourire aujour-
d'hui les chrétiens les plus fervents. Autrefois, les représentations de
l'enfer se voyaient partout dans nos églises; aujourd'hui on ne les trouve
nulle part. C'est que, si la foi est immuable dans son principe, l'esprit
public n'en voit pas toujours la même face. Si Overbeck tient au xve siècle
par ses aspirations d'artiste, il est absolument contemporain par la tour-
nure de son esprit. C'est pour cela que les gravures de ses tableaux figu-
rent dans tous les paroissiens, tandis qu'Albert Durer ou Lucas de Leyde
y sembleraient étranges. D'ailleurs, bien qu'Overbeck ait fait des tenta-
tives dans la peinture monumentale, la nature de son talent semble le
ranger parmi les peintres de missels. Il n'a pas les roideurs voulues, les
grandes symétries archaïques dont Hippolyte Flandrin a tiré un si grand
parti clans la décoration de nos églises; son talent sympathique plutôt
que puissant a toujours suivi la même ligne, sans avoir eu de défail-
lances. Si on ne peut le compter parmi les grands maîtres, parce que
l'étude de la nature lui a par trop fait défaut, on ne peut méconnaître
chez le rénovateur de la peinture allemande un esprit élevé, chaste, dont
l'inspiration plane au-dessus des habiletés de l'exécution et sait toucher
le cœur en l'élevant vers le ciel d'où elle est descendue.

RENÉ MÉXARD.
 
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