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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
portes latérales. Et pour ajouter encore à l'effet de cette consonnance,
il a placé à l'extrémité de chaque croisée de petits avant-corps circu-
laires en colonnes, qui leur servent de portiques.
Titien, Yéronèse, Rubens, les grands coloristes, ont fait consonner leurs
tons par la répétition de leurs harmonies. Dans la fameuse Assomption de
Titien comme dans les Noces de Cana de Yéronèse, malgré la diversité
apparente des tons employés, c'est sur l'opposition, renouvelée, d'un
très-petit nombre de couleurs, opposition tantôt ressentie, tantôt apaisée,
qu'est fondée en grande partie la magnificence des Noces de Cana. Le
coloris de Rubens, à y regarder bien, n'est si harmonieux, si vibrant, si
entraînant que par l'habileté qu'il a mise à rappeler les couleurs chaudes
parmi les tons froids, et les couleurs froides parmi les tons chauds. Arrê-
tez-vous devant une peinture de Rembrandt : la lumière, ou plutôt la
lueur fantastique dont les principaux personnages sont éclairés, sera
répercutée vaguement dans le fond par des demi-clairs plus doux, qui
eux-mêmes se refléteront encore mystérieusement sur quelques figures
indécises, jusqu'à ce qu'enfin le clair devienne l'ombre et que l'ombre
devienne la nuit.
Pour peu qu'il ait de goût, le tapissier ménage toujours un écho à
la couleur dominante d'un meuble dans les autres couleurs. Il encadre,
par exemple, d'une bande verte les rideaux jaunes d'une chambre meu-
blée en vert, et réciproquement, les glands et les galons du meuble vert,
il les passemente de jaune ; c'est le principe de Rubens. S'il revêt les
murailles d'une tenture ou d'un papier peint, il a soin de choisir une
bordure qui tranche, et dans laquelle cependant reparaîtront les cou-
leurs les plus voyantes de la tenture ou du papier, de manière à mitiger
le contraste même par une consonnance.
Mais c'est surtout la parure des femmes, comme nous le verrons
bientôt, qui demande des répétitions d'harmonies en même temps qu'elle
veut être assaisonnée de quelques dissonances, délicatement sauvées ou
habilement résolues.
LE CONTRASTE.
Si vous faites suivre, dans une étoffe, une raie rouge d'une raie oran-
gée, vous n'aurez qu'une alternance; mais si les bandes juxtaposées
sont des couleurs complémentaires l'une de l'autre, comme l'orangé et le
bleu, le jaune et le violet, le rouge et le vert, vous aurez, dans toute
sa vivacité, un contraste. De même, une suite de ronds et d'ovales ne
présente que des formes alternées, tandis que le cercle et le rec-
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portes latérales. Et pour ajouter encore à l'effet de cette consonnance,
il a placé à l'extrémité de chaque croisée de petits avant-corps circu-
laires en colonnes, qui leur servent de portiques.
Titien, Yéronèse, Rubens, les grands coloristes, ont fait consonner leurs
tons par la répétition de leurs harmonies. Dans la fameuse Assomption de
Titien comme dans les Noces de Cana de Yéronèse, malgré la diversité
apparente des tons employés, c'est sur l'opposition, renouvelée, d'un
très-petit nombre de couleurs, opposition tantôt ressentie, tantôt apaisée,
qu'est fondée en grande partie la magnificence des Noces de Cana. Le
coloris de Rubens, à y regarder bien, n'est si harmonieux, si vibrant, si
entraînant que par l'habileté qu'il a mise à rappeler les couleurs chaudes
parmi les tons froids, et les couleurs froides parmi les tons chauds. Arrê-
tez-vous devant une peinture de Rembrandt : la lumière, ou plutôt la
lueur fantastique dont les principaux personnages sont éclairés, sera
répercutée vaguement dans le fond par des demi-clairs plus doux, qui
eux-mêmes se refléteront encore mystérieusement sur quelques figures
indécises, jusqu'à ce qu'enfin le clair devienne l'ombre et que l'ombre
devienne la nuit.
Pour peu qu'il ait de goût, le tapissier ménage toujours un écho à
la couleur dominante d'un meuble dans les autres couleurs. Il encadre,
par exemple, d'une bande verte les rideaux jaunes d'une chambre meu-
blée en vert, et réciproquement, les glands et les galons du meuble vert,
il les passemente de jaune ; c'est le principe de Rubens. S'il revêt les
murailles d'une tenture ou d'un papier peint, il a soin de choisir une
bordure qui tranche, et dans laquelle cependant reparaîtront les cou-
leurs les plus voyantes de la tenture ou du papier, de manière à mitiger
le contraste même par une consonnance.
Mais c'est surtout la parure des femmes, comme nous le verrons
bientôt, qui demande des répétitions d'harmonies en même temps qu'elle
veut être assaisonnée de quelques dissonances, délicatement sauvées ou
habilement résolues.
LE CONTRASTE.
Si vous faites suivre, dans une étoffe, une raie rouge d'une raie oran-
gée, vous n'aurez qu'une alternance; mais si les bandes juxtaposées
sont des couleurs complémentaires l'une de l'autre, comme l'orangé et le
bleu, le jaune et le violet, le rouge et le vert, vous aurez, dans toute
sa vivacité, un contraste. De même, une suite de ronds et d'ovales ne
présente que des formes alternées, tandis que le cercle et le rec-