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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 3.1870

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Nr. 3
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Clément, Charles: Prud'hon, [5]: sa vie, ses œuvres et sa correspondance
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https://doi.org/10.11588/diglit.21406#0225

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PRUD'HON.

215

foi. « Ceux qui prétendent, disait-il, qu'il n'y a qu'une seule manière de
retracer les formes humaines qu'offre la nature, me semblent en oppo-
sition avec elle-même et ses créations. Ne donne-t-elle pas l'exemple de
la plus riche variété? Et si elle a modelé le genre humain sur un type
semblable, n'en a-t-elle point modifié à l'infini la couleur, les formes et
la figure? Le sauvage ressemble-t-il à l'homme civilisé, l'Espagnol au
Russe, le Français à l'Anglais, enfin l'indolent Asiatique à l'actif Euro-
péen ? S'il est vrai que tous ces divers individus diffèrent d'attitude et
d'expression; s'il est constant que leurs mœurs, ainsi que le climat
qu'ils habitent, influent sur le caractère de leur physionomie, leurs
habitudes, leurs différentes occupations n'ont sans doute pas moins
d'influence sur les formes de leurs membres. Et vous voulez que moi,
le témoin journalier des modifications de ce genre que subissent mes
compatriotes mêmes, j'adopte, pour exprimer ce que je vois, un style
étranger à leur nature, style, il est vrai, dont je sens le mérite, qui me
sert d'objet de comparaison, mais que mes yeux se refusent à reconnaître
dans les objets qui m'environnent? Autant vaudrait adopter dans nos
tableaux la même figure pour tous les hommes, la même physionomie,
la même beauté pour toutes les femmes. Je ne puis ni ne veux voir par
les yeux des autres; leurs lunettes ne me vont point : j'observe la nature
et je tâche de l'imiter dans ses effets les plus attrayants. Mais qu'on me
montre ces Grecs dont les statuaires antiques ont imité les formes, et je
les retracerai avec le même enthousiasme. D'ailleurs, n'est-ce pas
enchaîner le génie et entraver le talent que de donner un patron com-
mun à toutes les productions des beaux-arts, et condamner leurs travaux
à une similitude de résultats ennemie de la liberté qui doit présider à
leur essor? Enfin parce que Corneille et Racine ont fait des chefs-d'œuvre
immortels, faut-il ne plus parler, ne plus écrire qu'en vers alexan-
drins 1 ? »

Pauvre Prud'hon ! il était, au moment dont nous parlons, bien loin
des vers alexandrins ! Il fallait vivre, et il dut accepter et peut-être
solliciter les plus humbles travaux. A quelque chose malheur est bon.
C'est en effet pendant les premières années de la Révolution, dans son
triste intérieur de la rue Cadet2, entre sa femme qui le dispute et ses

•I. Voïart, Notice, etc., p. 37 et 38.

2. Avant de demeurer rue Cadet, Prud'hon avait habité quelque temps la rue Gué-
négaud, comme le prouve une anecdote racontée par M. Cabet, qui la tient d'Anatole
Devosge lui-même. Ce récit confirme ce que nous savons d'ailleurs du caractère de la
femme de Prud'hon. « Au commencement de son séjour à Paris, Prud'hon demeurait
rue Guénégaud. Un jour, une exécution devait avoir lieu : la femme de Prud'hon, dési-
 
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