Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 5.1872

DOI Heft:
Nr. 4
DOI Artikel:
Beulé, Charles-Ernest: Journal de mes fouilles, 1
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.21407#0284

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

274

que j’ai appris ne m’ouvre les yeux que pour m’ôter le courage. Les
Propylées et le Parthénon sont les monuments les plus parfaits que
l’homme ait jamais construits. Comment peindre ce qui est si beau?
Gomment analyser ce qui est si simple?

4 décembre.

Ma perplexité s’accroît. Faire un livre sur des chefs-d’œuvre qui
rendent l’admiration muette! Faut-il parler la langue des arts? elle est
incomplète; la langue de l’érudition? elle dessèche un semblable sujet;
la langue de la poésie? elle paraît vide, en prose, et n’est plus que de
la déclamation. Les pages que Lamartine a écrites sur le Parthénon,
dans son Voyage en Orient, sont éloquentes, mais elles blessent devant
ces marbres où resplendissent la sobriété et le bon sens. Peut-être
serait-il possible de soutenir les descriptions poétiques par l’exactitude
de l’archéologie et de féconder l’archéologie par le sentiment de l’art.
Mais où sont les modèles? quelle sera la mesure?

Ή décembre.

Le paquebot de Marseille apporte des nouvelles qui ont jeté la colonie
française dans la consternation. La lecture des journaux du 2 et du
3 décembre est lugubre. Plus on est loin, plus on ressent les blessures
faites à la patrie; c’est surtout devant les étrangers qu’il est cruel de
rougir. Les Grecs, cependant, ne· manquent ni de retenue ni de délica-
tesse. Ils nous laissent passer en silence ; leurs regards seuls semblent
dire : « Pauvres gens, qui nous avez apporté la liberté et n’avez point su
la garder ! »

Ί9 décembre.

Depuis huit jours, j’ai beaucoup réfléchi : réflexions tristes, mais
salutaires ! A vingt-cinq ans, nous commençons à sonder les années qui
s’approchent, parce qu’elles doivent décider du reste de notre vie. Certes,
dans un Etat libre, c’est un rêve permis d’attacher son avenir à l’avenir
de son pays. Bien conduire ses propres affaires pour avoir le droit de
toucher aux affaires publiques, développer ses facultés pour les mettre
un jour au service de tous, demander à la politique l’emploi d’une expé-
rience lentement acquise, c’est le but le plus avouable. La génération
qui nous précède a connu ces joies. Notre génération ne les connaîtra
pas-; elle sera une génération de transition, vouée à l’impuissance et au
découragement; elle expiera des fautes qu’elle n’a point commises, et
attendra un réveil dont elle ne jouira pas. Tout est si rapide ici-bas ! Le
flot pousse le flot avec tant d’énergie ! Si jamais l’atmosphère devient
 
Annotationen