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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 5.1872

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Nr. 5
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Aquarone, J.: À propos d'un tableau de Compiègne: attribué a Jean Cousin par M. A. - F. Didot
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https://doi.org/10.11588/diglit.21407#0460

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

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regrettent d’avoir perdu?... La richesse, la gloire, la naissance, les enfants, les tyran-
nies, les royautés et les autres choses semblables. »

Ces citations, que je ne veux pas poursuivre davantage, suffisent, je pense, si on
les confronte avec le texte de M. Didot, à prouver que le sujet traité dans le tableau de
Compiègne, et celui que décrit mon auteur, sont tout à fait identiques. Si on voulait
pousser la comparaison plus loin, le livre n’est pas assez rare pour que ceux qui ne le
connaîtraient pas déjà ne puissent facilement se donner le plaisir de le connaître.
C’est le petit dialogue écrit en grec élégant et facile, qui porte le nom de Tableau de
Cébès le Thébain. Il est familier aux personnes versées dans les lettres grecques, et
si M. Didot n’y a pas songé, ce ne peut être que l’effet d’un esprit déjà préoccupé
d’idées différentes. Il n’est pas sûr, d’ailleurs, que ce soit l’œuvre de Cébès, disciple
de Socrate et l’un des personnages du Phédon, et je pencherais à croire qu’il nous
vient de quelque philosophe postérieur qui n’était pas étranger aux idées stoïciennes.

Ce n’est pas ici le lieu d’insister sur les particularités intéressantes qu’offre cette
allégorie de la vie humaine, monument précieux de la philosophie antique. Elle est
moins simple que celle du Choix d’Hercule qu’on trouve dans Xenophon, au deuxième
livre des Mémoires de Socrate. On peut, en revanche, la considérer comme le com-
mentaire et le développement de cet V symbolique, qu’un assez grand nombre de
passages d’écrivains latins postérieurs au siècle d’Auguste rattachent à l’école de
Pythagore, et dont Nicolas Duchemin a si ingénieusement tiré profit dans sa marque
reproduite par M. Didot. En effet la partie inférieure de la lettre symbolique1 est
commune à tous ceux qui entrent dans la vie; c’est seulement quand l’homme est
parvenu au lieu où ses deux branches se séparent, en une espèce de carrefour, que
commence la nécessité du choix, avec ses conséquences heureuses ou fatales.

Il en est de même dans le Tableau de Cébès, qui, d’ailleurs, fait lui-même allusion
à ses origines pythagoriciennes.

Qu’on me permette d’en indiquer le sens général en quelques lignes.

Tous les hommes passent par la première enceinte et subissent plus ou moins
l’influence de l’ignorance et de l’erreur; mais les uns se laissent entièrement dominer
par les passions brutales, et aboutissent au crime et à la perdition. Le repentir sauve
les autres de ce sort funeste, et beaucoup de ceux-là s’adressent à la Patisse Instruc-
tion qui se tient à la porte de la seconde enceinte. Elle comprend ce que des théolo-
giens appelleraient les sciences profanes ; les arts tels que la musique, la poésie, l’élo-
quence, et les sciences comme la géométrie, l’arithmétique, la dialectique, etc. Un
petit nombre seulement s’élève par un chemin ardu jusqu’à la troisième enceinte;
là ils se trouvent au pied d’un rocher qui serait inaccessible sans le secours des deux
vertus du stoïcien : la force d’endurer et le courage de s’abstenir. Grâce à elles, on
arrive à XInstruction véritable qui mène auprès de la Science (par excellence) entou-
rée du cortège de toutes les vertus; on est enfin parvenu à la demeure du salut.

Cette esquisse grossière suffit pour faire comprendre quel intérêt dut exciter ce
petit ouvrage à la suite de la Renaissance. L’allégorie, si conforme au goût du moyen
âge, plaisait autant aux générations qui l’ont suivi. Celle-ci avait en outre le précieux

1. La lettre ï, pour le dire en passant, se voit sur le bouclier d’une Minerve romaine décrite par Mont -
faucon (Antiq. supplcm., t. I, p. 171). Le savant bénédictin dit que c’est l’initiale du mot ΰγιεία, santé. Je Ie
veux bien, pourvu qu’on y reconnaisse, en même temps, la lettre de Pythagore, 1-arbre de Samos, dont la
popularité était grande sous l’empire romain. (V. Perse, 3,56 et 5,35, VAnth. loi., t. II, p. 416, Laetant.
Institut., Hb. VI, cap. m,etc.)
 
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