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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 3.1870

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Nr. 6
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Ménard, René: Salon de 1870, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.21406#0530

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514

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

L'ascète, à genoux au milieu de la toile, tout droit et dans une atti-
tude archaïque, attend la mort sans émotion. Son visage étrange, d'une
maigreur qui n'a rien de banal, entraîne l'esprit dans le temps de ces
visionnaires d'autrefois, qui prêchaient dans le désert, se nourrissaient
de racines et de sauterelles, et combattaient la nuit les démons et les
apparitions. Certes, un vieux peintre, avant que les procédés de l'art
fussent perfectionnés, eût été fier d'une pareille inspiration, et si ce
tableau avait seulement quatre siècles, les touristes ne manqueraient pas
de l'aller visiter dans l'église où il aurait trouvé sa place. Le torse du
saint est certainement le meilleur morceau de peinture qu'ait produit
M. Puvis de Ghavannes, et fait regretter que l'artiste n'ait pas apporté
le même soin au reste. La Madeleine au désert, du même artiste, est une
figure debout, dont la grande silhouette se détache sur un paysage
hérissé de rochers. Mais l'exécution laisse trop à désirer. Des tableaux de
ce genre perdent beaucoup à se trouver au Salon, parmi tant d'ouvrages
qui cherchent le ragoût de la couleur et le brio de l'exécution; pourtant,
si l'on avait besoin de grandes fresques pour décorer un édifice, M. Puvis
de Ghavannes est un des premiers auxquels il faudrait s'adresser.

On se plaint que le grand art s'en va, et ces plaintes se formulent tou-
jours au moment du Salon. Mais, il ne faut pas l'oublier, le Salon ne
saurait être considéré comme un thermomètre exact, puisqu'il se fait
chaque année dans les monuments publics des travaux qui ne peuvent
y figurer. Néanmoins nous avons pu signaler, soit dans les grands ou-
vrages, soit dans les tableaux de chevalet, des efforts sincères dirigés
.tantôt vers un style élevé, tantôt vers une exécution libre et chatoyante.
Nous avons encore à parler, outre plusieurs grands tableaux qui n'ont
pu trouver place dans ce premier article, des sujets de genre et de
paysage, qui suffiraient certes pour donner de l'éclat aune exposition,
il nous semble donc que la critique aurait tort de pousser son cri d'alarme
habituel. Si le Salon ne présente pas de ces œuvres éclatantes qui font
époque dans l'histoire de l'art, il offre en revanche un brillant état-major,
et en présence de talents si nombreux et si variés on aurait tort de se
plaindre. Les décadences ne se produisent pas par l'absence d'un grand
homme, mais par l'absence d'activité. Les idées les plus contradictoires
sont aujourd'hui en lutte : du choc jaillira la lumière.

RENÉ MÉNARD.

(La suite au prochain numéro.)
 
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